Intervention de Jean-Yves Leconte

Commission des affaires européennes — Réunion du 11 juin 2015 à 8h30
Justice et affaires intérieures — Agenda sur les migrations : communication de mm. andré reichardt et jean-yves leconte

Photo de Jean-Yves LeconteJean-Yves Leconte :

J'évoquerai, maintenant, les propositions de la Commission européenne pour une « politique européenne des migrations » à plus long terme.

Une occasion se présente, selon elle, de démontrer que la gestion commune des migrations par tous les pays de l'Union peut apporter une valeur ajoutée.

Ces orientations de la politique migratoire européenne s'articuleraient autour de quatre axes :

 · réduire les incitations à la migration irrégulière ;

 · assurer une bonne gestion des frontières extérieures tout en sauvant des vies ;

 · protéger l'Europe de façon claire et transparente en mettant en place une politique commune solide en matière d'asile ;

 · définir une nouvelle politique de migration légale.

J'en viens à la position de la France.

La position française, avant d'aboutir à une position commune franco-allemande présentée le 1er juin 2015 et évoquée ci-après, à l'occasion d'une réunion des ministres de l'intérieur du G6 (France, Allemagne, Italie, Pologne, Espagne, Royaume-Uni), s'est articulée autour de quelques réflexions.

· Il faut se féliciter du triplement des moyens des opérations TRITON et POSEIDON coordonnées par l'agence FRONTEX. La France doit jouer tout son rôle dans le renforcement de la présence européenne en mer afin de sauver des vies humaines.

· Avec ses partenaires européens, notre pays doit participer aux efforts permettant de neutraliser les navires de trafiquants comme suite à la décision d'établissement d'une opération de « Politique de sécurité et de défense commune » navale le 18 mai.

· Il convient que les demandeurs d'asile « en besoin manifeste de protection » puissent être répartis plus équitablement dans les pays de l'Union selon des paramètres qui doivent être discutés.

· L'exercice du droit d'asile est garanti par le droit international à partir de critères objectifs. Il ne peut donc être question d'envisager des « quotas » ni en matière d'asile (toute idée de contingentement doit être exclue) ni, a fortiori, en matière d'immigration irrégulière puisque celle-ci a vocation à faire l'objet de procédures de reconduite vers les pays d'origine.

· Il faut soutenir la proposition de mettre en place des « zones d'attente » (« Hot Spots ») dans les États de première entrée afin d'identifier et d'enregistrer sans délai, dans la base Eurodac, les véritables demandeurs d'asile et les migrants ayant franchi irrégulièrement la frontière extérieure de l'espace Schengen et ayant vocation à être reconduits dans leur pays d'origine avec humanité et dignité.

· La recommandation de la Commission visant à réinstaller 20 000 réfugiés depuis les zones de crise doit être examinée avec la plus grande attention. Il importe néanmoins de discuter des modalités de définition de la clé de répartition qui sera définie dans cette perspective. Cette clé devra tenir compte des efforts d'accueil consentis depuis de nombreuses années.

· L'idée de pérenniser le mécanisme temporaire proposé par la Commission suscite des réserves. Notre pays reste attaché au régime de « Dublin » et à Eurodac qui doivent, selon lui, rester le socle de l'équilibre de l'espace Schengen.

· Les mesures en matière de lutte contre les passeurs, de gestion des frontières et des migrations ne pourront être effectives que si le développement économique des pays de transit et d'origine réduit les incitations au départ. Il convient, en conséquence, de favoriser une étroite coopération avec les pays d'origine et de transit des flux migratoires.

· Il faut soutenir la proposition de la Commission de mettre en place, au Niger, des centres de prévention des départs et d'aide au retour des migrants, sous l'égide de l'Organisation internationale pour les migrations (OIM).

· Il convient d'appuyer les projets de la Commission de réduire les incitations à la migration irrégulière et de construire une politique de retour efficace et crédible avec l'appui de FRONTEX ; la France est favorable à la construction d'un système européen de gardes-frontières, demandé par le Conseil européen de juin 2014.

Le 1er juin dernier, Paris et Berlin ont annoncé une « position commune » sur les propositions de la Commission européenne.

La France et l'Allemagne « sont disposées à examiner la proposition de la Commission » sur un mécanisme permettant de répartir parmi les États membres « les demandeurs d'asile en besoin manifeste de protection. »

Ce mécanisme devrait être fondé sur les principes, d'égale importance, de « solidarité » et de « responsabilité ». À cet égard, les deux pays considèrent que les propositions de la Commission n'ont pas encore atteint l'équilibre souhaitable, la clé de répartition devant « mieux prendre en compte les efforts déjà effectués » par les États membres en matière d'asile et de réfugiés. « Des discussions approfondies » seront nécessaires au niveau européen pour aboutir au bon équilibre. La France et l'Allemagne rappellent que cinq pays (Allemagne, Suède, France, Italie et Hongrie) se partagent actuellement 75 % des demandeurs d'asile.

Dans le communiqué, la France et l'Allemagne se félicitent de la mise en place de « centres d'attente » situés à proximité des points de débarquement et permettant d'opérer un premier repérage entre migrants « en besoin manifeste de protection » qui seraient relocalisés dans les États membres, et les migrants irréguliers « qui devront rapidement faire l'objet de mesures de retour ou d'éloignement ».

Les deux pays insistent, aussi, sur le fait que le mécanisme de répartition proposé par la Commission européenne « doit rester temporaire et exceptionnel ». Le règlement de « Dublin », insistent-t-ils, doit « continuer de prévaloir » en dehors de cette opération exceptionnelle destinée à soulager l'Italie et la Grèce.

Par ailleurs, dénonçant les « abus manifestes » en matière de demandes d'asile générées par le régime d'exemption de visas accordé à certains pays des Balkans occidentaux, les deux États jugent « indispensable de prévoir, à l'échelle de l'UE, un suivi et une évaluation solide, ainsi qu'une suspension de la libéralisation des visas, en cas de nécessité impérieuse. »

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