Le Partenariat oriental aurait pu être un prolongement européen de l'Ostpolitik ou un plan Marshall européen. Comme l'un et l'autre, il a des enjeux politiques et économiques. S'il n'est ni l'un ni l'autre, c'est d'abord parce que l'Union européenne ne considérait pas qu'elle avait un voisin hostile à l'Est et se reposait depuis 1989 sur l'ordre issu de la chute du mur et ensuite, c'est parce que l'Union européenne ne dispose pas d'une force de frappe financière suffisante pour offrir un plan Marshall.
De toute manière, un plan Marshall eût été prématuré et serait voué à l'échec dans la mesure où les pays du Partenariat oriental sont pour la plupart sortis très mal en point du système soviétique et ils sont incapables d'offrir les infrastructures nécessaires pour recevoir un plan Marshall et en bénéficier.
Ainsi, le Partenariat oriental est plutôt l'esquisse d'une politique de bon voisinage. Il est essentiellement la manifestation d'une bonne volonté de l'Union européenne à l'égard de sa frontière orientale. Si l'on préfère, il est la proposition faite par l'Union à ses voisins d'adopter le modèle européen de la démocratie et de la libre entreprise.
En pratique, l'objectif premier du Partenariat oriental est la réalisation d'une association politique et d'une intégration économique de ces six pays - Arménie, Azerbaïdjan, Biélorussie, Géorgie, Moldavie et Ukraine - avec l'Union européenne ainsi que la promotion, à l'est de l'Europe, d'une stabilité et d'une prospérité qui profiteront à l'Union européenne comme à ses partenaires, dans une zone où les tensions demeurent nombreuses.
L'enjeu est également économique et commercial puisque les six partenaires orientaux réunissent 75 millions d'habitants et que leur marché est doté d'un fort potentiel de croissance et d'une main d'oeuvre assez bien qualifiée. La conclusion d'accords d'association comprenant la création d'une zone de libre-échange approfondi et complet permet à cet égard, pour ceux qui l'auront souhaité, une convergence réglementaire avec l'Union.
Le Partenariat oriental est financé par des crédits de l'instrument européen de voisinage (IEV) qui disposera de 15,4 milliards d'euros entre 2014 et 2020. Cet instrument est le prolongement du dispositif précédent, l'instrument européen de voisinage et de partenariat 2007-2013 : il finance les pays mitoyens dans le cadre de la politique européenne de voisinage par le biais de programmes de coopération. Ces programmes se divisent en trois catégories - bilatéraux, régionaux et transfrontaliers -, mais ils sont tous destinés à promouvoir les réformes politiques économiques et sociales et à encourager l'harmonisation des politiques et l'adoption des normes européennes.
En 2014, pour le Partenariat oriental, 2,297 milliards d'euros ont été engagés et 1,623 milliard payé, dont 341,1 millions pour la seule Ukraine.
Pour donner une dimension parlementaire au Partenariat oriental, le Parlement européen a créé, en mai 2011, l'Assemblée Euronest, qui rassemble 60 députés européens ainsi que dix députés de chaque pays partenaire, hors Biélorussie. L'Assemblée Euronest reste ainsi le lieu d'échanges parlementaires favorisant les conditions nécessaires à l'accélération de l'association politique et au renforcement de l'intégration économique entre l'Union européenne et ses partenaires d'Europe orientale. Elle participe au développement et à la visibilité du Partenariat oriental, en tant qu'institution responsable de la consultation parlementaire, du contrôle et du suivi du partenariat.
Quelle est l'attitude de la Russie face à ce partenariat ? Après l'avoir refusé, elle ne cache plus son hostilité. Elle a fait pression sur Kiev pour obtenir une volte-face et le refus de signer l'accord d'association. Elle interfère sur la crise ouverte en Ukraine qui n'est pas terminée même si entretemps, au bénéfice de nouvelles élections, l'accord d'association a finalement été signé.
Pour faire pièce au Partenariat oriental, la Russie a tourné ses projecteurs vers l'Asie et lancé le projet de l'Union économique eurasienne qui pourrait regrouper à terme la Russie, la Biélorussie, Le Kazakhstan, l'Arménie, le Kirghizstan et le Tadjikistan.
Le Partenariat oriental est de surcroît sérieusement gêné dans son action par les conflits gelés, l'annexion de la Crimée et la guerre en Ukraine. Les conflits gelés, hérités du découpage des anciennes républiques soviétiques - Ossétie et Abkhazie en Géorgie, Transnistrie en Moldavie, Haut-Karabagh en Azerbaïdjan - créent une tension régionale constante en l'absence de règlement politique durable et nuisent à la stabilité et à la sécurité entravant par conséquent les progrès de la démocratie et de l'économie de marché dans ces pays.
Le Partenariat oriental fait l'objet de critiques diverses et la première d'entre elles vise ce qu'il est convenu d'appeler son ambiguïté.
La politique du Partenariat oriental est distincte du processus d'élargissement et ne saurait s'y substituer, même si elle peut, dans certains cas, constituer une première étape vers la candidature. Pourtant en aucun cas, le projet du Partenariat oriental ne préjuge de l'évolution future des relations des pays voisins de l'Union à l'est. La force du partenariat varie d'un pays à l'autre et elle dépend de la rapidité avec laquelle les réformes démocratiques nécessaires sont mises en place par les pays concernés.
Toutefois, certains ont relevé une ambiguïté dans ce projet de Partenariat oriental ou en tout cas un risque, celui de laisser espérer aux pays concernés plus que ce que l'Union peut effectivement leur apporter.
Comme la politique du Partenariat oriental s'inspire, par la force des choses, de l'habitude et des traditions de « screening » de la politique d'élargissement - technique en usage dans l'administration bruxelloise et qui consiste, si j'ai bien compris, à polariser des valeurs en les faisant passer par un filtre - elle nourrit, malgré des moyens limités, des ambitions comparables et elle demande, grosso modo, aux pays partenaires de reprendre 80 % de l'acquis communautaire. De là a pu naître une certaine confusion, car il faut reconnaître que le projet du Partenariat oriental est calqué dans sa méthodologie sur la politique d'élargissement et sur la politique d'aide au développement dans ses aspects financiers.
L'avenir du partenariat aurait dû être tranché à Riga, mais l'Union européenne hésite peut-être sur son but exact, et se refuse à dire que l'adhésion serait une perspective automatique - fût-elle très lointaine - pour tous les pays partenaires qui souhaitent s'en donner les moyens. L'Union précise toutefois qu'il n'appartient pas à la Russie de déterminer qui peut adhérer ou non à l'Union européenne.
Comme il a été dit, l'Union s'engage maintenant à soutenir le principe « faire plus pour recevoir plus » : les crédits doivent aller à ceux qui ont fait les plus grands progrès. Même si l'Azerbaïdjan a d'intéressantes réserves d'hydrocarbures, il n'y a aucune bonne raison d'être plus indulgent avec ce pays qu'on ne l'est à l'égard de Biélorussie aujourd'hui, par exemple.
Si les pays de ce partenariat mettent vraiment en oeuvre les réformes préconisées et respectent les textes qu'ils adoptent sur le modèle européen, l'Europe, dans cette région du monde, finira par avoir un autre visage beaucoup plus démocratique. Il faut reconnaître sans ambages que le Partenariat oriental est un moyen pour ces pays de rompre de manière définitive avec le modèle soviétique qu'ils ont déjà ouvertement rejeté mais dont ils continuent à subir les conséquences, faute d'avoir réformé profondément leurs institutions.
La crise ukrainienne pèse comme une épée de Damoclès : il faut qu'elle se termine de manière satisfaisante et que l'Ukraine soit sauvée, alors que son PIB a chuté de 17 %, de la faillite qui la menace. Un échec en Ukraine mettrait un terme au Partenariat oriental, en nuisant à la crédibilité de l'Union européenne à l'extérieur de ses frontières.
Les conclusions du sommet de Riga, qui s'est tenu le 22 mai dernier, réaffirment les grands principes du Partenariat oriental et énumèrent les progrès accomplis, qui tiennent, pour l'essentiel, à la signature de trois accords d'association, avec l'Ukraine, la Moldavie, la Géorgie. Plus importante est la déclaration de la Chancelière Angela Merkel en marge du sommet, qui soulignait que « le partenariat n'est pas un instrument pour l'élargissement » mais seulement un rapprochement.
Le sommet de Riga est surtout apparu comme l'occasion d'apaiser le Kremlin en insistant sur le fait que le Partenariat oriental était plus que jamais à géométrie variable. C'est donc le principe de la différenciation qui l'emporte et à ce titre, on perd un peu de la cohésion d'ensemble mais on gagne en efficacité. On perd un peu des grands principes pour gagner en réalité.