Contrairement aux opérateurs du Golfe, les compagnies low cost n'ont pas besoin d'investir dans l'espace européen pour s'y trouver, puisqu'elles y ont vu le jour !
C'est le « troisième paquet aérien » qui leur a donné les moyens de voler à grande échelle, en mettant fin aux monopoles nationaux qui régnaient jusque-là en maîtres sur leurs espaces historiques respectifs. Ainsi, de très nombreux citoyens européens ont pu prendre la voie des airs grâce à des tarifs accessibles au plus grand nombre. Il est difficile de ne pas saluer une semblable démocratisation du secteur.
Tout est-il parfait pour autant ? Hélas, non ! Ainsi que le président Jean Bizet l'a indiqué, les objections à la gestion très particulière du personnel vous seront exposées par notre collègue Éric Bocquet. Je me bornerai donc aux deux autres aspects : la captation de subventions et l'évitement face aux impôts.
Pratiquer une politique tarifaire imbattable conduit logiquement à des pertes d'exploitation. Sinon, les liaisons auraient existé depuis longtemps. Pour résoudre ce qui s'apparente à la quadrature du cercle, la principale compagnie low cost européenne - qui est également la principale compagnie aéronautique en Europe toutes catégories confondues - a trouvé une solution simple, sinon moralement admirable. Le montage est le suivant : la desserte de tel aéroport est conditionnée par la souscription d'une prétendue « prestation de services » rémunérée au prix fort. L'aéroport concerné doit donc verser une très substantielle somme d'argent à la filiale de Ryanair dénommée Airport Marketing Services. Théoriquement, cette filiale spécialisée fait de la publicité sur Internet afin d'accroître l'attractivité du territoire où se trouve l'aéroport. Concrètement, la publicité en question se trouve sur le site de Ryanair ; elle est accessible aux personnes ayant manifesté leur intérêt pour la plate-forme concernée.
Qu'arrive-t-il trop souvent ? Après un certain temps, l'intervention d'Airport Marketing Services paraît insuffisamment rémunérée aux gestionnaires de la compagnie. Une majoration est donc proposée, ou plutôt exigée, car tout refus est immédiatement sanctionné par l'arrêt de la desserte. Certains aéroports se trouvent donc brutalement privés de la seule compagnie dont les avions s'y posaient. Pour éviter cette conséquence désagréable, les collectivités territoriales acceptent souvent de payer plus cher, afin de soutenir le développement économique local. Le rôle d'Airport Marketing Services ne doit surtout pas être sous-estimé dans la galaxie de Ryanair, puisque les sommes drainées par cette structure extrêmement légère sont supérieures aux bénéfices du groupe ! En pratique, l'activité aérienne de Ryanair est déficitaire, mais tout va mieux grâce à la rémunération gargantuesque obtenue par cette filiale, unique en son genre dans le monde aérien.
Pour limiter toutefois le déficit de son activité aérienne, Ryanair a fait preuve d'une ingéniosité parfois coupable dans la recherche de bas prix de revient. Je me contenterai maintenant d'évoquer l'une des principales dépenses des compagnies aériennes : la gestion de la flotte. Ryanair ne possède pas d'avion, mais deux filiales sur l'île de Man et une multitude de filiales habituellement domiciliées dans l'État du Delaware. Ce dernier point ressort des auditions auxquelles nous avons procédé. La combinaison de ces deux paradis fiscaux permettant d'échapper à pratiquement toute imposition des avions, actif économique majeur s'il en est pour toute compagnie aérienne.
Enfin, je déplore solennellement que notre compagnie historique, Air France, réduise la desserte interne de notre pays. Un exemple emblématique est fourni avec la suppression annoncée de toute liaison aérienne entre la capitale de la France et le siège du Parlement européen ! En effet, la ligne Paris-Strasbourg disparaîtra prochainement, au motif que l'accélération programmée des liaisons par train pourrait éventuellement réduire la fréquentation par voie des airs. On croit rêver ! Comment défendre encore la place de Strasbourg comme capitale européenne ?
Je vais maintenant passer la parole à Éric Bocquet, pour qu'il vous présente la façon dont Ryanair et certains autres opérateurs low cost gèrent leurs ressources humaines avec un sens affirmé de l'économie.