La Commission européenne a présenté, le 13 mai 2015, au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions, une communication relative à un « Agenda européen en matière de migration ».
Dans cette communication, nous nous efforcerons de tracer les grandes lignes des propositions de la Commission européenne. Il conviendra toutefois d'attendre la réunion des ministres des affaires intérieures de l'Union (le conseil dit « JAI ») du 16 juin et surtout le Conseil européen des 25 et 26 juin pour savoir dans quelle mesure le dispositif proposé par la Commission aura été retenu par les États membres.
L'Agenda de la Commission annonce, dans une première partie, un certain nombre de mesures dans le cadre de ce qu'elle appelle l'« action immédiate ».
Les actions-clés en la matière sont au nombre de sept :
1. Le triplement du budget alloué aux opérations TRITON et POSEIDON en 2015-2016.
2. La prise en compte de la question migratoire au titre de la politique de sécurité et de défense commune (PSDC). Il s'agirait de faire de la migration, une composante spécifique des missions déjà en cours dans ce cadre dans des pays tels que le Niger et le Mali au regard de la gestion des frontières. Un sommet spécial devrait être organisé à Malte à l'automne avec l'Union africaine afin de réfléchir à une approche commune sur les moyens de traiter les causes des migrations irrégulières, de protéger les personnes dans le besoin ainsi que de lutter contre le trafic de migrants et la traite des êtres humains.
3. Une proposition législative visant à déclencher le mécanisme d'intervention d'urgence prévu à l'article 78 paragraphe 3 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. Ce dispositif, jamais mis en oeuvre jusqu'à présent, prévoit qu'en cas de circonstances exceptionnelles comme un afflux soudain de migrants, une répartition peut être mise en oeuvre au niveau de l'Union et ce, en dérogeant temporairement aux règles européennes fixées par les accords de Dublin selon lesquelles les pays « de débarquement » sont tenus de traiter les demandes d'asile.
La « redistribution » s'effectuerait selon une clé de répartition fondée sur des critères tels que le PIB, la taille de la population, le taux de chômage et le nombre de demandeurs d'asile déjà acceptés et de réfugiés déjà réinstallés ; ce mécanisme dit de relocalisation prévoit un programme de répartition temporaire des personnes ayant manifestement besoin d'une protection internationale afin d'assurer une participation équitable et équilibrée de tous les États membres à l'effort commun.
La Commission a précisé que cette relocalisation pourrait bénéficier à l'Italie à hauteur de 24 000 migrants (selon la clé de répartition, la France, pour sa part, accueillerait 4 051 soit 14 % de ces migrants) et à la Grèce à hauteur de 16 000 migrants (selon la clé de répartition, la France, pour sa part, accueillerait 2701 de ces migrants) soit un total de 40 000 migrants (40 % des 100 000 demandeurs d'asile qui ont posé le pied, en 2014, en Italie et en Grèce) concernés par le mécanisme d'urgence prévu à l'article 78 paragraphe 3.
Le 27 mai, la Commission a précisé que le programme ne s'appliquerait qu'aux nouveaux arrivants (en principe à compter du 1er avril 2015) et pour 24 mois seulement. Elle a indiqué que les migrants concernés pourraient être ceux qui sont originaires de pays dont les ressortissants sont déjà « prioritaires » au titre du droit d'asile avec au moins 75 % de demandes individuelles d'asile satisfaites en moyenne, dans l'Union européenne. En pratique, seront surtout concernés les ressortissants de la Syrie et de l'Érythrée.
Aux termes du point 21 de la proposition de décision du Conseil du 27 mai 2015, les États membres recevraient 6 000 euros par personne « relocalisée » sur leur territoire.
4. Une proposition relative à un régime européen commun permanent de relocalisation en situation d'urgence, d'ici à la fin de 2015.
5. Une recommandation relative à un programme européen de réinstallation à hauteur de 20 000 places. Le programme s'applique à tous les États membres de l'Union européenne et concerne des personnes déplacées qui se trouvent sous la protection du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR).
6. Une dotation de 30 millions d'euros en faveur des programmes régionaux de développement et de protection. Il s'agit pour l'Union européenne d'intervenir en amont dans les pays d'origine et de transit qui supportent principalement le poids de l'afflux des personnes déplacées et des migrants (Afrique du Nord, Corne de l'Afrique), en coordination avec le Service européen pour l'action extérieure (SEAE).
Un centre polyvalent pilote pourrait, également, être créé au Niger d'ici à la fin de l'année 2015. Ce centre fournirait des informations, assurerait une protection au niveau local et offrirait des possibilités de réinstallation aux personnes dans le besoin.
7. La Commission propose enfin, parmi les actions immédiates, une nouvelle « approche » dite des « points d'accès » qui verraient intervenir conjointement le Bureau européen d'appui en matière d'asile (EASO) ainsi que les agences FRONTEX , Europol et Eurojust dans les États membres « situés en première ligne ». Il s'agit d'aider ces derniers à procéder rapidement à l'identification et à l'enregistrement des migrants ainsi qu'aux relevés de leurs empreintes digitales et de faciliter le traitement rapide des dossiers d'asile. FRONTEX pourrait, aussi, porter assistance aux États membres afin de coordonner le retour des migrants qui n'ont pas besoin d'une protection internationale. Quant à Europol et Eurojust, ils pourraient assister l'État membre d'accueil dans ses enquêtes aux fins du démantèlement des réseaux de passeurs et de trafiquants d'êtres humains.