André Gattolin nous a présenté, en juillet dernier, un rapport d'information sur les stratégies européennes pour l'Arctique, dans lequel il soulignait les effets du réchauffement climatique sur la fonte de la banquise mais aussi les spéculations sur les richesses supposées de son sous-sol, qui suscitent bien des convoitises.
Il nous y indiquait que l'Arctique se réchauffait au moins deux fois plus vite que le reste de la planète, ce qui entraîne un changement profond et peut-être irrémédiable de la vie dans la région - pour ses habitants et pour l'environnement, qui reste fragile. À la lumière de ces enjeux, il était légitime de s'interroger sur ce que peuvent faire l'Union européenne et la France en particulier. André Gattolin a souhaité recueillir de nouveaux éléments en se rendant au Groenland en septembre dernier, dont il vient ici nous rendre compte. Il poursuivra ensuite ses travaux sur la stratégie européenne, afin que notre commission puisse arrêter une position.
Le rapport que j'ai le plaisir de vous présenter aujourd'hui s'inscrit dans la continuité des travaux que je mène depuis plus d'un an sur l'Arctique et les enjeux européens qui s'y attachent. Ils s'inscrivent également dans une réflexion plus large menée par notre commission, qui s'interroge sur l'intensification de la politique nordique de l'Union européenne - sujet d'importance, mais dont on parle moins que de sa politique orientale ou méditerranéenne -, ainsi que sur la multiplication des volontés nationales de dévolution au sein de l'Union européenne, comme l'a illustré le travail de notre collègue Garriaud-Maylam sur l'Écosse. Le fait est que le Groenland entretient une relation particulière avec l'Union européenne en même temps que s'affirme sa volonté d'indépendance à l'égard du Danemark.
Ces travaux ont fait l'objet d'un premier rapport d'information, dont notre président vient de vous livrer la synthèse. Je rappelle que la France doit élaborer, pour le mois de mars prochain, sa feuille de route pour l'Arctique, qui sera aussi l'un des enjeux du COP-21 qui se tiendra à Paris en décembre de l'année prochaine.
Le Groenland occupe, dans l'Arctique, une place singulière, qui mérite que l'on s'y arrête. Il est à la fois la plus grande île de l'hémisphère nord - et la deuxième de la planète en superficie, après l'Australie - et le pays dont la population est la plus faible - il ne comptait que 56 282 habitants au 1er janvier dernier, pour une superficie qui représente quatre fois celle de la France. J'ajoute que la quasi-totalité des enjeux de la région s'y concentrent. Ancienne colonie danoise ayant gagné progressivement son autonomie, il se trouve désormais sur la difficile route vers l'indépendance. Il est donc à la recherche de nouvelles sources de revenus pour assurer son avenir et fait l'objet de très nombreuses attentions, sans être toujours en mesure de maîtriser ces évolutions et les transformations, parfois brutales pour la population, qui s'y attachent.
De surcroît, le Groenland entretient des relations riches, mais complexes, avec l'Union européenne. Il est d'abord entré au sein des Communautés européennes avec le Danemark en 1973, alors que les Groenlandais eux-mêmes s'y étaient déclarés hostiles, à 73 %, lors du référendum. Après avoir obtenu en 1979 une première inflexion vers plus d'autonomie de son statut au sein du Royaume du Danemark, le Home Rule, le Groenland a choisi de quitter les Communautés européennes. La décision a été prise par référendum le 23 février 1982 avec une majorité, plus courte qu'en 1973, de 53 % et est entrée concrètement en application le 1er février 1985. Depuis cette date, le Groenland, tout en restant institutionnellement lié au Danemark, ne fait plus partie de l'Union européenne. Jusqu'au changement de statut de l'île de Saint-Barthélemy, il a ainsi été le seul territoire à se détacher du processus de construction européenne après y avoir adhéré, il est vrai malgré lui.
Le Groenland demeure cependant largement associé à l'Union européenne. Bénéficiant du statut des pays et territoires d'outre-mer (PTOM), il lui est également lié par un accord de coopération, signé en 2007 et renouvelé il y a quelques semaines, ainsi que par un accord de partenariat dans le secteur de la pêche. Il dispose enfin, depuis 1992, d'une représentation permanente à Bruxelles, où je m'étais rendu pour la préparation de mon précédent rapport.
Autant d'éléments qui ont motivé l'organisation de cette mission, qui m'a amené, mi-septembre, sur place et à Copenhague, où j'ai rencontré la Première du Groenland.
Hasard du calendrier, des élections législatives anticipées ont été convoquées à l'issue d'une crise gouvernementale qui s'est déroulée quelques jours seulement après mon voyage. La Première, Mme Aleqa Hammond, a été contrainte à démissionner suite à des suspicions de mauvaise gestion des deniers publics. Il faut savoir que dans les pays nordiques, tout débordement, fût-il minime, est sévèrement sanctionné. L'événement est venu réveiller des critiques récurrentes de népotisme adressées à la classe politique par une partie de l'opinion groenlandaise.
Les élections anticipées du 28 novembre dernier ont été remportées d'extrême justesse par Siumut, parti de l'ancienne Première, longtemps donné battu, mais qui l'a emporté de quelque 326 voix. Ce parti, traditionnellement présenté dans la presse comme social-démocrate, mais en réalité extrêmement libéral, a occupé sans discontinuer la tête du pays depuis 1979, à l'exception des années 2009 à 2013. L'autre grand parti de gouvernement, Inuit Ataqatigiit, arrivé deuxième, se situe plus à gauche sur l'échiquier politique. La presse le range même à l'extrême gauche, mais il faut se méfier, encore une fois, de ces étiquettes médiatiques, car ce parti réunit plutôt des sociaux-libéraux. Les scores qu'atteignent ces deux partis, autour de 33 %, ne leur donnent pas de majorité pour gouverner, dans une assemblée territoriale qui ne compte pas plus de 31 députés. Siumut bénéficie d'une légère avance, mais il ne lui sera pas simple de configurer une coalition, d'autant que ces élections ont vu émerger deux nouvelles forces politiques sur lesquelles il faudra compter, et dont les orientations paraissent très différentes : le nouveau parti Naleraq, fondé en janvier dernier par un ancien chef du gouvernement et ancien membre du parti Siumut, Hans Enoksen, d'inclinaison nationaliste, arrivé quatrième, avec 11 % des voix, et le parti Demokratiit, fondé en 2003 et arrivé en troisième position, parti, à l'inverse, sceptique quant au projet indépendantiste - en tout cas quant à son rythme. Ce dernier parti se montre beaucoup plus pragmatique s'agissant de la relation au Danemark mais aussi à l'Europe et plusieurs de ses responsables ont même évoqué la possibilité de réintégrer, à terme, l'Union européenne après l'indépendance.
Tous les partis militent pour la préservation de l'environnement... et l'exploitation des richesses minières.
Les partis verts ne sont pas seuls à militer pour la préservation de l'environnement.
Certains commentateurs voient dans ces résultats l'expression d'une fracture générationnelle entre des Groenlandais plus que jamais attachés à l'idée souverainiste, et d'autres, souvent des jeunes, qui, sans être contre l'indépendance, sont plus prudents devant ses possibles conséquences, et lui préfèrent d'autres priorités.
De fait, la campagne a pu surprendre en ce qu'elle a accordé beaucoup moins d'importance qu'attendu à deux thématiques, qui avaient largement structuré le débat public ces dernières années : le projet indépendantiste lui-même, mais aussi la gestion des ressources naturelles et le développement des industries extractives, en particulier s'agissant de l'uranium et des terres rares.
Dans les années 1970 et jusqu'aux années 2000, le discours autonomiste groenlandais s'est en partie construit autour du rejet de l'exploitation de ces ressources - par les Danois ou d'autres pays de l'Union européenne. L'extraction de l'uranium a même été interdite à partir de 1988, sur décision des autorités groenlandaises. La situation a changé lorsque les progrès vers l'indépendance sont devenus plus concrets. Les revendications politiques et culturelles ont cheminé jusqu'à devenir des revendications étatistes. Or qui dit construction d'un État dit moyens financiers pour en abonder le budget et en assurer le fonctionnement. Or, le Groenland manque encore aujourd'hui cruellement de revenus qui lui soient propres. D'où la volonté de développer les industries extractives, le sous-sol de l'île étant particulièrement riche. Une première étape a été franchie avec l'adoption du Self Rule en 2009, qui a encore élargi l'autonomie du pays en transférant, notamment, la compétence sur les ressources minérales aux autorités locales. Le Groenland pouvait ainsi prendre le train de la mondialisation en marche, voire se retrouver subitement au coeur de complexes jeux géostratégiques.
La décision d'autoriser à nouveau l'extraction de l'uranium a été prise à l'automne 2013 par le gouvernement sortant, à une voix de majorité, au milieu de débats agités. Mais cette politique se trouve déjà contestée, du fait de la chute des cours des matières premières - un certain nombre de sociétés se sont d'ailleurs retirées depuis que le cours du baril est passé sous la barre des 80 dollars. Selon une étude publiée au début de cette année, l'industrie minière, même menée avec intensité, ne permettrait pas au Groenland d'équilibrer seul son budget. Les coûts d'exploration et d'exploitation sous ces hautes latitudes sont en effet considérables. Et le caractère erratique du cours des matières premières en fait un pari risqué.
Pourtant, l'économie groenlandaise, aujourd'hui très déséquilibrée, a besoin de se diversifier. Le Groenland souffre de problèmes sociaux et sociétaux considérables ; le taux de suicide, par exemple, y est plus de cinq fois supérieur au taux de suicide mesuré en France. Il n'est pas une famille, nous disent nos interlocuteurs, qui n'ait vécu la tentative de suicide d'un enfant.
Le pays souffre également de multiples déficits, notamment en termes éducatifs. L'accès à l'éducation et la qualité de la formation sont un problème récurrent au Groenland, aggravé par le fait que les étudiants partis à l'étranger pour poursuivre leur parcours académique choisissent pour beaucoup d'y rester.
Autant de facteurs qui aboutissent, en dépit d'un taux de natalité proche de deux enfants par femme, à un recul démographique. Le Groenland ne devrait plus compter, à l'horizon 2020-2030, que quelque 54 000 habitants. Avec une population aussi faible, il devient difficile d'assurer à un pays, aussi plein de richesses potentielles soit-il, son indépendance.
Autre problème de taille : le manque d'infrastructures. L'ancien aéroport militaire américain de Kangerlussuaq, seul aéroport international d'importance, ne peut être rejoint, faute de routes et d'infrastructures portuaires, que par hélicoptère ou par avion. Ce défaut d'infrastructures est un vrai problème pour le développement.
En outre, l'économie dépend très largement du Danemark, principal fournisseur du pays, et qui, absorbant 80 % de ses exportations, dont la pêche constitue 90%, assure également la quasi-totalité de ses débouchés extérieurs. Surtout, le Danemark - avec qui les relations sont pourtant loin d'être toujours apaisées - fournit directement au Groenland pas moins de 55 % de ses recettes publiques, sous forme de subventions à hauteur de plus de 450 millions d'euros par an - 480 millions en 2013. L'Union européenne, qui a très vite souhaité maintenir des relations étroites avec ce territoire, est également un partenaire financier d'importance. L'accord de pêche pour 2013-2015 assure au Groenland une contribution annuelle de 16,3 millions d'euros au minimum, tandis que l'accord de coopération 2014-2020 lui assure un soutien à l'éducation et à la formation de plus de 30 millions d'euros par an - imaginez une collectivité territoriale française de peuplement équivalent qui disposerait d'un tel soutien européen ! Notons toutefois que malgré cette aide constante, le rôle de l'Union européenne n'est pas toujours perçu positivement. Il faut dire que le bannissement, dans les années 1980, des produits issus du phoque a eu des conséquences terribles sur l'économie traditionnelle inuit dans l'ensemble du cercle polaire. Et lorsque l'on est Français, on s'entend plus d'une fois reprocher les positions de Brigitte Bardot. Des figures comme celle de Jean Malaurie et de Paul-Émile Victor viennent redorer notre blason.
La volonté d'ancrer le nouvel accord de coopération dans une politique plus globale et cohérente de l'Union européenne vis-à-vis de son nord mérite donc d'être saluée. D'autant que la volonté d'indépendance à l'égard du Danemark, à défaut d'être programmable dans le court terme, est bien réelle dans la population. Il s'agit de prendre en compte les spécificités de cette région, de ses habitants, de son économie, et des jeux d'influence qui s'y mettent en place ; de respecter les acteurs de l'Arctique et leurs aspirations - je rappelle que 89 % de la population est inuit et très attachée à l'expression d'une culture identitaire autochtone ; de proposer à nos partenaires, en bonne intelligence avec eux, le soutien de l'Union européenne là où celui-ci peut être le plus utile et le plus efficace.
L'une des pistes que l'Europe se doit d'explorer afin d'approfondir et de renouveler ses relations avec ce territoire stratégique touche aux problématiques de développement soutenable. Si les Groenlandais rêvent d'une grande industrie minière, ils ont conscience que l'échéance, faute d'infrastructures, est lointaine, et ils s'intéressent du même coup, alors qu'ils ont l'un des plus beaux glaciers du monde, à la manière dont la France a su développer un tourisme non invasif. De même qu'ils s'intéressent de près, alors que le pays est considérablement dépendant des importations agricoles, à l'agriculture sous serre, qu'ils souhaiteraient développer en coopération avec nos centres de recherche.
Le Groenland, comme le reste de l'Arctique, se transforme à grande vitesse - et ces bouleversements apportent à ses habitants tout à la fois de nouvelles opportunités et de nouveaux risques. Il appartient à l'Europe de se montrer à leur écoute pour les accompagner du mieux qu'elle le pourra, à la place qui est la sienne, dans l'intérêt des Groenlandais et en gardant à l'esprit les grands enjeux qui animent cette région et, au-delà, la planète toute entière.
Ce territoire, qui appartient au continent nord-américain, n'entretient pourtant, malgré la présence de populations inuit au Canada, que très peu de relations avec l'Amérique du Nord, même si les Américains y sont implantés, avec leur grande base de Thulé. Il est orienté vers l'Europe - le Danemark, bien sûr, mais aussi l'Islande, les îles Féroé, la Grande-Bretagne et la Norvège. Il serait bon, d'un point de vue géostratégique, que l'Union européenne prenne en compte le Groenland dans la nouvelle donne géopolitique qui, au-delà des enjeux climatiques et environnementaux, se met en place autour de l'Arctique - tensions avec la Russie, volonté des Chinois de développer leur présence dans la région.
Il est vrai que ce pays revêt une dimension géostratégique, en même temps qu'il est un témoin de la problématique climatique en cours. Il faut être attentif à ses évolutions - d'autant que les terres rares que contient son sous-sol suscitent l'intérêt de bien des pays, au premier rang desquels la Chine, dont on sait qu'elle exploite 80 % à 90 % de ces terres, et recherche de nouveaux gisements d'exploitation, en Afrique et ailleurs.
Le Canada a mis en place un plan pour le développement du grand Nord. Il s'agit d'exploiter les richesses du sous-sol tout en accompagnant, dans leur développement, les populations autochtones - qui, soit dit en passant, ne voient pas les choses de cet oeil. Le Groenland manifeste-t-il une volonté similaire de développer l'exploitation minière qui justifierait un intérêt accru de l'Union européenne ?
Les ressources pétrolières et gazières de l'Arctique représentent 10 % des ressources mondiales et 30 % des réserves de gaz. C'est énorme. Nous avons eu l'occasion, sous la présidence de Jean-Paul Emorine, de nous rendre à Mourmansk pour aborder ces questions. Le groupe Total était intéressé à créer un joint venture avec Gazprom. Où en est-on de ce projet, rendu complexe par le problème des températures, qui peuvent atteindre moins 40 ?
Lorsque je me suis rendu au Canada, j'ai rencontré le nouveau ministre du développement durable, de l'environnement et de la lutte contre les changements climatiques du Québec, qui me disait qu'à l'époque du gouvernement libéral de Jean Charest, on avait tenté de lancer un plan similaire à celui qui existait au plan fédéral. Mais il n'est pas simple de travailler en Arctique. Areva, qui a depuis vingt ans un contrat avec une grande société d'exploitation de l'uranium, en fait l'expérience. Il est très difficile, en effet, de tracer des routes et de les stabiliser. On voit dans le changement climatique une opportunité d'exploitation de ces zones, mais c'est oublier que la fonte du permafrost provoque dans les infrastructures, y compris les canalisations, des mouvements et des effondrements. L'industrie sibérienne arctique russe rencontre le même problème. À quoi s'ajoute le fait qu'en fondant, le permafrost dégage beaucoup de méthane, gaz qui contribue vingt-trois fois plus que le CO2 à l'effet de serre. Pour autant, le gouvernement de Pauline Marois, du parti québécois, avait défini un plan redimensionné, intitulé « Le Nord pour tous ». Le nouveau gouvernement libéral de M. Couillard, qui entendait relancer ce plan Nord, se heurte cependant à de gros problèmes budgétaires : il faudrait des milliers de kilomètres de routes pour désenclaver le pays.
Le même problème se pose au Groenland, où toute infrastructure fait défaut. Les économistes estiment qu'il faudrait, en dehors de la zone de Barents et de la Norvège, où les conditions climatiques sont meilleures grâce au Gulf Stream, un baril à 120 ou 130 dollars au moins pour que l'exploitation du pétrole en Arctique soit rentable. Il faut savoir que l'industrie minière se partage en deux types d'entreprises : les seniors, soit de grandes entreprises disposant d'importantes capacités d'exploitation, et les juniors, des sociétés plus jeunes et plus spéculatives, généralement valorisées à la bourse de Toronto, où des conditions assez favorables leur sont offertes, et qui font de l'exploration. Mais le problème réside dans le passage de l'exploration à l'exploitation. Tout cela explique les énormes mouvements sur les cours du gaz et du pétrole, d'une tout autre nature que ceux qui peuvent être liés à la problématique du gaz non conventionnel.
L'engouement sans doute un peu exagéré que l'on constate au Groenland sur le potentiel existant tient au fait qu'il fallait trouver les voies d'une indépendance rapide. Pour se former, cependant, dans les disciplines scientifiques, sachant que l'université de Nuuk n'offre que des cursus en sciences humaines, les élites doivent partir étudier à Copenhague, dont elles ne reviennent pas toujours...
Le parallèle avec le Canada est intéressant. Il faut savoir que plus de la moitié de la balance commerciale du Canada relève du secteur primaire - le bois et les matières premières non transformées -, un peu à l'image de la Russie, qui assure son équilibre économique par la vente massive de matières premières. Il est un seul domaine où le Canada investit au Groenland : les mines d'extraction du rubis. C'est que leur exploitation n'exige que cinquante à soixante employés, que l'on peut aisément former parmi les Groenlandais, quand un projet d'exploitation du zinc ou du nickel, comme l'avaient formé les Chinois, exige 5 000 employés, qu'il faut faire venir d'ailleurs. Le rubis bénéficie, de surcroît, d'un cours très stable et ne nécessite pas d'infrastructures : un hélicoptère suffit.
À côté de tels projets, dont le pays a besoin, le secteur traditionnel de la pêche pourrait être un atout. N'est-ce pas en misant sur ce secteur que l'Islande s'est redressée ? Mais pour l'instant, peu de bateaux groenlandais pêchent dans ces eaux ; ce sont, pour l'essentiel, des bateaux des pays de l'Union européenne, qui payent une redevance. À noter que le contrat de partenariat noué entre l'Union européenne et le Groenland ne pouvant passer par les fonds de développement régionaux, les lignes d'aide au Groenland sont paradoxalement inscrites au budget de l'Union européenne. Il serait bon de rechercher, à l'avenir, un système d'accords sur mesure qui ne privent pas les Groenlandais du sentiment de leur indépendance.
L'accord avec le groupe Total ? Christophe de Margerie avait déclaré à plusieurs reprises qu'il se refusait à forer dans les zones off shore glacées. Si bien que les premiers gisements ont été exploités par Gazprom, mais que Total a racheté, in fine, une partie de sa production dans ces zones. Un article paru dans « Le Figaro économie » de ce matin, qui fait apparaître la corrélation entre l'effondrement du prix du brut et celui de l'économie russe, montre combien les économies fondées sur ce type d'exploitation sont dépendantes.
Il est vrai que les effets de l'effondrement des prix du brut sur l'économie russe sont bien supérieurs à ceux des mesures de rétorsion décidées par l'Union européenne. Quand on voit que lors de sa dernière réunion, l'Opep a décidé de ne pas fermer les robinets, on se dit que le message est peut-être venu d'ailleurs...
À l'issue de ce débat, la commission a autorisé, à l'unanimité, la publication du rapport de M. André Gattolin, paru sous le numéro 152 (2014-2015).
Mes chers collègues, nous allons maintenant entendre une communication de nos collègues Fabienne Keller et François Marc sur la procédure européenne d'examen des budgets nationaux. Cette procédure suscite actuellement beaucoup de débats et aucun jour ne passe sans que ne soit évoquée la réaction de la Commission européenne sur la loi de finances 2015. Nos collègues vont ainsi vous expliquer les règles du two pack qui régissent les modalités de la surveillance européenne des budgets nationaux. Il importe ainsi d'identifier clairement sur quels textes elle s'appuie, quelles en sont les principales étapes et les conclusions possibles.
On parle ainsi d'éventuelles sanctions, et celles-ci demeurent strictement codifiées. Mais dans quelles conditions peuvent-elles être prises ? En outre, le président du Sénat vient d'adresser un courrier à M. Jean-Claude Juncker pour lui demander qu'un commissaire vienne débattre au Sénat de cette question et donner ainsi corps au semestre européen, dans un esprit avant tout de partenariat. Lors de la dernière COSAC qui vient d'avoir lieu à Rome, nous avons d'ailleurs pu formuler, avec quelques collègues, auprès de M. Frans Timmermans, une demande en ce sens.
Nos rapporteurs vont donc nous éclairer sur la teneur exacte de cette procédure. Ils vont aussi nous dire ce qu'il ressort de l'examen récent par la Commission européenne.
Le 28 novembre dernier, la Commission européenne a rendu son avis sur les projets de budgets des États membres de la zone euro. Pour la deuxième année consécutive, sont ainsi mises en application les nouvelles règles issues du fameux two pack : c'est ainsi que l'on désigne les deux règlements européens, qui ont été adoptés en mai 2013, au plus fort de la crise, pour renforcer l'encadrement des politiques budgétaires des États de la zone euro. En effet, si on laisse diverger les politiques budgétaires de ces États alors qu'ils partagent la même politique monétaire, on met la zone euro en péril.
L'objectif de notre communication à deux voix, avec Mme Keller, est d'évoquer aujourd'hui cette nouvelle procédure de surveillance budgétaire. Je me propose de vous la rappeler à grands traits et de faire un bilan de son application ces deux dernières années. Mme Keller parlera ensuite du cas français, qui nous intéresse directement.
L'adoption du two pack représente une évolution importante de la surveillance budgétaire, qui reposait jusque-là sur le seul pacte de stabilité conclu en 1997 : on passe en effet de l'évaluation ex post à des recommandations ex ante.
Concrètement, les nouvelles règles instituent d'abord un calendrier budgétaire commun à la zone euro. Ainsi est-il prévu que les États rendent public, le 30 avril au plus tard, leur plan budgétaire national à moyen terme, en même temps que leur programme de stabilité - dont il reprend les éléments - et leur programme national de réforme et qu'ils publient, le 15 octobre au plus tard, leur projet de budget pour l'année suivante et soumettent à la Commission européenne et à l'Eurogroupe un projet de plan budgétaire, fondé sur des prévisions macroéconomiques indépendantes. En outre, les États membres adoptent le budget pour l'année à venir, le 31 décembre au plus tard.
Entre temps, les projets de plans budgétaires sont soumis pour examen à la Commission : c'est la principale innovation introduite par le two pack. Elle doit formuler son avis, pays par pays, pour le 30 novembre au plus tard. On est allé cette année au bout du temps imparti.
Si la Commission décèle un manquement particulièrement grave aux obligations découlant du Pacte de stabilité et de croissance, elle doit adopter son avis dans les deux semaines suivant la transmission du projet de plan budgétaire ; elle demande alors qu'un projet révisé lui soit soumis dès que possible. Ce cas ne s'est encore jamais présenté, pour l'instant du moins.
C'est donc, cette année, le 28 novembre que la Commission a rendu publics ses avis sur les projets de plans budgétaires. Ils doivent prochainement être soumis à l'Eurogroupe.
Autre innovation du two pack : les pays en déficit excessif doivent présenter un programme de partenariat à la Commission européenne. Ce programme de partenariat économique décrit les mesures et les réformes structurelles qui ont été ou seront engagées, pour assurer une correction effective et durable des déficits excessifs. Il s'agit, en quelque sorte, d'une actualisation du programme de stabilité et du programme national de réforme, pour tenir compte des recommandations formulées par le Conseil de l'Union européenne à la fin du semestre européen. Ce programme de partenariat économique fait également l'objet d'un avis de la Commission.
Comment cela s'articule-t-il avec la procédure pour déficit excessif, dont, je vous le rappelle, la France fait l'objet avec plusieurs autres États membres ? C'est une question d'actualité. Il est prévu que ce programme de partenariat soit présenté en même temps que le « rapport sur l'action engagée » que doit présenter tout pays sous procédure de déficit excessif, en réponse à la recommandation du Conseil : ce rapport indique, pour les dépenses et les recettes, les objectifs fixés conformément à cette recommandation du Conseil. Il apporte aussi des informations sur les mesures déjà prises et sur la nature de celles qui sont envisagées pour atteindre ces objectifs. La France a fait le choix de faire figurer dans un document unique tout à la fois le projet de plan budgétaire, le rapport sur l'action engagée en réponse à la recommandation issue de la procédure de déficit excessif et le programme de partenariat économique ; il s'agit du rapport économique, social et financier (RESF) annexé au projet de loi de finances.
Quel bilan peut-on tirer de cette procédure après deux exercices ? Évidemment, les circonstances ont été particulières à chaque fois : l'an dernier, c'était la première mise en oeuvre du dispositif, et en plus cette première fois reposait sur une Commission européenne en fin de mandat ; et cette année, c'est à nouveau une première, cette fois-ci pour la nouvelle Commission qui vient d'être mise en place.
Nous avons pu nous entretenir avec les services de la Direction Générale compétente de la Commission européenne pour avoir un retour d'expérience. Ils nous ont indiqué la difficulté qu'il y avait à dresser aujourd'hui un bilan des nouvelles règles de gouvernance économique : en effet, la valeur ajoutée de ce nouveau cadre réglementaire tient à son volet préventif, puisqu'il doit aider à détecter à un stade précoce les risques de non-respect des règles du pacte par un État membre. Or le bon fonctionnement de ce volet préventif n'a pas pu être vérifié en raison du contexte de crise financière et économique très sévère de ces derniers mois.
Le two pack lui-même prévoyait que la Commission soumette au Parlement européen et au Conseil avant le 14 décembre 2014 un rapport sur son application. Ce rapport devait évaluer notamment l'efficacité de ce règlement, les progrès réalisés, en ce qui concerne la coordination des politiques économiques et la convergence des performances économiques des États membres, ainsi que la contribution du règlement à la réalisation de la stratégie de l'Union pour la croissance et l'emploi.
Le 28 novembre 2014, la Commission a rempli cette tâche en publiant un rapport plus large, qui dresse en fait un bilan global de l'application des nouvelles règles de gouvernance économique, celles issues du two pack mais aussi celles issues du six pack adopté fin 2011. Le bilan qu'elle en tire est globalement positif : le déficit budgétaire moyen de l'Union européenne à 28 est passé de 4,5 % du PIB en 2011 à environ 3 % estimés pour 2014. De même, alors que fin 2011, 23 des 27 États membres étaient soumis à une procédure pour déficit excessif, ce chiffre était tombé à 11 sur 28 à la fin du mois d'août 2014. Mais la croissance reste fragile, le chômage élevé et les défis économiques demeurent importants.
Concernant la surveillance budgétaire, la Commission observe qu'aucune sanction n'a été infligée aux pays violant les règles du pacte de stabilité ; ses services nous ont indiqué que, même si elles étaient prévues par le règlement, les sanctions seraient vécues comme punitives par un État, ce qui ne serait pas très constructif pour aider cet État à sortir de l'ornière budgétaire. Je leur ai en outre fait observer que les sanctions prévues étant financières, elles ne feraient que creuser encore le déficit de l'État sanctionné, ce dont ils sont convenus.
Mais la Commission relève qu'au moins, la nouvelle procédure consistant à soumettre les budgets à l'avis de la Commission a accru la pression en faveur d'une correction des déficits excessifs. Elle souligne aussi l'importance des programmes de partenariat qui sensibilisent davantage les décideurs politiques à la corrélation entre les réformes structurelles et la viabilité budgétaire. Surtout, elle se félicite qu'aient été créés, ou au moins renforcés, dans les États de la zone euro, des organismes chargés d'assurer un contrôle indépendant sur le respect des règles budgétaires et d'établir des prévisions macroéconomiques indépendantes. Je rappelle que, pour la France, cet organisme est le Haut Conseil des Finances publiques, qui a été créé fin 2012. C'est, pour nous autres parlementaires, un instrument précieux qui nous offre une contre-expertise indépendante du scénario budgétaire du Gouvernement, ce qui éclaire notre examen du projet de loi de finances. Le Haut Conseil a d'ailleurs reconnu comme plausibles les hypothèses sur lesquelles le Gouvernement avait élaboré son budget cette année.
La Commission n'hésite pas à souligner par ailleurs la complexité des nouvelles règles de surveillance économique et budgétaire : elle est consciente que cela rend difficile leur mise en oeuvre, la communication à ce sujet et donc l'appropriation des politiques. Elle insiste sur la nécessité de leur donner plus de légitimité démocratique et appelle à cette fin les parlements nationaux à prendre pleinement part à l'exercice. Mais, si les réunions entre les parlementaires nationaux et leurs homologues européens doivent être encouragées, encore faut-il qu'elles aboutissent à quelque chose de concret !
Je laisse maintenant la parole à Mme Keller pour ce qui concerne le cas de la France dans cette procédure de surveillance budgétaire.
Je tiens, à titre liminaire, à saluer les services techniques du Sénat qui ont organisé une visioconférence avec nos interlocuteurs de la Commission européenne. Celle-ci nous a ainsi permis de mieux préparer cette communication.
Selon l'avis rendu par la Commission vendredi dernier, les projets de budget de cinq États membres (Allemagne, Irlande, Luxembourg, Pays-Bas, Slovaquie) apparaissent conformes au Pacte de stabilité et de croissance ; quatre autres (Estonie, Lettonie, Slovénie, Finlande) ont présenté, selon elle, des projets « globalement » conformes aux règles budgétaires européennes. Sept pays (Belgique, Espagne, France, Italie, Malte, Autriche, Portugal) présentent en revanche un risque de non-conformité avec les dispositions du Pacte de stabilité et de croissance. Je note qu'en l'absence d'instance politique spécifique à l'Eurogroupe, toutes les décisions relatives au Pacte de stabilité relèvent des 28 États membres dans leur ensemble.
Finalement, après de vifs débats, la Commission européenne a décidé que les cas de la Belgique, de l'Italie et de la France feront l'objet d'un suivi particulier au printemps : la Commission examinera, début mars 2015, leur situation budgétaire à la lumière de la version définitive des lois de finances pour 2015 que ces pays auront adoptées et des précisions qu'ils apporteront à leurs programmes de réformes structurelles.
Je rappelle qu'en 2014, la dette publique avoisinera en Belgique 105 % du PIB et qu'elle dépassera 130 % du PIB en Italie. La France se distingue pour sa part par l'ampleur de son déficit budgétaire annuel.
Comme vous le savez, la France fait l'objet, sur décision du Conseil de l'Union européenne, d'une procédure de déficit excessif depuis 2009. Au titre de cette dernière, il était prévu qu'elle ramène son déficit public en deçà de 3 % du PIB en 2013. Toutefois, compte tenu de la « forte détérioration de la position budgétaire due à une position globale de l'économie moins favorable que celle sur laquelle se fonde la recommandation du Conseil de 2009 », la Commission a proposé le 29 mai 2013 d'accorder à la France une prolongation jusqu'à 2015 du délai pour corriger son déficit excessif. Cette position a été validée par le Conseil de l'Union européenne le 21 juin 2013.
Ce report de deux années, soit un délai doublé par rapport au délai d'un an prévu par les textes du retour sous la barre des 3 %, s'est accompagné de recommandations du Conseil portant sur la trajectoire de solde public de la France jusqu'à 2015. Elles comprennent des cibles de déficit effectif ainsi que des objectifs d'ajustement du solde structurel : le Conseil demandait à la France de ramener son déficit en 2015 sous la barre des 3 % et de dégager un effort structurel de 0,8 point de PIB en 2014 et 2015.
La France a transmis son projet de plan budgétaire mi-octobre à la Commission européenne. Celle-ci a réagi en adressant une semaine plus tard un courrier dans lequel elle indiquait, d'une part, que le projet français ne prévoyait pas que la France ramène son déficit budgétaire nominal sous le seuil de 3 % du PIB en 2015, comme prévu par la recommandation du Conseil de 2013 et que, d'autre part, en matière de déficit structurel, l'effort annoncé était bien en dessous du niveau recommandé. Le Pacte de stabilité et de croissance prévoit effectivement un effort structurel d'au moins 0,5 point de PIB pour les États faisant l'objet d'une procédure pour déficit excessif.
En réponse, la France a adressé un courrier le 27 octobre dernier présentant des précisions et des mesures nouvelles, qui permettaient d'afficher un déficit public réduit de 3,6 milliards d'euros sans réelle modification structurelle par rapport au projet initial.
Après examen, la Commission européenne a jugé que les mesures annoncées dans ce courrier ne contribueraient qu'à améliorer de 0,1 point de PIB l'effort d'ajustement structurel et ne garantissaient pas que le déficit structurel français serait réduit de 0,5 point de PIB en 2015. À ce stade, elle estime même l'effort structurel pour 2015 à 0,3 point de PIB, très loin de l'objectif de 0,8 recommandé par le Conseil en 2013. Il s'agit bien sûr d'une estimation car, comme nous l'ont fait remarquer les services de la Commission, « l'effort structurel se calcule, il ne s'observe pas ».
Comme le Haut Conseil des Finances publiques l'avait fait fin octobre dans son avis, la Commission européenne a aussi jugé que les prévisions macroéconomiques du Gouvernement étaient un peu trop optimistes, surtout pour 2015.
Pour 2014 peut-être, mais manifestement optimistes pour 2015 ! Alors que le Gouvernement attend une croissance de 0,4 % en 2014 et 1 % en 2015, la Commission table sur 0,3 % en 2014 et 0,7 % en 2015. Venons-en au déficit budgétaire nominal. Invoquant la moindre inflation et croissance que prévu, le Gouvernement annonce un déficit nominal de 4,4 % du PIB en 2014 et de 4,3 % en 2015. La Commission estime, elle aussi, que le déficit atteindra 4,4 % du PIB en 2014 mais elle anticipe qu'il se creusera en 2015 à 4,5 % ; la dette atteignant alors 98 % du PIB.
Ainsi, de fait, le gouvernement français a reporté unilatéralement à 2017 l'objectif de ramener son déficit nominal sous la barre des 3 %. Comme le souligne le Haut Conseil, non seulement le Gouvernement ne corrige pas l'écart de la trajectoire d'ajustement vers l'objectif de moyen terme, mais cet écart s'accroît, et le Gouvernement fait le choix de définir une nouvelle trajectoire avec des objectifs revus à la baisse. La dette publique continue ainsi d'augmenter avec ce paradoxe que sa charge baisse du fait des taux d'intérêt très bas. La Commission a choisi de ne pas se prononcer sur ce point avant le printemps 2015 : tout juste installée, elle souhaite voir, d'ici là, l'étendue des mesures structurelles, comme la réforme des collectivités territoriales, la loi sur l'activité économique ou encore le pacte de responsabilité. Elle dit également vouloir disposer de la loi de finances pour 2015 finalisée et connaître l'exécution budgétaire 2014. À cet égard, la Commission, qui dispose d'un desk dédié, un peu d'ailleurs sur le modèle des salles de marché, à la France, suit les exécutions budgétaires jusqu'au niveau mensuel !
Je note pourtant que la Commission ne disposera toujours pas à cette date de données fermes sur le budget 2014, la loi de règlement intervenant au début de l'été, ni même des comptes 2014 des administrations publiques en données de comptabilité nationale, puisque ceux-ci ne sont jamais disponibles avant la fin mars.
Reporter son verdict sur le cas français à mars 2015 permet aussi à la Commission de faire coïncider l'évaluation de la trajectoire budgétaire des États membres et l'évaluation de leurs déséquilibres économiques : c'est en effet en mars qu'elle publiera son bilan approfondi sur les déséquilibres économiques français. Elle pourra ainsi avoir une vision économique et financière complète et simultanée de la situation de notre pays.
Si la France a échappé à toute sanction, grâce à l'installation d'une nouvelle Commission, elle sera suivie de très près par Bruxelles. L'heure de vérité sonnera nécessairement en mars, ce qui laisse très peu de temps à notre pays pour faire la preuve de son sérieux budgétaire et de sa détermination à mener les réformes structurelles capables d'assurer la viabilité budgétaire.
Il est en tout cas probable que nous soyons appelés à voter une loi de finances rectificative en mars pour améliorer le solde structurel de 2 à 10 milliards d'euros. Cette estimation reste assez imprécise car les calculs de la Commission en la matière donnent des résultats différents selon la méthode retenue, descendante ou ascendante. Mais, d'une façon ou d'une autre, la Commission évalue entre 0,1 et 0,5 point de PIB l'effort structurel que la France devrait faire pour respecter ses obligations en 2015.
En outre, il nous faudra parallèlement avancer concrètement sur les réformes structurelles. Nous avons interrogé les services de la Commission sur les pistes de réformes que la France devrait suivre, notamment en s'inspirant des réformes les plus efficaces qu'avaient pu mener d'autres États membres. Ils sont restés très prudents, se défendant de toute intrusion dans la politique interne d'un État membre. Ils ont simplement rappelé les termes de la recommandation du Conseil adressée à la France : cette recommandation insistait notamment sur le maintien du CICE (crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi) et la mise en oeuvre du pacte de responsabilité et de solidarité pour alléger le coût du travail, sur le nécessaire contrôle des dépenses sociales, qui représentent la moitié des dépenses publiques, sur l'assouplissement du marché du travail, sur l'importance de la formation, sur la nécessaire simplification et sur l'ouverture à la concurrence.
Les services de la DG Ecofin ont aussi indiqué qu'ils travaillaient depuis longtemps à explorer le lien entre croissance et consolidation budgétaire ; à ce sujet, ils ont insisté sur le fait que la façon dont on menait l'ajustement budgétaire était importante, car l'effet de cet ajustement sur la croissance pouvait être différent.
C'est pourquoi, avec notre collègue François Marc, nous vous proposons donc de suivre l'évolution de ce dossier attentivement et d'inscrire le sujet à l'ordre du jour de notre commission au mois de mars. Notre pays, dans ce dispositif, ne fait pas partie du peloton de tête ! Je vous remercie, mes chers collègues, de votre attention.
Je remercie nos deux collègues pour leur intervention dans laquelle ils se sont exprimés en fonction de leur école de pensée respective : l'une attachée à la consolidation budgétaire et l'autre plus favorable aux investissements publics dans le contexte favorable de taux d'intérêt très bas. Mais avec une dette qui représente près de 98 % du produit intérieur brut, la France ne manquera pas d'éprouver des difficultés accrues lorsque les taux d'intérêt remonteront ! Notre collègue François Marc a souligné les problèmes, notamment de méthode, suscités par la mise en oeuvre du mécanisme de sanction. Or, les sanctions auxquelles s'expose la France, qui relève déjà du volet correctif, et non plus préventif, du pacte de stabilité et de croissance - puisque notre pays fait déjà l'objet d'une procédure pour déficit excessif - sont envisageables selon les étapes suivantes : d'abord, un dépôt ne portant pas intérêt d'au plus 0,2 % du PIB, puis une amende fixe d'au plus 0,2 % du PIB et enfin, une amende variable si la mise en conformité n'a toujours pas eu lieu. En somme, la Commission européenne nous a laissé trois mois pour améliorer nos comptes et elle ne nous lâchera pas ! Sanctionner la deuxième économie de l'Union européenne ne représente nullement une action neutre, et il y a des précédents qui légitiment une telle démarche. Enfin, je salue la création du Haut Conseil des finances publiques qui nous apporte une objectivité accrue dans l'évaluation de nos comptes nationaux et de notre politique budgétaire.
Pensez-vous que la Commission dispose des moyens nécessaires pour appréhender les différences nationales en matière de méthode et d'imputation comptable et comparer, de manière efficace, la situation des États membres ? Je songe notamment aux problèmes méthodologiques suscités par les éléments hors-bilan qui peuvent rendre plus délicate l'évaluation des comptabilités nationales. Par ailleurs, à partir du moment où chaque niveau administratif est doté d'une supervision comptable qui lui est propre, ne doit-on pas responsabiliser les collectivités locales au moment de l'évaluation des comptes nationaux ?
Il est toujours intéressant de regarder comment l'Europe perçoit la situation française. Les gouvernements de ces dernières années ont toujours présenté des budgets reposant sur des niveaux de croissance inatteignables ! Dans le contexte atone que nous connaissons, un pays qui n'a plus de croissance ne peut que s'appauvrir. Plus que jamais, notre interlocuteur privilégié doit demeurer l'Allemagne où les taux de prélèvement obligatoire représentent 35 % contre 45 % en France et l'emploi public quelque 11 % contre 22 % chez nous. La situation de nos comptes est pour le moins catastrophique : avec un déficit de 4,4 % du PIB, il nous faut emprunter quelque 88 milliards d'euros, soit 28 milliards de plus que si notre déficit atteignait un déficit de 3 %. En 2015, notre dette atteindra presque 100 % du PIB et la baisse des taux d'intérêt n'est qu'un répit ! Qu'adviendra-t-il lorsque leur remontée s'amorcera ? L'ensemble de ces chiffres ne peut qu'aviver notre réelle préoccupation !
Ne serait-il pas possible de présenter différemment le déficit, non pas tant en termes de PIB que de montants réels qu'il induit ? Une telle présentation aviverait les prises de conscience quant à l'urgence de la situation et conduirait le Gouvernement à présenter, de manière plus objective, le budget !
La question des sanctions est un point de consensus avec mon collègue François Marc tant il est vrai qu'infliger des pénalités à un pays qui se débat dans une situation budgétaire difficile relève d'une approche discutable et ce, compte tenu des sommes qui sont concernées puisqu'il s'agit de pourcentages représentant des milliards ! L'utilisation de la sanction reste un moyen de pression réel exercé par les instances de la Commission dont les décisions présentent nécessairement un caractère collectif.
S'agissant de la capacité de la Commission à comparer de manière cohérente les différentes comptabilités nationales, il nous semble que les erreurs commises par l'Agence Eurostat lors de la crise de 2008-2009 sont, semble-t-il, en voie d'être corrigées et que les techniques comptables, comme les imputations hors-bilan ou les prêts à mécanismes progressifs induisant des effets de lissage de la dette, semblent devoir être mieux prises en compte. D'ailleurs, chaque pays, dont la France, fait l'objet du suivi d'un desk spécifique avec des spécialistes.
Le principe de subsidiarité fait obstacle à la prise en compte des collectivités territoriales ! Je souscris, pour ma part, aux remarques faites par notre collègue Jean-Paul Emorine. Celles-ci illustrent la parole terrible sur les prévisions de croissance prononcée par l'un de nos interlocuteurs européens qui remarquait que certains États recouraient à la croissance pour pouvoir boucler leur budget !
S'agissant de l'effet induit par l'augmentation des taux d'intérêt, il faut garder en mémoire qu'une hausse d'un point en 2017 provoquerait l'augmentation, à hauteur de 7,5 milliards d'euros, du poids de la dette.
Par ailleurs, il est vrai qu'on ne raisonne pas, en termes de déficit national, de la même manière que dans une entreprise où les données utilisées permettent de mesurer davantage l'ampleur, le cas échéant, des déficits !
Notre intervention a pour objet de vous dresser un état des lieux sur les discussions en cours sur le two pack et ses perspectives. Il ne s'agit pas d'élargir notre propos à des considérations susceptibles d'être tenues dans l'enceinte de la commission des finances !
Mais nous sommes dans un exercice de vérité et c'est là l'élément positif qu'il faut qu'on retienne. Cet exercice concerne non seulement les statistiques mises en parallèle notamment par Eurostat, mais légitime aussi l'effort considérable poursuivi pour définir des bases comptables comparables entre les différents pays de l'Eurogroupe.
Cette démarche de vérité concerne aussi les prévisions de croissance sur lesquelles reposent les budgets nationaux puisqu'on a demandé que des institutions indépendantes deviennent garantes, dans chaque État, de la véracité des chiffres. Cette pratique était d'ailleurs usitée dans certains États, comme les Pays-Bas et le Danemark ; notre commission des finances avait examiné le fonctionnement de ces organes indépendants fournisseurs d'informations à l'ensemble des acteurs économiques et sociaux. En France, le Haut Conseil assumera un rôle analogue et nous permettra d'obtenir des informations fiables établies de manière indépendante.
S'agissant des données budgétaires du moment, il me semble qu'il vaut mieux attendre le mois de mars prochain. Mais je ne peux que me faire l'écho du ministre des finances, M. Michel Sapin, qui a annoncé ce matin que le déficit ne s'élèverait pas à 4,3 % mais plutôt à 4,1 %. Nous verrons bien !
Il nous est apparu que nos interlocuteurs européens demeuraient sur la réserve lorsqu'il leur fallait évoquer l'évolution prochaine des États membres, et notamment de la France. N'oublions pas que le débat politique peut faire évoluer le dispositif ! D'ailleurs, l'importance récemment accordée, lors de la dernière discussion européenne, à l'investissement, qui était jusque-là considéré après la consolidation budgétaire et les réformes structurelles, témoigne de la capacité de l'échange politique d'inverser les paramètres. Ainsi, les discussions entre gouvernements peuvent faire évoluer les modalités d'application du pacte de stabilité, comme le report des échéances pour atteindre le seuil des 3 % de déficit budgétaire l'indique. La recherche de compromis politiques est un facteur d'espérance dans chacun des États membres qui touche également les différents investisseurs.
Merci mes chers collègues. Nous aurons prochainement la visite d'un commissaire qui poursuivra la discussion entamée par nos deux rapporteurs.
Je vous propose de désigner Mmes Pascale Gruny et Patricia Schillinger comme rapporteurs sur les questions relatives à la formation en alternance. Il y a là, me semble-t-il, un beau sujet sur lequel la coopération franco-allemande devrait trouver à s'exprimer. Je rappelle que nos collègues suivent par ailleurs le dossier de la convergence sociale.
Je vous propose également de désigner MM. Pascal Allizard et Didier Marie comme rapporteurs sur l'évaluation à mi-parcours de la stratégie Europe 2020.
Avec M. Simon Sutour enfin, nous examinerons le programme de travail de la Commission européenne, en vue de nous permettre de formaliser une position que nous pourrions adresser directement à la Commission dans le cadre du dialogue politique.
Lors de la COSAC de la semaine dernière, il nous a semblé que se dessinait la reconnaissance d'un droit d'initiative désigné sous le label de « carton vert » qui serait conféré aux parlements nationaux. Ce droit irait au-delà de l'interpellation et pourrait permettre aux parlements nationaux un droit de proposition à part entière. Notre commission suivra naturellement l'évolution de cette initiative.
La réunion est levée à 18 heures 45.