Le sommet de Riga s'est voulu un sommet de l'apaisement. Il y a été rappelé que le Partenariat oriental ne se construit contre personne, et certainement pas contre la Russie.
La politique européenne de voisinage (PEV) a été fondée en 2004 afin de donner corps à l'idée d'un cercle de pays qui, situés aux marches de l'Union européenne, partagerait ses valeurs et ses objectifs fondamentaux et serait décidé à s'engager avec elle dans une relation plus étroite allant au-delà de la coopération, c'est-à-dire - et c'est là que résident les premiers germes de l'ambiguïté - impliquant un haut niveau d'intégration économique et politique.
Romano Prodi souhaitait, à l'époque, « créer un cercle d'amis » et préconisait de « mettre en commun tout sauf les institutions ». Au fond, il fallait surtout éviter l'émergence de nouvelles lignes de division entre l'Union nouvellement élargie à l'Est et ses voisins et en conséquence, renforcer la prospérité, la stabilité et la sécurité de tous.
L'idée sous-jacente est bien celle d'un progrès continu à l'est, progrès qui amène à effacer pas à pas, et sur le long terme, les différences encore criantes dans le domaine institutionnel et économique qui existent, encore aujourd'hui, entre l'ouest et l'est de l'Europe. En ce sens, il s'agissait d'un acte de foi dans l'avènement d'une Europe totalement réunifiée et prospère.
L'autre idée, tacite, était qu'une politique dédiée à cette zone permettrait de manifester l'intérêt de l'Europe pour cette région et de renforcer sa normalisation après 70 ans d'antagonisme.
Même si ce partenariat se distingue de la politique d'élargissement, l'idée reste que tous doivent participer à la construction d'un espace commun de prospérité. C'est pourquoi l'Union européenne a également proposé cette politique à la Russie, qui a décliné l'offre mais qui a accepté un simple partenariat stratégique, lequel ne s'est pas vraiment concrétisé jusqu'à présent.
Aujourd'hui le Partenariat oriental constitue un des piliers de la politique européenne de voisinage qui comprend aussi la politique méditerranéenne. On peut, au reste, s'interroger sur cette politique de l'Union européenne, si tant est qu'elle en ait une, qui consiste à agir à l'Est, pour rééquilibrer aussitôt au Sud. Malheureusement, ce pilier de la politique de voisinage est devenu politiquement très sensible dans la mesure où la Russie, qui le remet en cause, est aussi un acteur régional important.
Le Partenariat oriental, né à la demande de la Pologne et de la Suède - ce qui donne tout son sens aux évènements actuels - visait à accorder une attention particulière aux voisins de l'Est. S'appuyant sur les conclusions du Conseil européen de décembre 2007, ces deux États membres ont conjointement présenté au conseil Affaires générales-Relations extérieures du 26 mai 2008 une « proposition pour un Partenariat oriental », officialisé lors du sommet du 7 mai 2009 à Prague.
Cette initiative, qui vise à promouvoir le renforcement des relations de l'Union européenne avec ses six voisins de l'Est, reprend les principes essentiels de la politique de voisinage. Elle réaffirme les axes directeurs : promotion de l'État de droit et de la démocratie - il reste du travail à faire chez certains de nos partenaires - ; l'intégration économique ; la libéralisation des échanges et le développement de la mobilité.
La plus-value essentielle de cette politique est d'offrir aux six pays voisins la perspective attrayante de bénéficier un jour d'un régime sans visa avec l'Union européenne ainsi que d'un accord d'association - association politique et intégration économique à travers la négociation d'un accord de libre-échange approfondi et selon une logique de différenciation.
L'évolution de ce partenariat se lit dans la succession de ses sommets. Le Sommet de Prague, du 7 mai 2009, a vu l'adoption d'une déclaration conjointe qui précise l'ambition du Partenariat oriental : en substance, les négociations relatives à la conclusion d'accords d'association ne seront lancées qu'avec les pays partenaires ayant la volonté et la capacité de respecter les engagements qui en découlent.
En matière de visas, il s'agissait de conclure des accords de facilitation avec les pays partenaires qui n'en ont pas encore. La libéralisation totale des visas constituerait un objectif à long terme quand les conditions seraient remplies.
Deux ans plus tard, le sommet de Varsovie, des 29 et 30 septembre 2011, fut l'occasion de préciser les objectifs fixés en 2008 en vue d'une reconnaissance d'une communauté de valeurs et de principes démocratiques, et de prendre acte des aspirations et du choix européen de certains partenaires et de leurs engagements en faveur du développement d'une démocratie approfondie et durable tout en maintenant une distinction entre la politique d'élargissement et la politique de voisinage. Lors de ce sommet, on supprima la mention « à long terme » concernant l'objectif de libéralisation du régime des visas de court séjour. Les intentions, comme on le voit, étaient alors toujours aussi bénignes.
Le Sommet de Vilnius des 28 et 29 octobre 2013 fut l'occasion de souligner les progrès réalisés, même s'il a été surtout marqué par le refus inattendu des autorités ukrainiennes de signer l'accord d'association avec l'Union européenne après cinq années de négociation.
Cependant les deux accords d'association avec la Géorgie et la Moldavie ont été paraphés à Vilnius. Ils visent par leurs dispositions ambitieuses en matière d'État de droit, de libre échange commercial et de coopération sectorielle à moderniser en profondeur ces pays.
Par une déclaration séparée, on a encouragé l'Arménie à poursuivre son rapprochement avec l'Union européenne et sa modernisation, malgré son choix - et l'on trouve là aussi les germes de la crise actuelle - de rejoindre l'Union douanière Russie-Biélorussie-Kazakhstan, qui a entraîné la suppression du paraphe de l'accord d'association initialement prévu à Vilnius.
Le sommet de Vilnius a fait naître les premières inquiétudes sur l'avenir du Partenariat oriental et révélé l'hostilité de la Russie à ce projet, ou tout au moins ses inquiétudes.
Dernière étape en date, enfin, le sommet de Riga du 22 mai 2015. La crise ukrainienne a incité l'Union européenne à se pencher sur la situation des pays voisins à l'Est et sur l'avenir du Partenariat oriental, rendu pour le moins difficile et incertain.
La coopération avec les pays voisins reste une priorité évidente pour l'Union européenne, car il existe une double interdépendance : économique et sécuritaire. Les accords signés sont ambitieux et peut être trop ambitieux puisqu'aussi bien les pays du partenariat oriental sont encore très loin des normes de l'Union européenne quel que soit le domaine envisagé et malgré les réformes entreprises. Les liens commerciaux avec la Russie sont encore dominants et la dépendance énergétique totale pour quatre d'entre eux. L'actualité d'hier après-midi sur les livraisons de gaz russe à l'Ukraine en témoigne.
Trois scénarios pour l'avenir du Partenariat oriental restent possibles. En premier lieu, celui d'un rapprochement progressif et vertueux : la coopération devient plus étroite, plus fructueuse et les six pays se rapprochent chacun à son rythme des normes de l'Union européenne et d'un idéal bâti sur la démocratie et la libre entreprise - il y a encore un peu de chemin à faire. Deuxième scénario, le Partenariat oriental dépérit lentement, l'Union européenne, sous la pression de la Russie, décidant de se montrer discrète et cessant d'intensifier son appui à la réforme des six pays concernés ; la Russie retrouverait ainsi son glacis défensif face à l'Union européenne, souci qui est le sien depuis des siècles et n'est pas propre à M. Poutine : l'histoire nous a déjà servi ce scénario.
Troisième scénario : les conflits gelés sont réactivés, la Russie affirme son emprise sur l'Ukraine et la Biélorussie ; l'esprit de la guerre froide l'emporte et dans les faits, la guerre dite « hybride » s'installe dans tous les foyers de tension actuels.
La crise ukrainienne et les tensions avec la Russie ont sensiblement accéléré le processus de signature des accords d'association avec l'Ukraine, la Géorgie et la Moldavie en 2014. Ces accords doivent encore être ratifiés par les États membres.
Les relations de l'Union européenne avec l'Arménie et l'Azerbaïdjan avancent à un rythme différent. Les négociations pour un accord sont en cours avec l'Azerbaïdjan mais sans volet de libre-échange, car Bakou n'est toujours pas membre de l'OMC - il n'est d'ailleurs pas sûr que sur le volet de la démocratie, les choses aient non plus beaucoup avancé. Quant au paraphe de l'accord avec l'Arménie, il est suspendu en raison du souhait de l'Arménie de rejoindre l'Union économique eurasienne, comme il a été dit.
Les relations entre l'Union européenne et la Biélorussie sont plus complexes, la Biélorussie ne participant qu'au volet multilatéral. La politique européenne à l'égard de Minsk repose sur une double approche : pression, d'un côté, pour obtenir une amélioration de la situation des droits de l'homme, de l'État de droit et des principes démocratiques et, de l'autre, soutien à la société civile.
À l'heure actuelle, trois pays, l'Ukraine, la Géorgie et la Moldavie, envisagent à terme leur entrée dans l'Union, les autres - Biélorussie, Arménie et Azerbaïdjan - pratiquent une realpolitik tendant à tirer un maximum d'avantages de leur position intermédiaire entre la Russie et l'Union européenne.