Les émirats pétroliers du Golfe ont une obligation évidente pour l'avenir : préparer l'après pétrole. Développer l'aviation civile est une des stratégies mises en place à cette fin. Les enjeux sont déjà considérables, ils seront incomparablement plus graves si l'Union européenne et ses États membres continuent à laisser faire.
Mais commençons par le commencement : l'offre de billets permettant de rejoindre l'Asie méridionale moyennant une escale dans le Golfe, avec une combinaison de tarifs et de prestations incompatibles avec l'environnement économique des compagnies européennes. Le résultat ne s'est pas fait attendre : les liaisons concernées deviennent de plus en plus l'apanage des trois compagnies Emirates, Etihad et Qatar Airways. L'Australie et la Nouvelle-Zélande ne sont aujourd'hui desservies en direct depuis l'Europe que par Virgin Atlantic et British Airways, deux compagnies britanniques ayant l'une et l'autre des liens capitalistiques avec celles du Golfe, respectivement Etihad et Qatar Airways.
Assez vite cependant, la soif de nouveaux clients à transporter s'est traduite par la recherche de liaisons supplémentaires permettant de drainer toujours plus de voyageurs. Comment faire ? C'est simple : aux liaisons habituelles depuis les hubs européens, il suffit d'ajouter des vols reliant deux grands aéroports régionaux non à leur hub national, mais à ceux du Golfe. Reste à obtenir ces autorisations d'un type totalement nouveau, pour ne pas dire dérogatoire à la desserte purement nationale des aéroports régionaux.
J'en viens à la troisième étape : l'acquisition directe de participations dans le capital de compagnies européennes. Il ne s'agit plus cette fois d'aspirer une partie de la clientèle, ni même simplement d'ajouter quelques voies de chalandage supplémentaires, mais de devenir directement opérateur de transport aérien dans un espace géographique extérieur au Golfe. L'exemple habituellement cité en premier lieu est celui d'Alitalia : formellement, la compagnie historique italienne existe toujours, mais Etihad possède quasiment la moitié de son capital. Bref, les décisions stratégiques ne se prennent plus à Rome. Le cas de British Airways mérite également d'être examiné à l'aune de cette politique d'investissement. En effet, lorsque l'apparition de vols directs entre les États-Unis et l'Europe a provoqué l'émoi de trois compagnies aéronautiques américaines, British Airways a pris fait et cause pour leurs concurrentes du Golfe. Comment ne pas y voir un lien avec l'investissement réalisé par Qatar Airways, qui détient 10 % du capital d'IAG, qui est la société holding possédant tout à la fois British Airways, Iberia et Vueling ?