Le groupe de travail sur la réforme de la politique agricole commune (PAC), commun à la commission des Affaires européennes et à la commission de l'économie du Sénat, a mené une série d'auditions et de déplacements pour préparer son rapport. Nous avons suivi parfois de quelques mois les déplacements du ministre de l'Alimentation, de l'Agriculture et de la pêche, Bruno Le Maire, et nous avons pu apprécier le travail qu'il réalisait auprès des autres pays européens.
Le titre proposé pour le rapport est « redonner du sens à la PAC ». Ce rapport est articulé autour de quelques points-clefs :
- la sécurité alimentaire doit rester l'un des fondements de la PAC. C'est un objectif élémentaire que l'Europe doit à ses concitoyens, tant sur le plan quantitatif que sanitaire et qualitatif. C'est aussi une précaution élémentaire que l'Europe doit au monde. Le choix de la dépendance alimentaire est à terme facteur d'exclusion, car l'Europe, riche, pourra toujours payer son alimentation sur les marchés mondiaux, excluant les pays les plus pauvres ;
- l'agriculture a pour première mission de nourrir les hommes. L'activité agricole s'exerce dans un environnement qui est un « patrimoine commun » à la société et qui doit être préservé. Elle assure également de nombreuses fonctions utiles pour le territoire : services environnementaux, vitalité des territoires et autres « biens publics » - expression consacrée par le langage communautaire - qui méritent d'être soutenues et rémunérées ;
- pour reprendre les termes de la proposition franco-allemande du 14 septembre 2010, proposition centrale qui fait suite à l'appel de Paris de décembre 2009, à laquelle de nombreux autres États membres se rallient, il faut, pour l'Europe, une PAC forte, orientée vers le marché, mais conservant des outils de régulation ;
- la compétitivité de l'agriculture européenne, qui permet d'assurer la performance durable des différentes filières alimentaires, également mise en avant par l'accord précité, doit être appréciée à l'aune d'autres critères, sociaux et environnementaux. La PAC doit faire coexister une agriculture à forte valeur ajoutée, capable d'exporter, et une agriculture de proximité, essentielle aux territoires. L'agriculture française ne représente que 30 millions d'hectares sur 1,5 milliard d'hectares de surfaces cultivées dans le monde : malgré cela, la valeur ajoutée produite est forte ;
- une PAC rénovée doit être simple et claire. Pour être pleinement légitime, elle doit rechercher l'adhésion de la société civile, comme celle des agriculteurs. Une réforme de la PAC ne pourra se faire sans eux, ni, a fortiori, contre eux ;
- la PAC pourrait être articulée en deux piliers : un pilier au service de l'agriculture et des agriculteurs et un pilier au service des territoires et de l'environnement ;
- il faut cesser de raisonner à partir d'un modèle unique de l'agriculture : il y a de la place pour plusieurs agricultures : l'une présente sur les marchés mondiaux, et l'autre, tout aussi importante, tournée vers la proximité ;
- la France doit s'inscrire dans une stratégie d'alliance pour préparer la PAC d'après 2013. La position commune franco-allemande est un premier succès. L'association de la Pologne donnerait une grande envergure à cet accord, susceptible de recevoir l'adhésion de tous ;
- l'agriculture française évolue dans un environnement mondial. La conclusion d'accords multilatéraux dans le cadre de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) est actuellement bloquée. Mais le relais pourrait être pris par des accords bilatéraux, aux effets peut-être plus dangereux pour l'agriculture européenne. Par ailleurs, s'il est nécessaire de protéger notre agriculture, le principe de préférence communautaire est difficile à faire partager. Il est plus adapté de parler d'exigences de réciprocité avec les pays tiers : les contraintes mises par l'Europe à son activité agricole doivent être exigées de ces pays. Enfin, il ne faudrait pas que les agriculteurs subissent coup sur coup une réforme de la PAC, puis une autre réforme résultant des accords de l'OMC.
Une approche commune à tous les membres du groupe de travail devrait pouvoir se dégager, mais il sera possible aux membres des groupes politiques de présenter une contribution.
La France est la première puissance agricole de l'Union européenne. Deux tiers des 30 millions de surface agricole utilisée sont consacrés aux cultures céréalières et un tiers à l'élevage. Mais l'Europe ne représente qu'environ 10 % des surfaces agricoles mondiales, qui s'élèvent à 1,5 milliard d'hectares. Or, le Brésil dispose de 300 millions d'hectares de cultures possibles, sans déforestation. Ce pays pourrait produire le double de la production agricole de l'Union européenne.
Dans la droite ligne du Grenelle de l'environnement, il y aurait un intérêt à développer la consommation de produits agricoles locaux.
D'autres déplacements du groupe de travail pourront avoir lieu dans les mois qui viennent, car le travail du groupe se poursuivra après la remise du rapport et il sera nécessaire de faire partager la vision de la France à d'autres pays. Enfin, nous avons demandé l'organisation d'un débat sur l'avenir de la politique agricole commune dans le cadre de la semaine de contrôle du mois de janvier 2011.
Les auditions et les déplacements du groupe de travail ont été très instructifs.
Il sera difficile de mettre d'accord les 27 États membres sur la réforme de la PAC. En revanche, au niveau national, un certain consensus peut apparaître sur des enjeux fondamentaux. Il existe autour de l'accord franco-allemand, qui est une bonne base, même s'il pourrait aller plus loin. Nos partenaires européens apprécient qu'il existe un relatif consensus en France sur la PAC, mais aussi que le Sénat soit en position d'écoute par rapport à leurs propres préoccupations.
S'il faudra attendre les propositions concrètes de la Commission européenne pour apprécier les contours de la future réforme de la PAC, il faut cependant noter que l'état d'esprit a changé en Europe par rapport aux années précédentes : les grands pays agricoles sont davantage écoutés et il est probable que la communication de la Commission ira dans le bon sens.
Notons enfin que le Parlement européen sera partie prenante dans la réforme de la PAC, à travers la codécision, et que ses prises de position exprimées jusqu'à présent sont positives.
Une contribution sera déposée par les membres du groupe de travail appartenant au groupe socialiste, tant pour mettre en évidence les convergences que les divergences, qui tiennent plus à la politique nationale qu'à l'approche de la PAC.
Le rapport devrait pouvoir faire l'objet d'un certain consensus, et la contribution du groupe est moins une critique du rapport qu'un complément, développant des points peu abordés dans le rapport et mettant en exergue quelques points de divergence avec l'analyse présentée.
La position d'écoute de la France, à travers les déplacements du groupe de travail, est particulièrement appréciée. Mais les déplacements permettent aussi d'exprimer les priorités de la France. Aux Pays-Bas notamment, un débat a pu avoir lieu avec les interlocuteurs du groupe de travail pour faire valoir les exigences françaises d'une préférence rénovée, que l'on peut aussi appeler « juste échange ».
Il faut resituer la réforme de la PAC dans une perspective historique, marquée par la libéralisation des échanges depuis les années 1990, ainsi que par la primauté des analyses néolibérales au niveau mondial, qui placent le marché au dessus de toute régulation. Les crises alimentaires de 2007 et 2008, avec 40 pays environ touchés par des émeutes de la faim, justifient pourtant que la PAC soit orientée prioritairement vers la sécurité alimentaire.
L'agriculture ne peut être considérée comme une banale activité économique. Il faut donc dépasser le statu quo actuel, intenable vis-à-vis de nos partenaires européens, inefficace et injuste. Le groupe socialiste soutient une réforme globale de la PAC par paliers ou blocs susceptibles de remplacer les piliers, permettant une plus grande lisibilité des aides, et la prise en compte de la dimension multifonctionnelle de l'agriculture dans nos sociétés, comprenant l'ensemble des services rendus par les agriculteurs à la collectivité, appelés « biens publics ». La PAC doit donc être encore plus respectueuse de l'environnement, même si l'écoconditionnalité a déjà conduit les agriculteurs à faire des efforts considérables dans ce domaine, basée sur la contractualisation d'engagements réciproques entre agriculteurs et pouvoirs publics. Il s'agit donc de remplacer la contrainte par un contrat et par la confiance.
La nécessaire durabilité de l'agriculture, le principe de solidarité, l'attachement à l'équilibre des territoires et la défense d'un budget européen ambitieux sont au fondement de la PAC. Sur ce dernier point, les débats sont ouverts : on peut craindre une diminution si l'on s'en tient aux déclarations du président de la Commission européenne, José Manuel Barroso.
Il n'y a pas d'agriculture durable sans régulation des marchés au niveau européen, mais aussi au niveau mondial. Un nouveau modèle de régulation de l'agriculture peut prendre appui sur l'ambition alimentaire. La réforme de la PAC doit en effet être intégrée dans une réflexion sur les échanges mondiaux. La relocalisation des productions, notamment de protéines aujourd'hui importées, est nécessaire.
Trois réflexions. En premier lieu, j'approuve les principales propositions de ce rapport. En deuxième lieu, les chiffres que vous avez indiqués montrent l'importance stratégique du défi agricole pour la France. Avec 1 % de la population mondiale, la France possède 2 % de la surface agricole utile dans le monde. En dernier lieu, je souhaite revenir sur les derniers propos d'Alain Lamassoure au cours de la réunion conjointe de nos commissions avec les eurodéputés français qui s'est tenue la semaine dernière. Selon lui, le fait que la France est désormais contributrice nette au budget européen, et le sera de plus en plus, pourrait inspirer une approche purement comptable de la réforme de la PAC chez certaines administrations. La tentation de renationaliser la PAC, ce qui reviendrait à la démanteler, ne serait pas loin.
Cette extrémité n'est pas acceptable. Mais je m'interroge sur une PAC à deux niveaux : un niveau européen responsable des normes et des objectifs, un niveau territorial responsable des modalités d'application. Cette architecture pourrait éviter que des règles européennes ne se traduisent dans leur application par des effets pervers. Je pense par exemple aux excès de la production de maïs dans des régions qui ne s'y prêtent manifestement pas. Cela pourrait aussi nous dispenser de payer chaque année un chèque au Royaume-Uni, en contrepartie de son faible retour sur les crédits de la PAC, alors même que ce pays a fait le choix d'importer une grande partie de ses besoins alimentaires d'autres régions que l'Union européenne.
Je souhaite évoquer le cas particulier de la viticulture. Des projets existent à Bruxelles pour intégrer l'OCM vitivinicole dans l'OCM unique. Je crains que ce projet n'aboutisse en réalité à ne plus aussi bien prendre en compte les spécificités de cette filière atypique.
La PAC refondée doit avoir un sens. Or, cela me semble impossible dans l'articulation actuelle des enjeux nationaux, européens et mondiaux. Au niveau national, nos agriculteurs sont soumis à une masse de réglementations et de contrôles tatillons. A l'inverse, l'Europe et l'OMC soufflent le vent du libre échange. Cette équation est intenable pour notre agriculture. Aucune concurrence loyale n'est possible. L'Union doit changer de mode de pensée et reprendre à son compte le principe fondateur de la préférence communautaire.
Sur les propositions du rapport, j'avoue que l'articulation proposée entre les deux piliers est très intéressante. Un premier pilier centré sur l'activité de production et la compétitivité. Un second sur les territoires. Cette idée a-t-elle une chance de prospérer ?
Notre approche est différente. Le coeur du problème est l'abandon de toute politique de régulation du marché. Les mécanismes garantissant un prix juste aux producteurs ont tous été démantelés. L'exemple du lait ne montre pas que la contractualisation pourra remplir ce rôle de régulation.
Je constate aussi que le rapport est silencieux sur la grande distribution. Inversement, je désapprouve la place laissée aux marchés à terme qui ne peuvent qu'accroître encore la volatilité.
Le dilemme du prix juste n'est pas levé. On reste dans une logique de prix bas et de primes.
A propos de la convergence des aides directes entre les États membres, ce processus doit être progressif au risque sinon d'aggraver les différences de coût de production.
Enfin, je relève les réticences du rapport sur le volet environnemental de la PAC.
Ceci étant, le rapport comporte de nombreux points positifs. Le groupe CRC s'abstiendra.
l faut rendre à la politique agricole et aux agriculteurs leur dignité. Certaines voix martèlent que la PAC coûte cher. Il faut combattre cette idée fausse. La PAC est la seule politique européenne intégrée. Les dépenses agricoles du budget européen représentent l'essentiel des dépenses agricoles européennes. Elles ne viennent pas en soutien de dépenses nationales, à la différence par exemple de la politique européenne de la recherche. La PAC n'est pas chère au regard de l'enjeu stratégique que cela représente. La sécurité alimentaire est au moins aussi importante que la sécurité énergétique. Enfin, il n'y a pas de développement durable sans agriculture.
Quelques remarques. Je regrette que l'on ait renoncé à la préférence communautaire. Il faut faire avancer cette idée dans le débat mondial. L'idée de subsidiarité est aussi intéressante, mais elle ne doit pas ouvrir le chemin à une renationalisation rampante de la PAC. Enfin, un regret. Je n'ai pas lu le mot « montagne » dans votre rapport. Il ne faut pas oublier que c'est la prime à la vache qui a sauvé l'élevage dans nos régions et que cela a permis de stabiliser nos sols.
Je crois que cet excellent rapport n'est qu'une étape. Nous aurons à y revenir à mesure que les positions vont bouger en Europe. Le débat de la PAC va durer pratiquement trois ans et il faudra nous mobiliser pendant toute cette période pour défendre notre vision.
Un autre enjeu connexe sera celui du développement rural, partagé entre le deuxième pilier de la PAC et la politique structurelle de l'Union. Le traité de Lisbonne est très novateur, puisqu'il reconnaît enfin la cohésion territoriale comme l'un des objectifs de l'Union.
Comme mon collègue Charles Revet, l'intervention d'Alain Lamassoure la semaine dernière m'a marqué. La proposition de renationaliser la PAC en échange de l'abandon du chèque britannique a été esquissée. C'est à la fois dangereux et inadmissible. Cette idée a-t-elle la moindre chance de prospérer ?
Une des raisons pour lesquelles les précédentes réformes de la PAC n'ont pas été acceptées est probablement qu'une fois le Livre vert de la Commission européenne publiée, les positions de celle-ci n'ont jamais évolué malgré les manifestations ou contre-propositions. J'approuve donc le choix de notre groupe de travail de formuler ses propositions avant que la Commission européenne ne présente les siennes.
Je crois aussi qu'un effort de pédagogie et de clarification de la PAC est indispensable. J'espère que ce rapport y contribuera, car le manque de pédagogie est à l'origine de nombreux malentendus.
Enfin, on constate que désormais toutes les filières sont désormais touchées par la volatilité des cours, ce qui montre bien la défaillance des mécanismes de régulation.
Quelques interrogations. Proposez-vous d'harmoniser les normes environnementales et sanitaires dans les États membres, la France ayant souvent tendance à en rajouter ? L'impact sur nos coûts est très fort, ce qui nous pénalise vis-à-vis de nos partenaires européens. De la même façon, ne faudrait-il pas harmoniser les dispositifs sanitaires en cas d'épizootie ? Des crises récentes ont montré que le manque de coordination pouvait tuer des filières ou échouer à éradiquer certaines maladies. Je terminerai en vous demandant s'il est envisagé de sortir les questions agricoles de l'OMC.
Les équilibres mondiaux sont en train de changer. Les États Unis réfléchissent à limiter leurs importations et exportations en fonction d'un pourcentage de leur production. Les échanges mondiaux de produits agricoles ne sont pas une finalité. Ils sont une soupape. Les exportations agressives en provenance de pays comme l'Australie ou la Nouvelle Zélande créent plus de problèmes qu'elles n'en résolvent. A cet égard, il faut une réforme fondamentale de l'OMC en matière agricole pour changer de logique. L'agriculture est stratégique. Chaque pays doit avoir le droit de se nourrir.
Ceci étant, il faut aussi constater le conservatisme profond des professions agricoles dont je fais partie. La concurrence n'existe pas entre agriculteurs. Si je veux faire de la betterave à sucre dans le nord, je ne peux pas. Et le système national des références historiques, qui consiste à donner plus à ceux qui gagnaient déjà le plus, est scandaleux.
Je tiens aussi à souligner la complexité de la gestion administrative des exploitations. C'est désastreux pour nos agriculteurs.
Un dernier mot pour m'opposer à toute renationalisation de la PAC, car l'argent de la PAC ne retournerait pas aux agriculteurs européens, mais serait capté au profit d'autres politiques ou, plus probablement, du remboursement de la dette.
Je salue l'orientation générale du rapport et je partage, une fois n'est pas coutume, les appréciations de mon collègue Bruno Sido.
Sur le rapport, un bémol toutefois. L'objectif de l'emploi n'y figure pas clairement, alors que le Parlement européen en fait l'un des principes de la future PAC.
En outre, je ne suis pas pour opposer les deux piliers. Le verdissement du premier pilier est souhaitable. Par exemple, la rotation des cultures n'est pas contradictoire avec une meilleure sécurité alimentaire et une agriculture compétitive. Cela améliore la qualité des sols et permet d'accroître la production européenne de protéagineux.
Dans le jeu mondial, la PAC est un atout déterminant si nous savons nous en servir, notamment si notre administration cesse de se livrer à un zèle normatif.
Deux remarques. Je crois en effet que l'intervention doit être beaucoup plus rapide pour être efficace. A propos de la fiscalité, la proposition tendant à provisionner le risque prix dans la comptabilité des exploitations me semble aussi déterminante pour constituer une épargne de précaution. Cette proposition requiert-elle une action au niveau européen ?
Le document de synthèse du rapport est très important. C'est ce document qui sera lu. Chaque mot compte.
Sur les aides directes, il doit être clair qu'il s'agit d'une aide compensatrice et non d'une aide au revenu. Par ailleurs, il faut bien distinguer la convergence des aides directes entre États membres et au sein des États membres.
Sur la préférence communautaire, le rapport mériterait d'être plus offensif. Les États-Unis ont moins de scrupules.
Il faut aussi affirmer l'objectif de compétitivité des productions agricoles européennes face à une concurrence internationale de plus en plus dure. C'est vital. Enfin, je suis opposé aux deux derniers paragraphes du document de synthèse que l'on nous a distribué. La PAC ne doit pas se fondre dans une politique de l'environnement.
t. - Quelques évidences méritent d'être rappelées. L'agriculture reste fondamentalement dépendante des aléas climatiques. On ne maîtrise pas la nature.
Quant à la volatilité des prix, elle est devenue si forte que les agriculteurs ne savent plus quelle stratégie adopter. Quand faut-il vendre sa récolte ? Avant même de l'avoir semée ? Faut-il stocker dans l'espoir de prix meilleurs ? C'est devenu impossible. Aucune entreprise industrielle ne résisterait à des variations de cours aussi brutales et erratiques.
Tout le monde parle de plus de régulation. Mais que met-on derrière ces mots après avoir passé vingt ans à démanteler tous les mécanismes existants ? Je ne suis pas sûr que l'Europe soit prête à mettre de l'argent dans le stockage.
Même l'esprit des agriculteurs a changé. Ils se sont accoutumés au marché. Quand les cours sont très hauts, ils entendent mal les arguments en faveur d'une discipline de marché. Mais quand les prix chutent, on appelle l'État à la rescousse.
J'ajoute que la France a fait des choix et qu'elle en paie aujourd'hui les conséquences. Il y a dix ans, la France a clairement favorisé le secteur céréalier par rapport à l'élevage dans l'attribution des aides directes. Le résultat est que nos éleveurs sont beaucoup moins compétitifs que les éleveurs allemands. Il n'y a rien d'étonnant. Il faut absolument harmoniser le partage des aides pour mettre un terme à ces distorsions de concurrence au sein du marché européen.
Je terminerai sur les OGM. La proposition de la Commission européenne de renationaliser cette politique serait une catastrophe.
Au point E/ du document de synthèse, il est important de faire figurer les territoires avant l'environnement.
En matière d'assurance aléas climatiques, il faut souligner dans le rapport que l'Europe doit continuer à verser 100 millions d'euros, prélevés sur l'enveloppe de la France, pour soutenir ces outils.
En matière de filet de sécurité, c'est aussi fondamental sans tomber dans les excès de la PAC historique. Nous ne devons pas désarmer unilatéralement. Les agriculteurs ne veulent pas, comme cela s'est produit dans le passé, payer deux fois : une fois à l'occasion de la réforme de la PAC et une fois dans le cadre des accords OMC.
Dans mon département, je constate que beaucoup d'argent est engagé en faveur de la biodiversité ou de la conversion à l'agriculture biologique. Mais a-t-on des chiffres consolidés ? Dans le même temps, on manque de moyens pour des investissements de base indispensables à nos exploitations.
Sur le document de synthèse, je partage les observations de mes collègues Gérard César et Rémy Pointereau.
De vos interventions, je retiens d'abord deux mots très importants : « dignité » et « stratégique ». Je crois qu'il faut le redire dans le rapport.
Concernant la préférence communautaire, nos partenaires ont une autre approche. Un haut responsable du ministère allemand des affaires étrangères nous a clairement indiqué que « le Mercosur était un marché potentiel et que, s'il fallait payer un prix pour avoir accès à ce marché, par exemple en ouvrant les marchés agricoles, l'Allemagne l'accepterait ». Le concept s'est érodé sur le plan juridique, mais garde sa pertinence sur le plan économique. Le concept de réciprocité permet de viser les mêmes objectifs, de répondre aux distorsions de concurrence, en étant plus acceptable.
Concernant la réforme de l'OMC, les décisions doivent être prises à l'unanimité. L'organe de règlement des différents est très utile. En revanche, la réglementation des mouvements commerciaux internationaux n'est plus pertinente. Même Pascal Lamy concède que des échanges agricoles pourraient se limiter aux échanges entre zones, sans que les produits fassent le tour du monde avant d'arriver dans nos assiettes.
Concernant les questions budgétaires, la France est devenue un État contributeur net important. Sa contribution s'est beaucoup accrue à la suite des réformes sur le financement, mais, avec la montée en puissance de nouveaux États membres, les retours agricoles vont aussi diminuer et la France sera contributrice nette, y compris sur la PAC. Comme l'a évoqué Alain Lamassoure, il y aurait une tentation de renationalisation de la PAC, afin de limiter cette contribution nette. Cela doit être combattu avec d'autant plus de force que cette renationalisation ne supprimerait en aucun cas la contribution nette car les crédits seraient affectés à d'autres dépenses, pour lesquelles la France a des taux de retours encore moins bons.
Concernant la régulation, je rappellerai les propos de l'eurodéputé Michel Dantin qui indiquait que, sous l'influence de l'ancienne commissaire à l'agriculture, la DG Agri de la Commission européenne avait abandonné le concept. Il faut que les services se remettent au travail. La Commission doit se réapproprier ce concept. Le professeur Philippe Chalmin a cependant précisé que le stockage européen dans un environnement mondialisé n'a, au mieux, pratiquement aucun effet, au pire, arrange nos concurrents qui peuvent exporter davantage à meilleur prix. C'est pourquoi la régulation doit suivre de nouvelles voies, comme par exemple la contractualisation privée.
Les références historiques ont été dénoncées par beaucoup. Il est acquis qu'elles doivent être abandonnées. En revanche, les spécificités sectorielles doivent être conservées. L'OCM vitivinicole ne doit pas être fondue dans l'OCM unique.
La préférence communautaire reste un concept privilégié dans le monde agricole. On peut toujours se faire plaisir, répéter les mêmes idées, il faut admettre que la notion est obsolète et ne recueille l'adhésion d'aucun de nos partenaires. Certains ont même eu des mots très sévères sur cette notion, laissant entendre qu'il n'y a aucune chance de la voir aboutir. Il faut aller vers des concepts plus acceptables, comme celui de réciprocité. La concurrence agricole va s'aiguiser. Certains grands pays agricoles disposent de réserves et de potentiels considérables.
Le deuxième pilier, tel qu'il est conçu par le groupe de travail, doit mettre au premier plan les territoires, avant l'environnement. Dans cette action au profit des territoires, il va de soi que les outils dédiés à la montagne ont une place très importante. Comme le suggère notre collègue François Patriat, l'importance de la sécurité sanitaire doit être rappelée. L'action préventive est évidemment essentielle.
Il ne faut pas confondre subsidiarité et régionalisation. La subsidiarité laisse le choix aux États membres d'organiser la distribution des aides au niveau national ou au niveau régional, de façon déconcentrée ou décentralisée.
L'accord sur ce travail qui concerne la réforme de la PAC ne nous empêche pas d'avoir des divergences sur la politique nationale de l'agriculture.
Les deux commissions ont autorisé à l'unanimité - le groupe communiste républicain et citoyen et des sénateurs du parti de gauche s'abstenant - la publication du rapport d'information, paru sous le numéro 102 et disponible sur Internet à l'adresse suivante :
www.senat.fr/europe/rap.html