Intervention de Simon Sutour

Commission des affaires européennes — Réunion du 12 décembre 2012 : 1ère réunion
Energie — La sûreté des installations nucléaires - point d'actualité de m. simon sutour

Photo de Simon SutourSimon Sutour :

Jean Bizet qui ne peut être présent aujourd'hui a donné son accord à cette communication, qui exprime notre point de vue commun, sur la sûreté nucléaire.

Depuis le lancement dans les années 1970 d'un grand programme d'équipement nucléaire, la France s'est dotée d'un dispositif couvrant les différents aspects de la sûreté. L'accident de Fukushima a ravivé les craintes et donné lieu à de nouvelles évaluations décidées au niveau national et poursuivies au niveau européen.

Avec 58 réacteurs nucléaires en activité, la France possède une longue expérience des risques et de leur prévention. Ces risques peuvent se matérialiser par un accident industriel comme à Three Miles Island en 1979 ou à Tchernobyl en 1986, ou être dus à une catastrophe naturelle comme à Fukushima en 2011. Ces risques peuvent aussi être liés au transport des produits dangereux et à des effets directs sur l'environnement comme le réchauffement des rivières et des fleuves dont l'eau est utilisée comme liquide de refroidissement. Il convient en outre d'assurer la gestion des déchets radioactifs à très long terme et le démantèlement des centrales en fin de vie comme ce sera bientôt fait à Fessenheim.

Les lois du 13 juin 2006 relative à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire et celle du 28 juin de la même année relative à la gestion durable des matières et déchets radioactifs reposent toutes deux sur le principe de précaution en vertu duquel l'absence de certitudes sur la probabilité d'un risque ne doit jamais retarder l'adoption de mesures préventives efficaces et proportionnées.

Les risques nés de l'énergie nucléaire inquiètent l'opinion publique, et l'attitude adoptée par les autorités françaises, lors du passage du nuage de Tchernobyl en 1986, a suscité une méfiance durable. Pour rétablir la confiance, la loi du 13 juin 2006 a prévu une information transparente et a créé l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN), autorité administrative indépendante assurant la régulation des activités nucléaires civiles ainsi que le Haut comité pour la transparence et l'information sur la sécurité nucléaire (HCTISN) en charge de l'information et la concertation au niveau local.

Parmi les acteurs de la sécurité nucléaire figurent aussi - et en premier lieu - l'État, qui dispose du pouvoir réglementaire d'autorisation et de démantèlement des installations, l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), créé en 2001, chargé d'une mission de veille, de recherche et d'expertise, l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (ANDRA), créée en 1991 pour assurer la gestion à long terme des déchets, et les commissions locales d'information (CLI) placées auprès de chaque site nucléaire.

L'Autorité de sûreté nucléaire est consultée, pour avis, sur les projets de décrets et d'arrêtés et contrôle les installations, décidant à ce titre d'autoriser tous les dix ans la poursuite du fonctionnement de chaque réacteur. Elle est en outre en charge de l'information du public, autant pour prévenir que pour gérer les situations de crise.

Outre ces acteurs nationaux, il faut compter avec les instances internationales : l'Euratom, qui dépend de la Commission européenne, chargé de coordonner les programmes européens de recherche, l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), émanation de l'ONU qui promeut le nucléaire civil et limite la prolifération dans le domaine militaire, l'Agence pour l'énergie nucléaire (AEN), organe spécialisé de l'OCDE, et enfin et surtout l'ENSREG (groupement européen des autorités de sûreté nucléaire) rassemblant les agences nationales des vingt-sept États membres.

En France, l'accident de Fukushima a donné lieu à un audit général des installations. Des évaluations complémentaires ont été menées pour réévaluer les marges de sûreté des installations en cas de phénomènes naturels extrêmes à partir d'un cahier des charges établi par l'ASN en collaboration avec le HCTISN. À la demande du Conseil européen de mars 2011, sont venus s'ajouter des stress tests de tous les réacteurs européens, réalisés en trois phases : une auto-évaluation par les exploitants des sites, l'établissement de rapports nationaux par les autorités nucléaires nationales et enfin une évaluation par des équipes multinationales de l'ENSREG.

À l'issue des évaluations complémentaires, l'ASN a considéré que les installations françaises examinées présentaient un niveau de sûreté suffisant et n'a donc demandé l'arrêt d'aucune d'entre elles. Elle a toutefois estimé que la poursuite de leur exploitation nécessitait d'augmenter, dans les meilleurs délais, leur robustesse face à des situations extrêmes. Dans son rapport, l'ASN n'a pas manqué d'insister sur le fait que l'éventuelle poursuite du fonctionnement des réacteurs au-delà de 40 ans nécessiterait des améliorations significatives en particulier pour faire face aux risques d'accidents graves.

La revue croisée des rapports nationaux, menée au niveau européen jusqu'en juin 2012 relève, pour la France, des faiblesses des groupes électrogènes ou des bunkers de commande de secours, une insuffisance des procédures de crise et l'absence ou la mauvaise prise en compte du risque sismique. Elle indique, à l'inverse, que la France dispose de recombineurs d'hydrogène qui auraient pu atténuer fortement l'accident de Fukushima si la centrale en avait été dotée.

Les conclusions de l'ASN n'ont pas été remises en cause dans le rapport de l'ENSREG du 26 avril 2012 qui estime que les évaluations de l'ASN sont complètes et donne un satisfecit à la France pour les mesures supplémentaires de sûreté décidées à cette occasion.

Afin d'assurer le suivi de ses recommandations, l'ENSREG a élaboré un plan d'actions adopté par la Commission le 25 juillet 2012 dernier et entré en vigueur le 1er août. C'est dans ce cadre que des visites ont eu lieu en septembre en France, l'Autorité de sûreté française ayant proposé des visites additionnelles à Cattenom, Chooz et Fessenheim. Tous les documents ont, dans une grande transparence, été rendus publics sur le site de l'ASN et de l'ENSREG. L'ensemble de ces tests de résistance, qui a mobilisé en France plusieurs milliers d'hommes-jour, a représenté un effort humain et financier sans précédent dans l'histoire de l'énergie nucléaire.

La sûreté de nos centrales nucléaires en est sortie confortée. Les 32 prescriptions de l'ASN transmises aux centrales appellent une mise en oeuvre sur plusieurs années, selon une logique d'amélioration continue. Le gouvernement s'est quant à lui engagé à veiller à ce que les exploitants s'y conforment rigoureusement et intégralement. Ces recommandations entraînent un surcoût de 10 milliards d'euros dont la moitié figurait déjà dans le programme initial de maintenance et d'investissement.

Dans ce contexte, la communication de la Commission du 3 octobre 2012 a surpris en donnant une interprétation partiale des tests de résistance. C'est elle qui a fait réagir Jean Bizet et moi-même.

La Commission s'est en effet contentée de présenter les recommandations d'améliorations sous la forme d'un tableau général simplifié et purement statistique. Cette présentation était particulièrement sévère pour les installations françaises - les plus nombreuses - qui recevaient le plus grand nombre de croix. Ce faisant, la Commission a nui à la crédibilité des autorités de contrôle dont elle utilisait les données pour aboutir à des conclusions différentes.

Cette attitude ne m'a étonné qu'à moitié car, lors de la réunion des présidents de commissions à Chypre, le commissaire européen à l'énergie, Günther Oettinger, avait fait un long exposé sur l'avenir énergique de l'Europe sans mentionner une seule fois le nucléaire, ce qui m'avait amené à réagir. Ce parti pris explique sans doute cette communication simplificatrice de la Commission qui a toutefois été corrigée grâce à l'intervention des autorités françaises, relayées par la Grande-Bretagne, la République tchèque, la Suède et la Finlande.

Au Parlement européen, le commissaire a été malmené aussi bien par ceux qui estimaient qu'il n'était pas allé assez loin que par ceux qui lui reprochaient d'avoir occulté l'excellent travail des autorités de sûreté et de l'ENSREG. Nous estimons, pour notre part, que le commissaire n'avait ni à instaurer un rapport de force avec les autorités nationales, ni à vouloir transposer, dans l'appréciation des tests de résistance, les clivages politiques légitimes qui existent à propos du nucléaire.

Il faut tenir compte des réalités. Le coût de l'électricité nucléaire est un facteur de compétitivité de notre industrie et cette énergie émet très peu de CO2. En outre, compte tenu de sa dépendance énergétique, l'Europe a clairement intérêt à ne se priver d'aucune ressource. La question du nucléaire doit donc être abordée en pesant bien tous ses aspects.

En tout état de cause, les installations nucléaires sont là, et il faut sans relâche veiller à ce qu'elles soient toujours plus sûres. Il faut laisser les autorités indépendantes faire leur travail, puis mettre en oeuvre leurs recommandations. La Commission n'a pas à interférer dans les choix de structures énergétiques de chaque pays qui, aux termes des traités, relèvent explicitement de compétences nationales.

En débutant ce travail avec Jean Bizet il y a un an et demi, nous étions partis d'une interrogation sur la création d'une ASN européenne. La rencontre avec l'ancien président de l'agence nous a fait changer d'avis. Mieux vaut une coordination au travers de l'ENSREG dans la mesure où toutes les autorités nationales ne sont pas aussi indépendantes du pouvoir que l'ASN. En revanche, l'harmonisation européenne est souhaitable car un accident survenant dans un pays a des conséquences sur les autres.

J'ai vraiment été outré par les propos du commissaire Oettinger à Chypre.

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