Un bank run prend deux jours, ou deux heures. Nous l'avons vu à Chypre. Pour le moment, il est écarté. Mais il faut rester vigilant. Nous sommes confrontés à un problème de liquidités et à un problème d'exemplarité car la situation grecque est scrutée. Mario Draghi affirme que les banques grecques sont solvables. S'il ne le disait pas, il ne pourrait les financer. Aujourd'hui, il leur accorde 500 millions par semaine.
Disons que la situation est un peu meilleure ailleurs... Le PIB allemand remonte. En Espagne, la baisse des salaires a débouché sur une augmentation des profits. C'est ce qui a permis au pays de repartir. Lorsque la dévaluation monétaire est impossible, il reste la dévaluation fiscale ou salariale. La zone euro se relève cahin-caha et devrait retrouver 1 % de croissance annuelle. L'Allemagne va mieux, l'Espagne également, l'Italie fait face à des problèmes considérables, elle est lente à redémarrer, tout comme la France.
Il n'y a rien à attendre de la politique monétaire ; le maximum a été fait puisque les taux d'intérêt à court terme sont nuls. La BCE achète pour 3 milliards de bons du trésor par jour. Elle mène une politique à l'américaine qui débouche sur des taux anormalement bas chez nous. Les États-Unis empruntent à 2 % ; la France à 0,5 % comme si notre dette était quatre fois plus sûre que la dette américaine... Malgré ces taux bas, les crédits ne repartent pas, les dépôts à vue enflent. Les ménages sont inquiets, les entreprises attendent. Il faudrait qu'elles investissent. Or, les seuls investissements actuels consistent en des rachats d'entreprises. Nous assistons ainsi à un mouvement de concentration considérable : les grandes entreprises rachètent les petites, les Chinois achètent les autres !
Nous ne sommes pas morts mais la guérison sera longue et difficile. La France souffre d'un problème de rentabilité du capital. Le rapport excédent brut d'exploitation sur valeur ajoutée s'établit à 29 %. En Allemagne, il est de six points supérieur. Cela change la donne ! La France est le mauvais élève de la zone euro parce que c'est une économie peu profitable. Il faut inverser la tendance même si cela est difficile politiquement. Les embauches sont à ce prix. Les entreprises doivent prendre des risques dans les biotechnologies, les nouvelles technologies, tout en sachant que ces secteurs sont très concurrentiels. Le gagnant rafle la mise. Les risques ne sont plus répartis comme autrefois.
Nous ne sommes pas « too big to fail », mais « too big to slow too much ». L'état de notre croissance inquiète nos partenaires. C'est pourquoi les réformes de structure sont nécessaires. Les critiques récentes adressées à la France portent sur le fait que notre sortie de crise est lente, or cela est lié au caractère administré de notre économie. En 2008, la France, à la différence de l'Allemagne, a voulu mettre en place des amortisseurs, comme le grand emprunt. En contrepartie, nous sortons aujourd'hui de la période moins gaillards et avec des taux de profit moindres. Il nous manque cinq points de PIB en valeur ajoutée !
Quelles que soient les mesures, les lois que nous pourrions imaginer, rien ne progressera si les profits n'augmentent pas. La reprise en exige plus que dans le passé. Les taux d'intérêt sont au plus bas, comme l'euro et le pétrole, mais cela ne suffit pas. Bref, la situation s'améliore, mais reste compliquée, même aux États-Unis.
En Grèce, le temps est compté, mais il est important, tant pour des raisons économiques que géostratégiques, de garder ce pays au sein de l'Europe. Un ministre grec n'a-t-il pas menacé de « faire en sorte que des hordes d'immigrants partent de Grèce pour venir en Europe » ? Tout le monde est sous pression, le ministre des finances plus que tout autre !
Ce qui est insupportable pour la France, c'est le retard par rapport à l'Allemagne et les similitudes avec l'Espagne. La France doit chercher à rejoindre l'Allemagne, avec un mot d'ordre : profit, profit, profit. Pardon pour cette péroraison triste !