Intervention de Jean Bizet

Commission des affaires européennes — Réunion du 1er juillet 2015 à 16h32
Institutions européennes — Audition de M. Harlem Désir secrétaire d'état aux affaires européennes sur les conclusions du conseil européen des 25 et 26 juin

Photo de Jean BizetJean Bizet, président :

Nous sommes heureux de vous entendre aujourd'hui sur les conclusions du Conseil européen des 25 et 26 juin, particulièrement important au regard des sujets qui ont été abordés, en particulier la Grèce. Vous avez sans doute quelques informations à nous apporter, chaque heure amenant de nouvelles propositions de M. Tsipras.

La situation de la Grèce demeure extrêmement préoccupante. Après des mois de discussions infructueuses, le scénario d'une sortie de la Grèce de la zone euro n'est malheureusement plus à exclure. Simon Sutour nous a présenté la semaine passée son rapport à l'issue d'un déplacement qu'il a effectué sur place. J'en ai personnellement tiré la conclusion que ce n'est pas l'esprit de responsabilité qui prévalait au sein du gouvernement grec. Peut-on encore escompter une issue favorable ? Quelle est votre analyse ?

Nous avons eu un long débat à la suite de la présentation du rapport de Simon Sutour. Lui-même, en tant qu'ancien président du groupe d'amitié France-Grèce, ne reconnaît plus le pays pour lequel il éprouve de l'attrait, qui apparaît aujourd'hui assez désorienté.

Au même moment, les quatre présidents viennent de présenter leur rapport sur l'amélioration de la gouvernance économique de la zone euro. On voit aujourd'hui clairement qu'il n'est pas possible de faire fonctionner une zone monétaire unique sans faire converger les politiques économiques par une coordination très étroite.

C'était autrefois l'orientation de Jacques Delors. On avait alors considéré les uns et les autres, sans doute avec quelque légèreté, que les économies allaient naturellement converger : il n'en a pas été ainsi !

Cela pose aussi la question des choix démocratiques et de la façon dont ils sont opérés. Les parlements nationaux doivent avoir toute leur place dans ce processus, d'autant qu'on connaît aujourd'hui le poids du traité de Lisbonne en la matière.

Le Conseil européen a souhaité une mise en oeuvre rapide du Fonds européen pour les investissements stratégiques, le FEIS. C'est l'occasion pour nous de réaffirmer le rôle que les territoires doivent jouer dans le déploiement du plan d'investissement pour l'Europe. Jean-Paul Emorine et Didier Marie ont beaucoup travaillé sur cette question.

J'ai, au titre de ma famille politique, passé toute la journée de lundi à converser sur le sujet avec quelques commissaires, dont le commissaire Katainen. Il est prêt à venir nous rencontrer, de façon à nous expliquer par le menu la mise en oeuvre du FEIS sur nos territoires respectifs. J'ajoute que nous avons eu un déjeuner de travail instructif à la Caisse des dépôts et consignations, structure qui participe à la mise en oeuvre de ce fonds.

Si, dans un premier temps, on a considéré les choses comme quelque peu nébuleuses, on rentre dans le détail grâce au travail de nos collègues rapporteurs. On aborde là une nouvelle approche du développement de l'investissement, qui ne sera plus assis sur des fonds « publics », dont on connaît l'état, mais sur des fonds privés avec des garanties publiques. Il existe beaucoup d'argent privé, mais celui-ci demeure « caché ». Il ne sort pas des bas de laine de nos concitoyens ou de nos organismes bancaires !

Le plan Juncker doit donc être mis en oeuvre en coordination avec les fonds structurels, sur lesquels s'investit un groupe de travail de notre commission. Je pense que nous serons en mesure, au début de l'automne, de proposer à l'ensemble de nos collègues sénateurs un guide pratique destiné aux élus locaux, afin qu'ils utilisent le FEIS de la meilleure façon possible, en corrélation avec les fonds structurels.

Nous sommes aussi très attentifs à la mise en oeuvre de la stratégie numérique. Colette Mélot et André Gattolin suivent ce dossier pour notre commission. Sur le rapport d'André Gattolin, nous avons adopté une proposition de résolution européenne présentée par Catherine Morin-Desailly et Gaëtan Gorce. La régulation des plateformes est l'un des enjeux. L'Union européenne nous semble bien timorée sur cette question. Quelle est votre appréciation ?

Hier, lors d'une réunion d'information et de réflexion que le Président de la République a consacrée au terrorisme et aux problématiques liées à la Grèce, nous avons bien vu qu'Internet était encore une fois au coeur de la réflexion. Bernard Cazeneuve nous l'a bien spécifié. La réappropriation de la véritable gouvernance européenne de l'Internet recommandée par le rapport de Catherine Morin-Desailly et de Gaëtan Gorce est nécessaire, au-delà de l'aspect purement économique, et touche également la lutte contre le terrorisme.

Il serait bon que nos deux collègues interpellent davantage le ministre sur ce sujet.

Le défi des migrations devient chaque jour plus sérieux. André Reichardt et Jean-Yves Leconte nous ont présenté l'agenda de la Commission européenne pour les migrations. Dans ce domaine, nous devons concilier la responsabilité et la solidarité. Le mécanisme de relocalisation et de réinstallation proposé par la Commission a suscité des controverses. La volonté du Conseil européen de mieux endiguer les flux croissants de migrations irrégulières en renforçant la gestion des frontières et en intensifiant la coopération avec les pays tiers doit être approuvée.

Il faut lutter contre les trafiquants qui mettent gravement en danger des vies humaines et coopérer plus efficacement avec nos partenaires africains pour favoriser les réadmissions, tout en s'attaquant aux causes profondes de l'émigration par le soutien au développement. Quelles sont les conclusions du Conseil européen ?

J'aimerais également que vous nous entreteniez de la séparation des activités bancaires suite à l'accord « letton », sujet que Richard Yung connaît bien, sur lequel cette commission s'est penchée depuis un certain temps déjà. On ne peut accepter la proposition de nos amis anglais, à la suite du rapport Vickers. Cela fragilise en effet l'ensemble de la filière bancaire française, après les efforts que nous avons faits.

Nous avons adopté un avis motivé en avril 2014. Nous sommes prêts à travailler à nouveau avec la commission des finances et à déposer le cas échéant une résolution européenne à ce sujet. La proposition anglaise de transformer les banques de la City en banques d'affaires, au détriment de nos banques nationales n'est pas acceptable. L'évolution du marché libre des capitaux fait que l'Europe s'oriente de plus en plus vers cette solution, à l'image des pays anglo-saxons et des États-Unis, où l'industrie fait de plus en plus appel au marché, et de moins en moins aux banques de détail. Ceci revient à apporter sur un plateau à nos amis de la City tout un pan du financement de l'économie !

Dans une de ses notes, la directrice générale de la Fédération bancaire française, Marie-Anne Barbat-Layani, apparaît en effet très sévère pour le compromis letton, dont nos amis anglais tirent tout le bénéfice. Ce n'est pas tolérable ! Richard Yung vous interrogera très certainement à ce sujet.

Monsieur le secrétaire d'État, vous avez la parole.

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