Intervention de Anne Brasseur

Commission des affaires européennes — Réunion du 10 décembre 2014 à 14h30
Institutions européennes — Audition de Mme Anne Brasseur présidente de l'assemblée parlementaire du conseil de l'europe

Anne Brasseur :

Je remercie sincèrement le Sénat pour son accueil. Je suis à Paris pendant trois jours et j'essaie de mieux y faire connaître l'Assemblée que je préside. En effet, le siège du Conseil de l'Europe à Strasbourg donne parfois l'impression d'être un peu à l'écart de la politique française et c'est pourquoi j'ai souhaité rencontrer des responsables de votre pays tels que la ministre de la justice, le Défenseur des droits, et, bien sûr, des parlementaires. La délégation française à l'APCE est très active et je salue en particulier l'implication de Josette Durrieu qui a établi de nombreux rapports sur des sujets très importants.

L'APCE compte 318 parlementaires issus des 47 États membres du Conseil de l'Europe. À ce titre, c'est une plateforme parlementaire extraordinaire pour échanger sur les sujets les plus divers. Le Conseil de l'Europe est devenu plus important que jamais dans un contexte marqué par la résurgence du populisme, du racisme et de l'antisémitisme. Je rappelle d'ailleurs qu'en janvier 2015 sera lancée une Alliance parlementaire contre la haine qui traduit l'importance de se rassembler au-delà des clivages politiques. En effet, même les pays dont le système politique est assis sur le consensus n'échappent pas à la montée des discours de haine, comme l'ont montré les événements récents en Suède où un parti d'extrême-droite a doublé son nombre de voix. Je rappelle également que le Conseil de l'Europe a lancé une initiative « Non à la haine » qui s'adresse aux jeunes via Internet.

L'APCE concentre une partie de ses travaux sur la question des flux migratoires. Sur ce sujet sensible, il convient de trouver une solution ensemble car le problème se pose à l'échelle européenne. Il est important de ne pas laisser certains États membres, l'Italie ou la Grèce en particulier, seuls face à ce défi. En matière d'asile, il est nécessaire de concilier un raccourcissement des délais de procédure et le respect des libertés fondamentales. À ce titre, le Conseil de l'Europe est à la disposition des États membres pour analyser leur législation au regard de ses normes et pour les conseiller.

L'Ukraine est la principale crise à laquelle l'Europe est actuellement confrontée. Force est de constater que l'Ukraine n'a pas réussi à se doter d'institutions stables : sa Constitution reste perfectible et n'assure pas suffisamment la séparation des pouvoirs ; sa loi électorale doit être revue de manière à empêcher les achats de siège ; la corruption atteint des proportions extrêmement inquiétantes. Pour résoudre ces problèmes, une forte volonté politique est indispensable. Or, le parlement ukrainien a été très longtemps divisé et j'espère que la nouvelle majorité issue des récentes élections législatives permettra d'aller de l'avant. Pour ma part, je considère que le Conseil de l'Europe ne s'est pas montré suffisamment exigeant envers l'Ukraine pour la contraindre à effectuer les réformes nécessaires. La faiblesse et l'inefficacité des institutions de ce pays se traduisent par un État vulnérable. Les violences qui ont eu lieu à Maïdan et Odessa au début de l'année ont conduit le Secrétaire général du Conseil de l'Europe à se montrer très attentif au caractère impartial des investigations menées par les autorités ukrainiennes sur ces événements. L'enquête sur les violences à Maïdan est désormais close et ses conclusions devraient être présentées au début de l'année prochaine, avant de poursuivre les investigations sur ce qui s'est passé à Odessa.

Comme vous l'avez dit, l'Assemblée parlementaire a décidé de suspendre, en avril dernier, le droit de vote de la délégation russe, jusqu'à la fin de l'année 2014, en réaction à l'annexion de la Crimée à la Fédération de Russie. Le parlement russe a alors choisi de mettre un terme à sa participation aux travaux de notre assemblée, alors que la suspension du droit de vote ne signifie pas, aux termes du Règlement, l'annulation pure et simple des droits à siéger. J'ai entrepris plusieurs démarches pour renouer le contact avec le président de la Douma. Je ne vous cacherai pas que c'est très difficile. Je l'ai rencontré le 2 septembre dernier à Paris, puis le 13 novembre à Moscou. L'atmosphère au cours de cette dernière réunion était moins mauvaise. La première partie de session de 2015, en janvier prochain, donnera très probablement l'occasion à certains membres de l'APCE de contester les pouvoirs de la délégation russe et je ne peux vous affirmer qu'ils ne seront pas suivis par la majorité de l'Assemblée. Il est vrai que, pour revoir sa position, l'Assemblée a besoin de propositions constructives de la part de la délégation russe, ce qui n'a pas été le cas jusqu'à présent. Pour autant, je reste convaincue qu'il est préférable de dialoguer car la violence ne peut pas être une solution. J'ai également eu un entretien téléphonique avec le ministre ukrainien des affaires étrangères et je me rendrai en Ukraine en janvier prochain. Il est évident que la partie ukrainienne doit, elle aussi, réaliser certains efforts. De manière générale, le respect du cessez-le-feu dans le Donbass est un pré-requis à toute solution politique au conflit.

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