Intervention de Harlem Désir

Commission des affaires européennes — Réunion du 1er juillet 2015 à 16h32
Institutions européennes — Audition de M. Harlem Désir secrétaire d'état aux affaires européennes sur les conclusions du conseil européen des 25 et 26 juin

Harlem Désir, secrétaire d'État :

Tout d'abord, la réforme structurelle des banques renvoie à notre propre loi bancaire.

Il est vrai que, suite au rapport Liikanen et aux propositions du commissaire Barnier, une inquiétude s'était fait jour concernant la remise en cause de notre modèle de banque universelle. Nous considérons que la loi bancaire, telle que nous l'avons adoptée, répond à la nécessité d'une séparation entre certaines activités de marché et le reste de l'activité bancaire. Les stress tests et la crise ont montré que les banques françaises universelles étaient solides, bien contrôlées, bien régulées, et qu'elles ne comportaient pas de risques dus au simple fait qu'elles sont des banques universelles.

D'ailleurs, beaucoup de banques qui ont été facteurs de crise dans différents pays, que ce soit en Europe ou aux États-Unis à partir de 2007-2008, n'étaient pas des banques universelles, des banques de détail, mais des banques d'affaires, à commencer par Lehman Brothers, Royal Bank of Scotland, ou autres. Certaines banques universelles ont également pu se retrouver en difficulté dans quelques pays, mais ceci n'est pas lié à cette disposition particulière.

Nous avons été très préoccupés par les positions défendues par la présidence lettone au début de ce débat, et nous resterons très vigilants pendant tout l'examen de ce nouveau règlement BSR mais, lors de la réunion Ecofin du 19 juin, nous avons obtenu gain de cause sur deux points.

Tout d'abord s'agissant de la protection des grandes banques universelles puisque, à l'origine, le système reposait sur trois zones et stigmatisait une zone rouge, dans laquelle se trouvaient les banques françaises. Depuis janvier, la présidence lettone est revenue sur cette approche, avec une proposition de catégorisation en deux zones. Nos arguments ont donc été entendus. Ce changement correspond également à une évolution vers une analyse préalable à toute séparation pour une meilleure prise en compte des risques, au lieu d'une présomption de séparation en fonction de la taille des banques. Il n'y a donc pas séparation automatique des banques à partir d'un certain seuil dans la version du règlement adopté par l'Ecofin le 19 juin.

Deuxièmement, s'agissant de la question de la dérogation britannique, qui permettrait au Royaume-Uni d'appliquer la loi Vickers relative à la séparation des banques en lieu et place du règlement BSR, l'article 21 a été jugé en l'état contraire au traité sur le fonctionnement de l'Union européenne par le service juridique du Conseil européen. Une telle distinction constituait un précédent majeur pour le marché intérieur. Nous avons plaidé en faveur d'une solution permettant d'encadrer les options nationales par des lignes directrices de l'Autorité bancaire européenne (ABE). L'ensemble de nos propositions ont été reprises et aboutissent à ce que les banques britanniques n'adoptent pas de comportement de cavalier solitaire au-dessus des seuils d'application du règlement.

Il ne peut donc pas y avoir une version du règlement BSR avec des conséquences pour les grandes banques françaises, et non pour les grandes banques britanniques. La Grande-Bretagne estime avoir répondu avec la loi Vickers au problème de risque systémique ; nous y avons également répondu. Il ne saurait donc y avoir de traitement différencié. Nous serons très attentifs au fait que l'équilibre qui a été atteint soit préservé dans la discussion qui va se poursuivre devant le Parlement européen.

Existe-t-il une véritable volonté en matière de sécurité ? Beaucoup sont conscients de cette nécessité. De plus en plus de groupements tactiques sont mis en place, comme dans les pays nordiques, par exemple. Le Conseil européen a rappelé que chaque pays doit faire un effort en matière de financement de ses dépenses de défense. Il insiste sur le fait que si nous voulons garder une capacité de défense, nous devons avoir des industries de défense et développer des programmes en commun. Les drones, la cybersécurité, les satellites sont des domaines d'avenir dans lesquels il va falloir investir. Si nous ne voulons pas être dépendants en matière de fourniture de matériels, il nous faut défendre nos propres industries. Peut-être l'avons-nous fait insuffisamment dans le domaine de l'aéronautique de défense, mais nous disposons cependant de l'A400M et d'un certain nombre de programmes communs.

La volonté existe donc, il faut maintenant passer à la mise en oeuvre. C'est un point sur lequel le ministre de la défense, Jean-Yves Le Drian, a insisté auprès de ses collègues, lors du dernier Conseil affaires étrangères réunissant les ministres de la défense et des affaires étrangères, où étaient traités ces sujets.

Il faut que les groupements tactiques puissent être utilisés en cas de crise ; il ne suffit pas d'avoir adopté le concept. C'est pourquoi nous avons insisté pour que, après l'intervention au Mali, que nous avons assumée seuls au départ, l'opération de formation de l'armée malienne soit l'objet d'une mutualisation. Des soldats de la plupart des pays de l'Union européenne prennent part à cette formation des brigades de l'armée malienne. Ce sont successivement des généraux allemands, espagnols, et non pas simplement français, qui ont commandé cette opération.

De même, il existe en Centrafrique une contribution militaire d'un certain nombre de pays de l'Union européenne.

S'agissant des sanctions à l'égard de la Russie, une évaluation a été menée par la Commission européenne en février ; elle évaluait l'impact de ces sanctions sur le PIB de l'Union européenne à 0,2 %. Des mesures ont été prises pour venir en aide aux secteurs agricoles victimes des contre sanctions prises par la Russie.

Le Conseil européen a reconduit les sanctions pour six mois, jusqu'au 31 janvier, en lien avec la mise en oeuvre des accords de Minsk. Nous avons beaucoup insisté sur ce lien. Les sanctions ne sont pas une fin en soi, nous l'avons souvent évoqué lors de nos débats ; l'objectif est de les utiliser comme levier diplomatique, afin que la Russie respecte ses engagements, de la même façon que l'Ukraine. Le but est d'arriver à la levée des sanctions, qui ont un réel impact. Nous le savons d'autant plus que nous n'avons pas livré les vedettes Mistral comme prévu, même si la décision demeure suspendue.

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