Intervention de Harlem Désir

Commission des affaires européennes — Réunion du 1er juillet 2015 à 16h32
Institutions européennes — Audition de M. Harlem Désir secrétaire d'état aux affaires européennes sur les conclusions du conseil européen des 25 et 26 juin

Harlem Désir, secrétaire d'État :

Il faut que nous fassions comprendre aux uns et aux autres que la seule voie possible réside dans la discussion et la négociation d'un accord, absolument nécessaire pour la Grèce. La première conséquence de l'absence d'accord serait une dégradation de la situation économique de la Grèce, de ses citoyens, des acteurs économiques, et des entreprises. Il en irait de même si cette situation devait perdurer au-delà du référendum de dimanche. Un accord entre la France et l'Allemagne est bien évidemment indispensable pour pouvoir répondre à toutes ces questions. C'est l'objet des contacts qui ont lieu en permanence entre le Président de la République et la Chancelière, ainsi qu'entre nos ministres des finances.

On peut comprendre que l'attitude du Bundestag puisse ne pas être la même que celle du Parlement français. Les perceptions et les opinions publiques ne sont pas toujours identiques, mais les gouvernements ont le devoir de défendre des positions communes. C'est la seule possibilité de trouver une solution au sein de la zone euro. Il ne peut y avoir de solution sans accord franco-allemand. Nous oeuvrons donc en ce sens.

S'agissant des migrations, des décisions ont été prises lors de ce Conseil européen, même si la discussion a été extrêmement tendue. Des échanges ont eu lieu entre le Président du Conseil italien et la Présidente lituanienne, qui ont été le reflet de cette difficulté, qui montrent ce qu'il faut surmonter. On ne peut avoir une réponse efficace et commune sans le minimum d'esprit de solidarité, en tenant seulement compte des approches nationales.

Aujourd'hui, ce sont l'Italie et la Grèce qui ont besoin de la solidarité européenne ; toutefois, celle-ci est de toute façon indispensable, car on voit bien que les migrants qui débarquent sur les côtes européennes ne viennent pas spécialement en Italie, mais cherchent à venir en Europe. On les retrouve ensuite à Calais, et sur les routes de Suède ou d'Allemagne. L'idée selon laquelle cela ne concerne que les pays en première ligne est objectivement démentie par l'actualité quotidienne.

En outre, il serait politiquement désastreux de donner le sentiment que l'on refuse de traiter en commun des propositions concernant l'accueil des réfugiés - qui sont en droit d'attendre une protection internationale - la gestion des centres d'accueil, leur financement, ou la mise à disposition de moyens aux agences européennes comme Frontex ou le Bureau européen d'appui en matière d'asile (BEAA), qui est basé à Malte, mais qui a vocation à intervenir partout où ces problèmes se posent.

Le financement par le budget européen a été renforcé pour les opérations Triton et Poséidon, mais devra sans doute l'être encore dans le cadre de la gestion des centres d'accueil. C'est là que va se faire l'enregistrement des migrants qui fuient une dictature comme celle que connaît la Syrie, ou l'Érythrée ou, au contraire, de migrants économiques en situation irrégulière, qui doivent faire l'objet d'un retour dans le cadre d'un accord de réadmission avec leur pays d'origine. Toute cette gestion, qui va se faire sur le territoire italien ou grec, va demander une mobilisation des moyens européens.

Malgré les difficultés du dialogue, des décisions ont donc été prises lors du Conseil européen en ce qui concerne la mise en place d'une coopération renforcée avec les pays d'origine et de transit. Ce qui a été fait entre l'Espagne et le Maroc ces dernières années, ou encore entre l'Espagne et le Sénégal s'agissant de l'immigration par bateau vers les Canaries, montre que des résultats sont possibles. Comme en Méditerranée, on déplorait énormément de morts. Un appui très important a été apporté par l'Espagne au Maroc et au Sénégal ; il permet de lutter efficacement contre ces filières, de sauver des vies et d'aider à la réinstallation des migrants. Il reste 60 000 réfugiés à accueillir dans les deux ans à venir. Les ministres de l'intérieur doivent établir la part de chaque pays dans cet accueil.

Un certain nombre de pays, en particulier les pays du groupe de Viegrad, ainsi que les pays baltes, ont refusé que des engagements soient fixés par la Commission européenne. Chaque État membre doit donc donner des garanties à l'ensemble de ses partenaires. C'est la position que nous avons défendue. Il va falloir que, dans les jours qui viennent, chaque pays dise ce qu'il est prêt à faire, tout le monde ayant accepté le principe de prendre une part à l'accueil des réfugiés.

Nous avons dit qu'il fallait prendre en compte l'accueil des réfugiés existants. La France accepte plus de 60 000 demandeurs d'asile par an ; d'autres pays en accueillent bien plus en proportion de leur population, voire plus en chiffre absolu : la Suède, par exemple, en reçoit de l'ordre de 80 000, et l'Allemagne de l'ordre de 200 000. Cela contredit l'idée qu'un pays, à lui seul, ferait plus d'efforts que les autres. Beaucoup de pays font des efforts, mais pas tous. Dans le cas présent, ce ne pourra plus être le cas.

Quant aux accords de Dublin, nous pensons qu'il ne faut pas les remettre en cause. Le mécanisme proposé pour l'accueil de 40 000 personnes ayant besoin de protection est temporaire et destiné à faire face à une urgence. La règle doit rester la responsabilité du pays de premier accueil concernant les demandeurs d'asile. À partir du moment où un demandeur fait une demande dans un pays, c'est dans ce pays que doit être traitée sa demande. C'est par exception, face à l'urgence de la crise, qu'une partie de ces demandes pourra ne pas être traitée en Italie ou en Grèce, mais dans d'autres pays.

S'agissant du traité transatlantique, le fast-track accordé par le Congrès américain au Président Obama et à son administration pour négocier en matière commerciale concerne pour l'instant le traité transpacifique et non le traité transatlantique. Ce dernier a fait l'objet d'un échange, mais n'a pas occupé une grande place dans le Conseil européen. La difficulté réside dans le fait que le Président Obama ne dispose pas de cette disposition appelée trade promotion authority. À chaque étape de la négociation, le Congrès peut remettre en cause ce que les négociateurs américains pourraient accepter. Or, nous avons besoin que des engagements soient pris sur les marchés publics au niveau subfédéral. Si ce qui est obtenu par la négociation pour les entreprises européennes est à chaque fois remis en cause par le Congrès, cela va rendre très difficile l'avancée de la négociation. Nous respectons le fait qu'en dernier ressort, le Congrès, comme les parlements nationaux en Europe et le Parlement européen, acceptent ou refusent le résultat de la négociation en ratifiant ou non le traité...

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