Intervention de Jean-Yves Leconte

Commission des affaires européennes — Réunion du 11 juin 2015 à 8h30
Justice et affaires intérieures — Agenda sur les migrations : communication de mm. andré reichardt et jean-yves leconte

Photo de Jean-Yves LeconteJean-Yves Leconte :

Je signalerai tout d'abord que la Cour des comptes n'a jamais publié de rapport mentionnant un taux de 1 % s'agissant de l'éloignement effectif des déboutés du droit d'asile en France. En 2014, on a décompté quelque 45 000 déboutés du droit d'asile ainsi que 19 000 éloignements de personnes en situation irrégulière (toutes catégories confondues c'est-à-dire y compris les déboutés du droit d'asile). La même année, l'Allemagne, quant à elle, n'a procédé qu'à 22 000 éloignements ce qui, compte tenu de son flux beaucoup plus important de demandeurs d'asile, doit plutôt être considéré comme une « performance » inférieure à celle de la France. Les données fournies par la Commission européenne en la matière ne paraissent pas, en conséquence, totalement irréalistes.

Ma première réflexion c'est que face à la situation dramatique à laquelle font face l'Italie et la Grèce, la Commission européenne ne pouvait pas rester sans réponse. Je signale que si l'on évoque souvent les flux migratoires en provenance de Méditerranée centrale ou orientale, on oublie que les voies migratoires de l'Est et du sud-est de l'Europe prennent de plus en plus d'importance. Depuis le début de l'année 2015, le nombre des demandes d'asile en Hongrie est équivalent à celui des personnes qui ont débarqué en Italie.

Deuxième réflexion : Avec entre 60 et 65 000 demandes d'asiles par an, la France n'est plus le pays attractif qu'il a pu être naguère. En 2014, le plus grand nombre de demandeurs d'asile a été enregistré en Allemagne (30 % de l'ensemble) suivi de la Suède (13 %), de l'Italie et de la France (environ 10 % pour les deux). En proportion de la population de chaque État membre par millier d'habitants, le nombre de demandeurs atteignait, en 2014, 8,4 en Suède, 4,3 en Hongrie, 3,3 en Autriche, 2,5 en Allemagne et seulement 1 en France soit moins que la moyenne européenne qui s'établissait à 1,2 demandeur d'asile par millier d'habitants. On relève que 12 pays de l'Union sur 28 ont un taux supérieur à 3. Ces données incontestables renvoient peut-être à l'extérieur une image de la France qui n'est pas forcément à notre avantage.

J'estime, à cet égard, que la clé de répartition du programme de la Commission européenne devrait prendre en compte équitablement les efforts relatifs accomplis par les différents États membres.

Troisième réflexion : l'Agenda européen laisse beaucoup de questions en suspens. Quid, par exemple, de l'État membre qui sera chargé de renvoyer dans son pays d'origine le débouté du droit d'asile qui a été « relocalisé » ? Dans quel pays le débouté qui a été « relocalisé » sera-t-il renvoyé : en Italie ? dans son pays d'origine ? Peut-on accepter que le traitement des demandes d'asile d'une même catégorie bien ciblée de personnes (les « 40 000 » du programme de relocalisation) varie selon les critères, les pratiques et les taux d'acceptation qui diffèrent parfois considérablement d'un pays européen à l'autre. Relevons, par exemple, que la notion de « pays d'origine sûrs » n'existe pas partout, loin de là.

Il nous faut absolument accélérer les convergences et tendre vers une approche européenne commune de l'asile.

Quatrième réflexion : La règle posée par les accords de Dublin qui avait pour objectif de responsabiliser les États membres de la périphérie n'était pas illogique. Mais aujourd'hui, elle est inapplicable dans des pays comme l'Italie ou la Grèce. Rappelons que ce dernier pays ne dispose que d'un seul service à Athènes pour le relevé des empreintes digitales !

Cinquième réflexion : Le principe de la clé de répartition entre les États membres doit être approuvé. Le projet de loi français sur l'asile propose la mise en place d'un « dispositif national d'accueil » pour répartir de façon plus équitable les réfugiés sur le territoire national. Créer, dans le même esprit, un « dispositif européen d'accueil » me paraîtrait aller dans le bon sens. Cela étant dit, ne nous cachons pas qu'il peut y avoir des blocages : certains États membres de l'Union européenne, notamment dans sa partie orientale, n'ont aucune « culture de l'asile ».

Autre point : Est-il normal que les réfugiés risquent leur vie pour demander une protection internationale à laquelle ils ont droit ? Ne conviendrait-il pas de mettre en place des « points de contact » en Turquie, au Liban ou en Tunisie pour procéder à une première sélection des dossiers des demandeurs d'asile ?

En conclusion, je me demande si les solutions de court terme aujourd'hui préconisées ne risquent pas d'handicaper les solutions de long terme. Ne se dirige-t-on pas vers une remise en cause de l'espace Schengen ?

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