Intervention de Fabienne Keller

Commission des affaires européennes — Réunion du 3 décembre 2014 à 17h05
Économie finances et fiscalité — Procédure européenne d'examen des budgets nationaux - communication de mme fabienne keller et de m. françois marc

Photo de Fabienne KellerFabienne Keller :

Pour 2014 peut-être, mais manifestement optimistes pour 2015 ! Alors que le Gouvernement attend une croissance de 0,4 % en 2014 et 1 % en 2015, la Commission table sur 0,3 % en 2014 et 0,7 % en 2015. Venons-en au déficit budgétaire nominal. Invoquant la moindre inflation et croissance que prévu, le Gouvernement annonce un déficit nominal de 4,4 % du PIB en 2014 et de 4,3 % en 2015. La Commission estime, elle aussi, que le déficit atteindra 4,4 % du PIB en 2014 mais elle anticipe qu'il se creusera en 2015 à 4,5 % ; la dette atteignant alors 98 % du PIB.

Ainsi, de fait, le gouvernement français a reporté unilatéralement à 2017 l'objectif de ramener son déficit nominal sous la barre des 3 %. Comme le souligne le Haut Conseil, non seulement le Gouvernement ne corrige pas l'écart de la trajectoire d'ajustement vers l'objectif de moyen terme, mais cet écart s'accroît, et le Gouvernement fait le choix de définir une nouvelle trajectoire avec des objectifs revus à la baisse. La dette publique continue ainsi d'augmenter avec ce paradoxe que sa charge baisse du fait des taux d'intérêt très bas. La Commission a choisi de ne pas se prononcer sur ce point avant le printemps 2015 : tout juste installée, elle souhaite voir, d'ici là, l'étendue des mesures structurelles, comme la réforme des collectivités territoriales, la loi sur l'activité économique ou encore le pacte de responsabilité. Elle dit également vouloir disposer de la loi de finances pour 2015 finalisée et connaître l'exécution budgétaire 2014. À cet égard, la Commission, qui dispose d'un desk dédié, un peu d'ailleurs sur le modèle des salles de marché, à la France, suit les exécutions budgétaires jusqu'au niveau mensuel !

Je note pourtant que la Commission ne disposera toujours pas à cette date de données fermes sur le budget 2014, la loi de règlement intervenant au début de l'été, ni même des comptes 2014 des administrations publiques en données de comptabilité nationale, puisque ceux-ci ne sont jamais disponibles avant la fin mars.

Reporter son verdict sur le cas français à mars 2015 permet aussi à la Commission de faire coïncider l'évaluation de la trajectoire budgétaire des États membres et l'évaluation de leurs déséquilibres économiques : c'est en effet en mars qu'elle publiera son bilan approfondi sur les déséquilibres économiques français. Elle pourra ainsi avoir une vision économique et financière complète et simultanée de la situation de notre pays.

Si la France a échappé à toute sanction, grâce à l'installation d'une nouvelle Commission, elle sera suivie de très près par Bruxelles. L'heure de vérité sonnera nécessairement en mars, ce qui laisse très peu de temps à notre pays pour faire la preuve de son sérieux budgétaire et de sa détermination à mener les réformes structurelles capables d'assurer la viabilité budgétaire.

Il est en tout cas probable que nous soyons appelés à voter une loi de finances rectificative en mars pour améliorer le solde structurel de 2 à 10 milliards d'euros. Cette estimation reste assez imprécise car les calculs de la Commission en la matière donnent des résultats différents selon la méthode retenue, descendante ou ascendante. Mais, d'une façon ou d'une autre, la Commission évalue entre 0,1 et 0,5 point de PIB l'effort structurel que la France devrait faire pour respecter ses obligations en 2015.

En outre, il nous faudra parallèlement avancer concrètement sur les réformes structurelles. Nous avons interrogé les services de la Commission sur les pistes de réformes que la France devrait suivre, notamment en s'inspirant des réformes les plus efficaces qu'avaient pu mener d'autres États membres. Ils sont restés très prudents, se défendant de toute intrusion dans la politique interne d'un État membre. Ils ont simplement rappelé les termes de la recommandation du Conseil adressée à la France : cette recommandation insistait notamment sur le maintien du CICE (crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi) et la mise en oeuvre du pacte de responsabilité et de solidarité pour alléger le coût du travail, sur le nécessaire contrôle des dépenses sociales, qui représentent la moitié des dépenses publiques, sur l'assouplissement du marché du travail, sur l'importance de la formation, sur la nécessaire simplification et sur l'ouverture à la concurrence.

Les services de la DG Ecofin ont aussi indiqué qu'ils travaillaient depuis longtemps à explorer le lien entre croissance et consolidation budgétaire ; à ce sujet, ils ont insisté sur le fait que la façon dont on menait l'ajustement budgétaire était importante, car l'effet de cet ajustement sur la croissance pouvait être différent.

C'est pourquoi, avec notre collègue François Marc, nous vous proposons donc de suivre l'évolution de ce dossier attentivement et d'inscrire le sujet à l'ordre du jour de notre commission au mois de mars. Notre pays, dans ce dispositif, ne fait pas partie du peloton de tête ! Je vous remercie, mes chers collègues, de votre attention.

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