Intervention de Jean Bizet

Commission des affaires européennes — Réunion du 10 novembre 2010 : 1ère réunion
Réforme de la politique agricole commune examen du rapport d'information du groupe de travail conjoint avec la commission de l'économie du développement durable et de l'aménagement du territoire

Photo de Jean BizetJean Bizet :

Le groupe de travail sur la réforme de la politique agricole commune (PAC), commun à la commission des Affaires européennes et à la commission de l'économie du Sénat, a mené une série d'auditions et de déplacements pour préparer son rapport. Nous avons suivi parfois de quelques mois les déplacements du ministre de l'Alimentation, de l'Agriculture et de la pêche, Bruno Le Maire, et nous avons pu apprécier le travail qu'il réalisait auprès des autres pays européens.

Le titre proposé pour le rapport est « redonner du sens à la PAC ». Ce rapport est articulé autour de quelques points-clefs :

- la sécurité alimentaire doit rester l'un des fondements de la PAC. C'est un objectif élémentaire que l'Europe doit à ses concitoyens, tant sur le plan quantitatif que sanitaire et qualitatif. C'est aussi une précaution élémentaire que l'Europe doit au monde. Le choix de la dépendance alimentaire est à terme facteur d'exclusion, car l'Europe, riche, pourra toujours payer son alimentation sur les marchés mondiaux, excluant les pays les plus pauvres ;

- l'agriculture a pour première mission de nourrir les hommes. L'activité agricole s'exerce dans un environnement qui est un « patrimoine commun » à la société et qui doit être préservé. Elle assure également de nombreuses fonctions utiles pour le territoire : services environnementaux, vitalité des territoires et autres « biens publics » - expression consacrée par le langage communautaire - qui méritent d'être soutenues et rémunérées ;

- pour reprendre les termes de la proposition franco-allemande du 14 septembre 2010, proposition centrale qui fait suite à l'appel de Paris de décembre 2009, à laquelle de nombreux autres États membres se rallient, il faut, pour l'Europe, une PAC forte, orientée vers le marché, mais conservant des outils de régulation ;

- la compétitivité de l'agriculture européenne, qui permet d'assurer la performance durable des différentes filières alimentaires, également mise en avant par l'accord précité, doit être appréciée à l'aune d'autres critères, sociaux et environnementaux. La PAC doit faire coexister une agriculture à forte valeur ajoutée, capable d'exporter, et une agriculture de proximité, essentielle aux territoires. L'agriculture française ne représente que 30 millions d'hectares sur 1,5 milliard d'hectares de surfaces cultivées dans le monde : malgré cela, la valeur ajoutée produite est forte ;

- une PAC rénovée doit être simple et claire. Pour être pleinement légitime, elle doit rechercher l'adhésion de la société civile, comme celle des agriculteurs. Une réforme de la PAC ne pourra se faire sans eux, ni, a fortiori, contre eux ;

- la PAC pourrait être articulée en deux piliers : un pilier au service de l'agriculture et des agriculteurs et un pilier au service des territoires et de l'environnement ;

- il faut cesser de raisonner à partir d'un modèle unique de l'agriculture : il y a de la place pour plusieurs agricultures : l'une présente sur les marchés mondiaux, et l'autre, tout aussi importante, tournée vers la proximité ;

- la France doit s'inscrire dans une stratégie d'alliance pour préparer la PAC d'après 2013. La position commune franco-allemande est un premier succès. L'association de la Pologne donnerait une grande envergure à cet accord, susceptible de recevoir l'adhésion de tous ;

- l'agriculture française évolue dans un environnement mondial. La conclusion d'accords multilatéraux dans le cadre de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) est actuellement bloquée. Mais le relais pourrait être pris par des accords bilatéraux, aux effets peut-être plus dangereux pour l'agriculture européenne. Par ailleurs, s'il est nécessaire de protéger notre agriculture, le principe de préférence communautaire est difficile à faire partager. Il est plus adapté de parler d'exigences de réciprocité avec les pays tiers : les contraintes mises par l'Europe à son activité agricole doivent être exigées de ces pays. Enfin, il ne faudrait pas que les agriculteurs subissent coup sur coup une réforme de la PAC, puis une autre réforme résultant des accords de l'OMC.

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