Intervention de Jean Bizet

Commission des affaires européennes — Réunion du 26 novembre 2014 à 15h05
Institutions européennes — Suivi des résolutions européennes du sénat - communication de m. jean bizet

Photo de Jean BizetJean Bizet, président :

Mes chers collègues, je souhaite, à titre liminaire, évoquer devant vous le suivi des résolutions européennes adoptées par le Sénat, qui constitue un enjeu important.

Au titre de l'article 88-4 de la Constitution, nous adressons au Gouvernement nos positions sur les textes en discussion dans les instances européennes. Depuis la révision constitutionnelle de 2008, nous pouvons le faire désormais sur « tout document émanant d'une institution européenne ». C'est un élargissement important du champ des résolutions européennes dont le Sénat s'est saisi au cours de ces dernières années. Je pense en particulier à nos résolutions sur le vin rosé, sur les profils nutritionnels ou encore sur la procédure de révision des textes relatifs à la protection des données.

Encore faut-il que nous sachions ce que le Gouvernement fait de nos résolutions. Certes, dans notre système de séparation des pouvoirs, il n'est pas juridiquement tenu de s'y conformer. Il n'existe pas, comme dans certains États membres, de mandat de négociation auquel le Gouvernement doit obligatoirement se tenir. Mais au titre du contrôle exercé par le Sénat sur l'action européenne du Gouvernement, il est logique que nous disposions d'informations sur la position que celui-ci adopte dans les négociations européennes. Quel sort réserve-t-il à nos prises de position ? Au-delà, les résolutions européennes, quel que soit leur objet, doivent permettre un véritable dialogue avec l'exécutif.

Ce sujet, nous l'abordons depuis quelques années, de façon récurrente avec les ministres en charge des affaires européennes et avec le SGAE. Certains d'entre nous se souviennent que, lors de l'audition de M. Bernard Cazeneuve, alors en charge des affaires européennes, en juillet 2012, notre collègue Simon Sutour lui avait remis l'ensemble des résolutions adoptées par le Sénat ! Le précédent SGAE, M. Serge Guillon, avait fait part, au cours de son audition en février 2013, de son attachement à des relations transparentes et franches entre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif. Il avait indiqué qu'il demandait et utilisait de nombreuses résolutions pour définir les positions de la France dans la négociation européenne. Une telle démarche doit aider le Gouvernement. Il avait néanmoins reconnu que cette démarche n'était sans doute pas assez formalisée et, surtout, que le Gouvernement n'en rendait pas suffisamment compte au Sénat.

En juin 2013, le dispositif de suivi des résolutions européennes a été relancé. Il s'agit d'un suivi trimestriel. Le Gouvernement adresse à la commission des affaires européennes des fiches qui font un point sur l'état des négociations et sur la position française sur les questions ayant fait l'objet de la résolution. Les deux dernières fiches que nous avons reçues en octobre ont porté sur les biocarburants et sur le Mécanisme de résolution unique (MRU) destiné à traiter les faillites bancaires. Richard Yung nous parlera dans un instant de ce dernier sujet. Nous reviendrons sur la question importante des biocarburants dans une prochaine réunion.

Il faut souligner l'effort entrepris par le SGAE dans la mise en oeuvre de cette procédure. Au total, nous avons reçu treize fiches de suivi en 2014 contre cinq en 2013. Pour l'essentiel, elles nous ont été adressées fin août et fin octobre. Vous les trouverez dans le dossier qui vous a été remis. Nos rapporteurs en rendront compte devant la commission.

Je veux toutefois évoquer deux difficultés que soulève la procédure de suivi dans sa forme actuelle. D'abord, le SGAE nous adresse des fiches de suivi sur des résolutions qui ont porté sur un projet d'acte. Aussi nos résolutions qui ne portent pas sur un projet d'acte ne sont pas prises en compte, ce qui est assez déplaisant. Vous en trouverez la liste dans le tableau figurant au dossier. Des sujets aussi importants que les droits de plantation, les droits des consommateurs, la lutte contre le gaspillage alimentaire, les aides d'État aux aéroports régionaux, la citoyenneté européenne ou encore le dumping social dans les transports européens, sont précisément laissés de côté. Ce sont pourtant des sujets importants que l'on prend soin d'examiner très en amont !

Cette solution ne me paraît pas satisfaisante. La procédure de l'article 88-4 doit permettre un dialogue avec le Gouvernement sur tous les sujets européens dont le Sénat se saisit. La fiche de suivi n'est bien sûr qu'un instrument de ce dialogue. Mais elle peut constituer une source appréciable d'information. En outre, comme je l'ai indiqué précédemment, c'est la Constitution elle-même, depuis la révision de 2008, qui nous autorise à adopter des résolutions qui ne portent pas spécifiquement sur un texte européen. Un dialogue doit donc pouvoir se dérouler, à partir de la fiche de suivi, quelle que soit la base de notre résolution, projet d'acte ou simple document.

En deuxième lieu, le SGAE établit une fiche de suivi lorsque le texte a fait l'objet d'un accord politique au Conseil au cours du trimestre écoulé. On peut comprendre que cette circonstance donne une base plus solide pour faire un état de la négociation. Dans le même temps, elle conduit à ce que nous ayons des retours très tardifs sur nos résolutions. Comme vous pourrez le constater à la lecture du tableau, les fiches nous sont transmises un an, voire plus, après l'adoption de la résolution. En outre, la conclusion d'un accord politique signifie que la négociation est en voie d'être finalisée. Ce qui veut dire que nous n'avons plus la possibilité d'avoir un échange utile avec le Gouvernement sur son déroulement.

Je prendrai l'exemple de la protection des données personnelles. Le texte de la Commission européenne prend la forme d'un règlement qui sera d'application directe une fois adopté. Sur le rapport de Simon Sutour, nous avions adopté une résolution européenne, en mars 2013, qui souligne plusieurs priorités que le Sénat souhaitait voir prises en compte, notamment sur la question sensible du guichet unique. Depuis lors, la négociation s'est poursuivie. La nouvelle Commission souhaite la faire aboutir. Pouvons-nous attendre la conclusion d'un accord politique pour savoir ce qu'il est advenu de nos positions sur ce sujet sensible pour la protection des droits fondamentaux ?

Pour conclure, je veux à nouveau souligner que cette procédure de fiches de suivi n'est qu'un moyen, certes important, pour savoir ce que deviennent les résolutions que nous votons. Comme je l'avais indiqué lorsque nous avons débattu de notre programme de travail, je vous proposerai de procéder à l'audition des ministres avant des réunions du Conseil qui doivent aborder des questions ayant fait l'objet de résolutions du Sénat. Nous pourrons alors avoir un échange direct avec le Gouvernement sur l'état des négociations et la position qu'il entend défendre au Conseil.

Il importe ainsi de bien faire comprendre au Gouvernement que les positions arrêtées lors de nos débats ne doivent pas demeurer lettre morte et lui rappeler notre souhait qu'il se conforme à notre position. Si tel n'était pas le cas, il ne faudrait pas s'étonner que le Sénat ne suive pas la position du Gouvernement lorsqu'il présente un projet de loi de transposition. D'ailleurs, l'ensemble des sujets que notre Commission a abordés demande une réponse.

Je tiens enfin à souligner que le SGAE, qui rassemble des équipes qui suivent de près les dossiers, est un service de grande qualité. Notre dialogue doit donc être approfondi.

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