Intervention de Bernard Piras

Commission des affaires européennes — Réunion du 16 novembre 2011 : 1ère réunion
Nouvelles règles pour les aides publiques aux services d'intérêt économique général sieg proposition de résolution de m. bernard piras

Photo de Bernard PirasBernard Piras :

Le sujet dont j'ai été chargé concerne directement chacune de nos collectivités territoriales, et plus particulièrement le financement de nos services publics locaux. Chaque fois que nous accordons une subvention à une association, que nous déléguons la gestion d'un service public à un opérateur ou que nous passons un marché public de services, nous sommes susceptibles de relever de la législation communautaire en matière de concurrence, et plus particulièrement d'aides d'État.

Je résumerai les enjeux sous la forme de trois questions :

Dans quelles conditions les pouvoirs publics peuvent-ils aider à la fourniture de services publics relevant d'une activité économique ? A partir de quel moment cette aide est constitutive d'une aide d'État ? A quelles conditions une telle aide d'État peut-elle être autorisée par les traités européens ?

Ces trois questions sont actuellement réglées par la jurisprudence de la Cour de justice, en particulier l'arrêt Altmark du 24 juillet 2003, et ce que l'on appelle dans le jargon européen le paquet « Monti-Kroes » de 2005. La Commission européenne a présenté le 16 septembre dernier un paquet législatif composé de quatre textes tendant à réviser le paquet « Monti-Kroes ». Ce sont ces propositions que nous devons examiner aujourd'hui. Le calendrier est serré puisque la Commission européenne s'est fixé pour objectif leur adoption définitive avant la fin du mois de janvier 2012. Détail important, la Commission européenne statue seule dans cette affaire, les États membres et le Parlement européen étant simplement consultés.

Avant d'aller plus loin, un rapide retour sur l'état du droit est nécessaire.

La prise en compte de la spécificité des services publics par rapport aux lois du marché intérieur est un débat très ancien, la France ayant toujours été à la pointe. Chaque révision des traités a permis de faire avancer la reconnaissance de cette spécificité. L'adoption du traité de Lisbonne a permis de nouvelles avancées. Le protocole n° 26 annexé au traité sur le fonctionnement de l'Union européenne affirme ainsi le pouvoir discrétionnaire des autorités publiques pour fournir et organiser les services d'intérêt économique général (SIEG).

Toutefois, malgré les progrès réalisés pour affirmer la place singulière des services publics au sein du marché intérieur, une grande confusion et des incertitudes perdurent pour savoir quelles sont les règles applicables.

Pourquoi de telles difficultés ?

Tout d'abord, il y a la terminologie communautaire qui ne colle pas aux notions françaises habituelles. Quelques exemples parlent d'eux-mêmes.

Une « entreprise » au sens communautaire n'est pas une entreprise, mais un opérateur, public ou privé, à but lucratif ou non, qui gère un service public.

Un « service d'intérêt économique général » - SIEG - est une activité économique sur un marché potentiel confiée à un opérateur chargé d'obligations de service public.

Ensuite, ces notions ont des contours flous. La Commission européenne se refuse à définir précisément ce que sont les SIEG. Selon l'environnement économique, les traditions des États membres ou le contexte juridique, une prestation de services sera considérée ou non comme un SIEG.

Enfin, les SIEG sont soumis à un régime mixte. Les dispositions des traités en matière de concurrence s'appliquent aux SIEG, mais seulement dans la mesure où elles ne font pas échec à l'accomplissement en droit ou en fait de la mission particulière qui leur a été impartie (article 106 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne). Le développement des échanges ne doit pas être affecté dans une mesure contraire à l'intérêt de l'Union.

Cette architecture a abouti à une construction excessivement complexe, d'autant plus que sa mise en oeuvre est à la charge de milliers d'autorités locales qui ne possèdent pas toujours les moyens de la maîtriser.

Le tableau ci-après, je l'espère, vous aidera à comprendre le système actuel. Bien que schématique, et donc forcément incomplet, il présente l'état du droit ainsi que les principales modifications proposées par la Commission européenne.

(Ce tableau est accessible dans le document pdf consultable en haut de la présente page).

Adopté en 2005, le paquet dit « Monti-Kroes » a représenté sur le plan politique une véritable avancée en donnant une base juridique aux interventions économiques des collectivités territoriales au regard du droit communautaire de la concurrence.

Toutefois, cet ensemble de trois textes n'a pas résolu toutes les difficultés, loin de là. En réalité, depuis son adoption, la Commission européenne a multiplié les communications ou guide pratique pour mieux faire connaître et comprendre les règles du jeu. Elle a même ouvert un service d'information interactif pour répondre aux questions des acteurs de terrain. Je serais tenté de dire en vain, car le ressenti ne s'est pas amélioré. Du côté français, un effort similaire de pédagogie a été fait via des circulaires ou des guides élaborés par les associations d'élus.

Mais le problème ne se réduit pas à un déficit de clarté et de communication. Des difficultés de fond existent, la Commission européenne ne parvenant pas à abandonner son mode de raisonnement habituel en matière de concurrence. Elle calque ses concepts sur des services publics locaux qui n'ont pas grand-chose à voir avec des entreprises actives sur le marché intérieur... Ainsi, la notion-clé de l'affectation des échanges entre États membres ne dépend pas, selon les termes de la Commission, du « caractère local ou régional du service fourni ou du niveau de l'activité concernée ».

Enfin, comme me l'a expliqué le représentant de la fédération des entreprises publiques locales, il existe un fort aléa moral. En cas de non-application de ces règles par les autorités publiques, le risque financier pèse quasi-exclusivement sur les opérateurs qui risquent de voir leurs compensations de service public requalifiées en aides d'État. Et par conséquent être dans l'obligation de rembourser le trop-perçu.

Consciente de ces imperfections, la Commission européenne a annoncé le 3 mars 2011 sa volonté de réviser le paquet « Monti-Kroes ». La « clarification », la « simplification » et « une approche différenciée et proportionnée » étaient les objectifs affichés.

Tenant ses engagements, la Commission a donc présenté le 16 septembre 2011 un nouveau paquet soumis à consultation. Il se compose de quatre documents : une communication, une proposition de règlement de minimis spécifique aux SIEG, une nouvelle proposition de décision d'exemption de notification et un projet d'Encadrement communautaire des aides d'État sous forme de compensations de service public.

Quelles seraient les modifications introduites par ces textes ?

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