Je ne vous suis pas totalement lorsque vous dites que l'on entre dans une Europe à deux vitesses, avec la zone euro d'un côté et le reste de l'autre. On est, en réalité, en train de créer une troisième dislocation. Pour l'heure, la Grande-Bretagne, le Danemark sont dans l'opt-out, notamment sur l'euro, mais tous les autres membres sont dans un processus d'adhésion à l'euro. Là, j'ai le sentiment que l'on est en train de créer un statut particulier pour la Grande-Bretagne, notamment sur la question des droits sociaux des travailleurs intra-européens. Toutes les enquêtes britanniques montrent que les citoyens de l'Union qui travaillent en Grande-Bretagne ont un taux de qualification, d'activité, de rémunération et donc de cotisations sociales supérieurs à l'Anglais moyen. Or, la Grande-Bretagne nous dit que tous ces gens que son attractivité économique amène chez elle lui coûtent très cher, en oubliant qu'ils lui rapportent aussi. Et avec cet arrangement, ils vont lui rapporter plus encore puisqu'elle ne versera pas un certain nombre de prestations sociales. M. Cameron vante le dynamisme de son économie en oubliant que son attractivité repose non seulement sur un coût du travail faible mais surtout sur des charges sociales et patronales extrêmement faibles. Ce dumping social lui attire du monde, mais il ne veut pas en payer le prix. Il y a là un paradoxe, et la Grande-Bretagne se comporte, en cela, un peu comme elle le fait pour l'immigration : avec les accords du Touquet, c'est sur les épaules de la France que repose le soin d'assurer son contrôle aux frontières.
L'Union européenne essaye d'habiller la dérogation qu'elle va consentir aux Britanniques d'un cadre plus générique, mais en réalité, elle crée un statut particulier. C'est une situation très ambiguë. D'autant que les derniers sondages ne sont pas favorables au maintien dans l'Union, les deux camps sont au coude à coude. Que deviendront toutes ces concessions à l'issue du référendum ? S'il tranche pour le Brexit, j'ai tendance à penser que l'on renégociera pour en conserver tout de même quelque chose.