C'est aujourd'hui notre dernière réunion de l'année sous ce format. La semaine prochaine, nous nous joindrons à la commission des affaires européennes de l'Assemblée nationale pour entendre les ministres des affaires européennes français et allemand nous rendre compte du Conseil européen.
Le groupe « subsidiarité » vient de se réunir. Il propose de confier à Catherine Morin-Dessailly la rédaction d'une proposition de résolution portant avis motivé sur la proposition de directive relative à l'accessibilité des sites web publics aux personnes handicapées.
Le bureau de la commission, qui s'est réuni la semaine dernière, propose de nommer Sophie Joissains rapporteur sur l'effectivité des sanctions européennes, Alain Bertrand sur la politique européenne de la montagne, Jean Bizet sur la rationalisation des agences nationales dans une perspective européenne, Alain Richard et Jean Bizet sur le nouveau contexte institutionnel lié aux échéances de 2014, Eric Bocquet sur la situation des travailleurs détachés, Fabienne Keller sur le risque de fracture Nord-Sud en Europe, et Roland Ries sur les orientations de la construction européenne, car notre collègue a souhaité que nous ne nous contentions pas d'aborder des sujets ponctuels, mais que nous réfléchissions aussi aux perspectives politiques de l'Europe.
Enfin, Gérard César et moi-même pourrions vous présenter en janvier une proposition de résolution sur les droits de plantation.
Il en est ainsi décidé.
Comme vous le savez, la Commission européenne a attaqué devant la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) le système allemand de holding regroupant le gestionnaire d'infrastructures et le transporteur, mais l'avocat général s'est déclaré favorable à l'Allemagne. La Cour devrait rendre sa décision prochainement. La Commission a aussi annoncé un quatrième « paquet ferroviaire ». Roland Ries, notre spécialiste, va nous éclairer sur ces thèmes.
Le sujet est sensible, puisqu'il s'agit de la gouvernance des chemins de fer en France, en Allemagne et dans toute l'Europe.
Je commencerai par un rappel historique : la loi d'orientation des transports intérieurs (Loti) de 1982 a créé un établissement public industriel et commercial, nommé SNCF, à compter du 1er janvier 1983. Les autres États membres disposaient alors eux aussi d'un opérateur unique, chargé des infrastructures et des transports.
Dans ce contexte, la Communauté économique européenne a adopté la directive 91/440 du 29 juillet 1991 tendant à développer les chemins de fer communautaires. La philosophie du dispositif peut être résumée ainsi : créer à terme un marché unique de transport ferroviaire en augmentant le trafic, grâce à une baisse des prix occasionnée par l'introduction de la concurrence dans une activité marquée jusque-là par la coexistence de monopoles géographiques. L'article premier de cette directive mérite une citation exhaustive :
« La présente directive vise à faciliter l'adaptation des chemins de fer communautaires aux exigences du marché unique et à accroître leur efficacité :
- par la garantie de l'indépendance de gestion des entreprises ferroviaires ;
- par la séparation de la gestion de l'infrastructure ferroviaire et de l'exploitation des services de transport des entreprises ferroviaires, la séparation comptable étant obligatoire, la séparation organique ou institutionnelle facultative ;
- par l'assainissement de la structure financière des entreprises ferroviaires ;
- par la garantie de droits d'accès aux réseaux ferroviaires des États membres pour les regroupements internationaux d'entreprises ferroviaires effectuant des transports combinés internationaux de marchandises. »
Les États membres étaient donc libres d'opter pour l'organisation de leur choix, à condition de séparer les activités de gestion des infrastructures et de transport au moins sur le plan comptable, et de ne pas entraver l'ouverture à la concurrence du fret ferroviaire. L'article 6 enfonçait les clous : « Les États membres peuvent en outre prévoir que cette séparation comporte des divisions organiques distinctes au sein d'une même entreprise ou que la gestion de l'infrastructure est assurée par une entité distincte. » On ne saurait être plus explicite ! Malgré l'obligation d'assainir la structure financière des opérateurs historiques, les États pouvaient ou non reprendre leur dette.
Par la suite, d'autres textes ont complété cette directive sans en altérer l'esprit. Ainsi, la directive 95/18 régit l'attribution des licences requises pour exercer une activité ferroviaire, la directive 95/19 organisant l'attribution des sillons et le versement des redevances correspondantes.
La suite de la législation communautaire sur ce sujet est scandée par trois « paquets ferroviaires ».
Le premier, qui date de février 2001, ouvrait partiellement le fret transeuropéen à la concurrence, par deux directives. Il modifiait la directive 91/440 pour que la répartition des sillons, l'établissement des redevances d'usage et la délivrance des licences relèvent d'organismes indépendants des exploitants de transports, là encore sans imposer de structure spécifique. En outre, une séparation fut introduite entre les comptabilités du fret et des passagers, chacune de ces activités devant équilibrer ses charges. On voulait éviter ainsi que d'éventuels excédents dégagés sur le transport de passagers ne subventionnent le fret, faussant ainsi les conditions concurrentielles. Rappelons que le fret seul était partiellement ouvert à la concurrence, le transport de passagers restant national. Enfin, la directive 2011/12 imposait aux États membres de créer un organisme de contrôle, chargé de veiller à l'absence de pratique discriminatoire.
En avril 2004, le deuxième « paquet » comportait quatre textes, dont deux avaient une réelle portée : un règlement créant à Valenciennes une agence ferroviaire européenne et une directive achevant en deux temps l'ouverture du fret à la concurrence jusque sur les liaisons nationales.
Le troisième « paquet ferroviaire » comportait pour sa part une directive de portée considérable, puisqu'elle introduisait l'ouverture à la concurrence des transports internationaux de passagers, les transports internes restant l'apanage de monopoles nationaux.
L'Allemagne a choisi une structure en holding, la société Deutsche Bahn chapeautant plusieurs filiales, dont l'opérateur de réseau DB Netz. La Deutsche Bahn fut créée le 1er janvier 1994, par fusion de la Deutsche Bundesbahn de l'ex-RFA et de la Deutsche Reichsbahn de l'ancienne RDA. Conformément aux exigences communautaires, une autorité de supervision fut instituée, l'Eisenbahn-Bundesamt (EBA). J'ajoute que l'État allemand a repris en 1994 la dette de la Deutsche Bahn, soit 35 milliards d'euros, et qu'il lui verse une subvention pour compenser les coûts supplémentaires dus au statut des cheminots allemands. Ces deux éléments, essentiels pour l'équilibre des comptes de l'opérateur germanique, distinguent radicalement ce qui se passe de part et d'autre du Rhin, puisque les chemins de fer allemands ont ainsi économisé plus de 64 milliards d'euros depuis 1994. Ces chiffres proviennent d'un rapport de la Cour des comptes significativement intitulé : « Le réseau ferroviaire. Une réforme inachevée, une stratégie incertaine. »
La France a suivi une trajectoire unique au sein de l'Union européenne. Dans un premier temps, la transposition de la directive 91/440 s'est traduite par une modification a minima de notre droit : une simple distinction dans la comptabilité de la SNCF entre exploitation des transports et gestion de l'infrastructure. Cette situation aurait pu durer longtemps, mais la perspective de l'euro changea la donne, puisque l'encours de la dette publique au sens du traité de Maastricht devait impérativement rester inférieur à 60 % du PIB. Il fallait donc clarifier le statut comptable des milliards de francs empruntés par la SNCF. Toute reprise de la dette ferroviaire par l'État étant exclue, la loi du 13 février 1997 a créé une structure à cette fin. RFF est l'enfant improbable d'un père, d'une mère et d'une comparse : le père est le redressement des comptes publics, la mère est l'ouverture à la concurrence du fret ferroviaire et la comparse est la séparation organique entre gestion de l'infrastructure et exploitation des transports. Cette scission justifiait en effet d'attribuer à RFF un patrimoine propre lui permettant de percevoir des revenus utilisés pour amortir la dette en la sortant du champ de l'endettement public au sens de Maastricht. Les redevances excédant la moitié de ses charges, RFF est considéré comme une entreprise du secteur marchand, hors des administrations publiques au sens du traité de Maastricht.
Néanmoins, directive 91/440 oblige, RFF devait aussi entretenir et développer le réseau ferré. Or, malgré sa dénomination, le nouvel être hybride n'avait pas été conçu dans le but de gérer les infrastructures. Et la dévolution patrimoniale, organisée à l'article 5 de la loi du 13 février 1997, n'était pas motivée par un projet ferroviaire. À titre d'exemples, citons trois curiosités. Tout d'abord, la valorisation à 148 milliards de francs du patrimoine transféré de la SNCF vers RFF était « forfaitaire ». Dire qu'elle avait été réalisée au doigt mouillé serait assurément moins littéraire, mais plus parlant et plus sincère, selon le terme utilisé par les comptables. Le montant avait sans doute pour vertu principale d'être supérieur à la dette transférée, soit 134 milliards de francs. Ensuite, selon leur orientation parallèle ou perpendiculaire aux voies, les quais ont été ou non transférés à RFF. Enfin, les cours des gares ont également connu des sorts différents selon qu'elles servaient aux passagers ou au fret. Ces distinctions byzantines prennent tout leur sens lorsqu'on sait que la SNCF ne disposait d'aucun inventaire patrimonial informatisé !
Pour l'entretien et la construction des voies, les doublons se sont multipliés. Afin de maintenir un minimum de cohérence, la maîtrise d'oeuvre est déléguée par RFF à la SNCF, en vertu de la loi de 1997. La prestation de la SNCF est facturée forfaitairement ! Une sorte d'habitude, apparemment addictive, dans les relations sui generis entre la SNCF et RFF... Mais il reste que les ingénieurs de projets de RFF ont pour principale mission de superviser, voire de refaire, ce que font leurs homologues de la SNCF. Ainsi, l'opérateur historique prépare les dossiers d'investissement au titre de la maîtrise d'ouvrage déléguée, puis la contre-expertise effectuée par RFF précède l'examen ministériel ! Au total, 55 000 personnes employées par la SNCF travaillent en fait pour RFF. Depuis avril 2009, les intéressés sont affectés à la branche « Gares et connexions » de la SNCF.
Cette organisation a le mérite de préserver la sécurité du réseau ferré, mais elle est une source évidente de frottements, pour ne pas dire de « conflits », entre les deux sociétés et de surcoûts pour la collectivité, donc pour les usagers. Cette situation a été critiquée par la Cour des comptes. De son côté, l'Institut fédéral polytechnique de Lausanne a réalisé en 2005, 2007 et 2011 trois audits, à la demande conjointe de la SNCF et de RFF. Tous trois ont débouché sur des rapports critiques, dont le dernier fut publié en septembre 2012.
Il n'est donc pas surprenant que le Gouvernement ait annoncé récemment une rationalisation des structures, sans rapatriement de la dette ferroviaire dans le giron de l'État. Bien que l'architecture du projet n'ait pas été entièrement dévoilée, je constate avec satisfaction que le Gouvernement a rejoint les analyses que j'ai présentées ici même le 10 mai 2011, à l'occasion d'un débat sur les projets de la Commission européenne. J'avais alors suggéré de revenir sur la séparation entre gestionnaire d'infrastructure et entreprise ferroviaire, où je voyais plus d'inconvénients que d'avantages. Ma proposition de résolution insistait sur le fait que la séparation radicale n'était pas la seule voie ouverte. J'avais en outre mentionné la nécessité d'assurer le bon fonctionnement du couple franco-allemand.
Il n'est pas question de copier purement et simplement le système d'Outre-Rhin, notamment sur le plan financier, puisqu'aucune reprise de dette n'est envisagée, non plus que le versement d'une subvention compensant les surcoûts induits par le statut des cheminots. A fortiori, nul ne songe à mettre en extinction le statut des cheminots français ! Les trains ne circuleraient plus... Il reste que les responsables ferroviaires des deux États doivent se montrer unis face à une Commission déterminée à imposer ses vues.
Le contentieux engagé par la Commission européenne contre l'Allemagne devrait connaître très prochainement son épilogue, puisque l'avocat général, M. Nilo Jääskinen, a présenté ses conclusions le 6 septembre 2012. Sans surprise, il a constaté que l'Allemagne n'avait violé aucune prescription communautaire en instituant des entités distinctes coordonnées par une holding. Il a estimé que la composition partiellement identique des conseils d'administration ne mettait pas en cause l'indépendance du gestionnaire de réseau, puisque la loi allemande impose fort logiquement aux administrateurs de défendre l'intérêt de la société dont ils examinent la gestion, sans se laisser distraire par d'autres mandats sociaux. À vrai dire, certains griefs de la Commission européenne sont déroutants : elle reproche par exemple à DB Netz d'équilibrer ses comptes sans subvention publique ! Sur le plan juridique, il n'a évidemment jamais été imposé au gestionnaire d'être déficitaire. Et dans le contexte actuel, que la Commission européenne reproche à une entité publique de ne pas peser sur l'équilibre des comptes publics laisse sans voix... Fort logiquement, M. Jääskinen a balayé le grief, tout comme les autres, bien qu'ils n'aient pas tous été aussi étranges.
Mais la Commission n'a pas renoncé à imposer son point de vue par un quatrième « paquet ferroviaire », à en juger par les révélations faites par la presse depuis une semaine. Le principe de subsidiarité devrait pourtant s'opposer à ce que Bruxelles impose à tous les États membres une séparation organique et en précise de surcroît les modalités ! Il suffit d'assurer un accès équitable et non discriminatoire aux infrastructures. Pour me limiter au cas français, je rappelle que la loi du 8 décembre 2009 relative à l'organisation et à la régulation des transports ferroviaires, dite « loi ORTF », a confié cette responsabilité à l'Autorité de régulation des activités ferroviaires (ARAF). Que veut-on de plus ?
Les voies ferrées, d'importance primordiale pour l'économie de tout le continent, doivent satisfaire à des exigences draconiennes de sécurité. Il est heureux que la SNCF soit aujourd'hui maître d'oeuvre et souvent maître d'ouvrage délégué, car la sécurité n'est vraiment garantie que lorsque l'organisme en charge des transports joue un rôle de premier plan, au moins dans la préparation des travaux. Ceux qui en doutent devraient méditer cet extrait du rapport de la Cour des comptes : « Compte tenu de moyens limités malgré une forte croissance de ses effectifs affectés à la maîtrise d'ouvrage, RFF l'a généralement déléguée à la SNCF mais critique régulièrement les défauts supposés de son mandataire », notamment la « préférence marquée pour des solutions techniquement robustes mais trop coûteuses ». À juste titre, les magistrats de la Cour observent que « ces critiques ne sont pas toujours fondées ou ne le sont plus pour certaines. Les solutions robustes sont parfois bien préférables. » La sécurité des passagers doit être l'impératif premier. Développer la concurrence n'est envisageable qu'une fois ce préalable assuré.
De même, il me paraît inacceptable que la Commission européenne passe sous silence les enjeux sociaux, alors que le dumping social engendrait une concurrence opposant des statuts, non des entreprises. Si l'on n'y prend garde, des opérateurs privés gagneront des parts de marché, sans qu'un seul train supplémentaire ne circule ! D'ailleurs, l'ouverture du fret à la concurrence n'a pas eu l'effet stimulateur escompté, puisque ce trafic a stagné, contrairement au transport de passagers sur lignes à grande vitesse, resté monopole national.
Il est indispensable que le quatrième paquet ferroviaire ait pour pierres angulaires la sécurité des usagers et le maintien du statut des cheminots, dont il est permis d'envisager l'actualisation, non la remise en cause. À ces conditions, il sera possible de développer le recours au chemin de fer, pour le plus grand bien des économies européennes et du développement durable.
J'ai suivi ce dossier de près à la commission des affaires économiques - en particulier lors de l'examen de la loi relative à l'organisation et à la régulation des transports ferroviaires de 2009 - et en tant qu'administrateur de la SNCF pendant deux ans.
Vous savez que je ne partage pas la philosophie de Roland Ries. On ne développera pas le transport ferroviaire sans concurrence. L'utilisation du réseau français porte à 90 % sur la moitié de celui-ci. Une partie sert au transport régional, dans le cadre de contrats avec les régions. Une holding déciderait de tout, de la direction des circulations comme de l'avenir des infrastructures. La loi de 1997 a séparé ces deux activités. Certes, il s'agissait à l'époque de diminuer la dette publique, dont personne ne veut. Il n'y a pas de solution miracle à l'endettement, mais comparons ce qui est comparable lorsque nous abordons les structures, RFF emploie 1 500 salariés, la SNCF 150 000 !
Je n'ignore pas les tensions entre MM. Pépy et du Mesnil ; je sais que la SNCF ne voit pas d'un bon oeil l'ouverture à la concurrence.
Il est pourtant impossible d'ouvrir le transport ferroviaire à la concurrence en laissant à l'un des opérateurs le monopole de la distribution des sillons ! Je partage la philosophie de la Commission européenne, sans prévention contre la SNCF, où l'on travaille bien.
RFF doit disposer du personnel nécessaire à la gestion des infrastructures - je rappelle que pendant cinq ans, on a dépensé 1 milliard d'euros par an au lieu de 500 millions, notamment pour la régénération des lignes anciennes dont l'Institut polytechnique de Lausanne avait souligné les défaillances - mais aussi pour la direction des circulations. Les entreprises privées ne veulent pas entrer sur un marché où la SNCF décide de tout... Si des agents de la SNCF continuent à réaliser des travaux d'infrastructures, c'est parce qu'ils ne voulaient pas être transférés à RFF. Ils auraient pourtant pu l'être sans changer de statut ! Certes, la loi dispose que la direction de la circulation n'est pas placée sous l'autorité du directeur de la SNCF, mais quand on travaille dans la même maison... Sans doute l'Araf peut-elle faire des recommandations, mais je répète qu'une holding, parfois souhaitable dans l'industrie, ne l'est pas ici.
Quant au fret ferroviaire, en diminution, il n'a d'intérêt véritable que pour les longues distances, d'Allemagne en Espagne par exemple. Transporter des céréales sur 100 kilomètres crée des ruptures de charges qui effacent les économies de carburant.
L'ouverture à la concurrence ne concerne que le fret et les grandes lignes. Francis Grignon étudiait dans un rapport son extension aux trains régionaux ; je me doute que tel n'est pas le choix du Gouvernement actuel...
J'ose à peine prendre la parole après ces deux brillantes interventions. Le Gers ne compte qu'une ligne de chemins de fer de 110 kilomètres, où les trains roulent à 60 kilomètres par heure... J'ai été surpris que Roland Ries écarte toute remise en cause du statut des cheminots. Comment peut-on maintenir une telle disparité par rapport aux pays voisins ? La nuit du 4 août, c'était il y a deux cents ans ! J'en suis en quelque sorte la victime consentante... Rien ne justifie aujourd'hui ces privilèges exorbitants. Le film La Bête humaine fut tourné dans les années 30 ! Pourquoi renoncer à harmoniser nos systèmes, pour rendre le réseau ferré européen aussi fluide qu'aux États-Unis ? Pourquoi se résigner au dumping ?
Le transport de personnes est-il excédentaire dans certains pays, ou est-il déficitaire par nature ?
Aux États-Unis, il y avait plusieurs compagnies, comme jadis en France. Ont-elles fusionné ?
Merci à Jean-Paul Emorine d'avoir exposé clairement son point de vue. Je ne crois pas pour ma part que la concurrence soit l'alpha et l'oméga de l'amélioration du service public ferroviaire. Il n'est pas question de copier le modèle allemand, mais de s'en inspirer : l'opérateur historique, la Deutsche Bahn, y conserve un statut à part et continue d'assurer 80 % du trafic. Ce système de holding sera très probablement validé par la Cour de justice de l'Union européenne. Encore une fois, le droit européen n'impose qu'une séparation comptable.
En France, nous avons choisi la pire solution, une séparation organique qui n'en est pas une, où les relations entre RFF et la SNCF sont complexes, les doublons nombreux, les pertes importantes. On ne saurait se satisfaire du statu quo : là-dessus, il devrait y avoir consensus. L'alternative est la suivante : soit on opte pour une véritable séparation organique, soit on conserve à la SNCF le statut d'opérateur à part, en raison de son histoire, de ses 150 000 salariés et du statut de ces derniers, auquel le personnel roulant est très attaché.
Oui, alors que l'Allemagne a mis l'ancien statut en extinction. Les nouveaux cheminots sont soumis à des contrats régis par des conventions collectives. En France, il serait impensable de remettre en cause le statut du personnel en place ; en revanche, on pourrait discuter d'une évolution sur la base d'un socle maintenu.
J'aimerais que le statut des cheminots français soit détaillé dans le rapport. On en parle trop souvent sans le connaître.
Il n'y aura pas de rapport à ce stade : Roland Ries nous a seulement présenté une communication.
Les données sont publiques. Le statut du personnel roulant est spécifique. Or, sur les 150 000 employés de la SNCF, seuls 11 000 à 12 000 travaillent à bord des trains. Il faut prendre en compte les coûts structurels, liés à l'entretien et au renouvellement des voies, etc. Sans doute y a-t-il des archaïsmes dans le statut des agents de conduite : naguère, leur métier était très dangereux. Il faut en discuter avec les syndicats.
Une holding resserrerait les liens entre le gestionnaire du réseau et le transporteur ; la SNCF resterait un opérateur à part. Quant à l'Araf, même si elle n'a peut-être pas acquis l'autorité souhaitée, elle n'en est pas moins chargée de surveiller le système et notamment la tarification.
Il faut avancer. Le ministre des transports a donné la priorité au renouvellement des infrastructures existantes : le temps n'est plus où l'on pouvait mener ce chantier de front avec la construction de nouvelles lignes. Outre la LGV Lyon-Turin, qui devrait être financée à 40 % ou 50 % par l'Union européenne, seules quatre lignes à grande vitesse sont projetées pendant ce quiquennat : la deuxième phase de la LGV Est, en cours de construction, et les lignes Tours-Bordeaux, Le Mans-Rennes et Montpellier-Espagne.
Je répète ma question : y a-t-il des lignes de transport de passagers excédentaires ?
Nous n'étudions l'avenir du secteur ferroviaire que sous ses aspects européens, en lien avec le contentieux en cours. Nous en reparlerons d'ailleurs très bientôt à l'occasion de la présentation du nouveau « paquet » : Roland Ries nous fera peut-être une proposition de résolution.
C'est justement sur la rentabilité des lignes européennes que je m'interroge, et sur l'intérêt d'imiter le modèle américain.
À ma connaissance, aucune ligne de transport de passagers en Europe n'est excédentaire. La question est de savoir quelle doit être la part des subventions publiques et des tarifs demandés aux usagers. Même en Angleterre, où les billets coûtent très cher, ils ne couvrent pas tous les frais. Il faudrait relever les tarifs à un niveau tel que nul ne prendrait le train...
Mais face à la hausse de leurs dépenses, elles réclament désormais des recettes dédiées.
Jean Bizet qui ne peut être présent aujourd'hui a donné son accord à cette communication, qui exprime notre point de vue commun, sur la sûreté nucléaire.
Depuis le lancement dans les années 1970 d'un grand programme d'équipement nucléaire, la France s'est dotée d'un dispositif couvrant les différents aspects de la sûreté. L'accident de Fukushima a ravivé les craintes et donné lieu à de nouvelles évaluations décidées au niveau national et poursuivies au niveau européen.
Avec 58 réacteurs nucléaires en activité, la France possède une longue expérience des risques et de leur prévention. Ces risques peuvent se matérialiser par un accident industriel comme à Three Miles Island en 1979 ou à Tchernobyl en 1986, ou être dus à une catastrophe naturelle comme à Fukushima en 2011. Ces risques peuvent aussi être liés au transport des produits dangereux et à des effets directs sur l'environnement comme le réchauffement des rivières et des fleuves dont l'eau est utilisée comme liquide de refroidissement. Il convient en outre d'assurer la gestion des déchets radioactifs à très long terme et le démantèlement des centrales en fin de vie comme ce sera bientôt fait à Fessenheim.
Les lois du 13 juin 2006 relative à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire et celle du 28 juin de la même année relative à la gestion durable des matières et déchets radioactifs reposent toutes deux sur le principe de précaution en vertu duquel l'absence de certitudes sur la probabilité d'un risque ne doit jamais retarder l'adoption de mesures préventives efficaces et proportionnées.
Les risques nés de l'énergie nucléaire inquiètent l'opinion publique, et l'attitude adoptée par les autorités françaises, lors du passage du nuage de Tchernobyl en 1986, a suscité une méfiance durable. Pour rétablir la confiance, la loi du 13 juin 2006 a prévu une information transparente et a créé l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN), autorité administrative indépendante assurant la régulation des activités nucléaires civiles ainsi que le Haut comité pour la transparence et l'information sur la sécurité nucléaire (HCTISN) en charge de l'information et la concertation au niveau local.
Parmi les acteurs de la sécurité nucléaire figurent aussi - et en premier lieu - l'État, qui dispose du pouvoir réglementaire d'autorisation et de démantèlement des installations, l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), créé en 2001, chargé d'une mission de veille, de recherche et d'expertise, l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (ANDRA), créée en 1991 pour assurer la gestion à long terme des déchets, et les commissions locales d'information (CLI) placées auprès de chaque site nucléaire.
L'Autorité de sûreté nucléaire est consultée, pour avis, sur les projets de décrets et d'arrêtés et contrôle les installations, décidant à ce titre d'autoriser tous les dix ans la poursuite du fonctionnement de chaque réacteur. Elle est en outre en charge de l'information du public, autant pour prévenir que pour gérer les situations de crise.
Outre ces acteurs nationaux, il faut compter avec les instances internationales : l'Euratom, qui dépend de la Commission européenne, chargé de coordonner les programmes européens de recherche, l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), émanation de l'ONU qui promeut le nucléaire civil et limite la prolifération dans le domaine militaire, l'Agence pour l'énergie nucléaire (AEN), organe spécialisé de l'OCDE, et enfin et surtout l'ENSREG (groupement européen des autorités de sûreté nucléaire) rassemblant les agences nationales des vingt-sept États membres.
En France, l'accident de Fukushima a donné lieu à un audit général des installations. Des évaluations complémentaires ont été menées pour réévaluer les marges de sûreté des installations en cas de phénomènes naturels extrêmes à partir d'un cahier des charges établi par l'ASN en collaboration avec le HCTISN. À la demande du Conseil européen de mars 2011, sont venus s'ajouter des stress tests de tous les réacteurs européens, réalisés en trois phases : une auto-évaluation par les exploitants des sites, l'établissement de rapports nationaux par les autorités nucléaires nationales et enfin une évaluation par des équipes multinationales de l'ENSREG.
À l'issue des évaluations complémentaires, l'ASN a considéré que les installations françaises examinées présentaient un niveau de sûreté suffisant et n'a donc demandé l'arrêt d'aucune d'entre elles. Elle a toutefois estimé que la poursuite de leur exploitation nécessitait d'augmenter, dans les meilleurs délais, leur robustesse face à des situations extrêmes. Dans son rapport, l'ASN n'a pas manqué d'insister sur le fait que l'éventuelle poursuite du fonctionnement des réacteurs au-delà de 40 ans nécessiterait des améliorations significatives en particulier pour faire face aux risques d'accidents graves.
La revue croisée des rapports nationaux, menée au niveau européen jusqu'en juin 2012 relève, pour la France, des faiblesses des groupes électrogènes ou des bunkers de commande de secours, une insuffisance des procédures de crise et l'absence ou la mauvaise prise en compte du risque sismique. Elle indique, à l'inverse, que la France dispose de recombineurs d'hydrogène qui auraient pu atténuer fortement l'accident de Fukushima si la centrale en avait été dotée.
Les conclusions de l'ASN n'ont pas été remises en cause dans le rapport de l'ENSREG du 26 avril 2012 qui estime que les évaluations de l'ASN sont complètes et donne un satisfecit à la France pour les mesures supplémentaires de sûreté décidées à cette occasion.
Afin d'assurer le suivi de ses recommandations, l'ENSREG a élaboré un plan d'actions adopté par la Commission le 25 juillet 2012 dernier et entré en vigueur le 1er août. C'est dans ce cadre que des visites ont eu lieu en septembre en France, l'Autorité de sûreté française ayant proposé des visites additionnelles à Cattenom, Chooz et Fessenheim. Tous les documents ont, dans une grande transparence, été rendus publics sur le site de l'ASN et de l'ENSREG. L'ensemble de ces tests de résistance, qui a mobilisé en France plusieurs milliers d'hommes-jour, a représenté un effort humain et financier sans précédent dans l'histoire de l'énergie nucléaire.
La sûreté de nos centrales nucléaires en est sortie confortée. Les 32 prescriptions de l'ASN transmises aux centrales appellent une mise en oeuvre sur plusieurs années, selon une logique d'amélioration continue. Le gouvernement s'est quant à lui engagé à veiller à ce que les exploitants s'y conforment rigoureusement et intégralement. Ces recommandations entraînent un surcoût de 10 milliards d'euros dont la moitié figurait déjà dans le programme initial de maintenance et d'investissement.
Dans ce contexte, la communication de la Commission du 3 octobre 2012 a surpris en donnant une interprétation partiale des tests de résistance. C'est elle qui a fait réagir Jean Bizet et moi-même.
La Commission s'est en effet contentée de présenter les recommandations d'améliorations sous la forme d'un tableau général simplifié et purement statistique. Cette présentation était particulièrement sévère pour les installations françaises - les plus nombreuses - qui recevaient le plus grand nombre de croix. Ce faisant, la Commission a nui à la crédibilité des autorités de contrôle dont elle utilisait les données pour aboutir à des conclusions différentes.
Cette attitude ne m'a étonné qu'à moitié car, lors de la réunion des présidents de commissions à Chypre, le commissaire européen à l'énergie, Günther Oettinger, avait fait un long exposé sur l'avenir énergique de l'Europe sans mentionner une seule fois le nucléaire, ce qui m'avait amené à réagir. Ce parti pris explique sans doute cette communication simplificatrice de la Commission qui a toutefois été corrigée grâce à l'intervention des autorités françaises, relayées par la Grande-Bretagne, la République tchèque, la Suède et la Finlande.
Au Parlement européen, le commissaire a été malmené aussi bien par ceux qui estimaient qu'il n'était pas allé assez loin que par ceux qui lui reprochaient d'avoir occulté l'excellent travail des autorités de sûreté et de l'ENSREG. Nous estimons, pour notre part, que le commissaire n'avait ni à instaurer un rapport de force avec les autorités nationales, ni à vouloir transposer, dans l'appréciation des tests de résistance, les clivages politiques légitimes qui existent à propos du nucléaire.
Il faut tenir compte des réalités. Le coût de l'électricité nucléaire est un facteur de compétitivité de notre industrie et cette énergie émet très peu de CO2. En outre, compte tenu de sa dépendance énergétique, l'Europe a clairement intérêt à ne se priver d'aucune ressource. La question du nucléaire doit donc être abordée en pesant bien tous ses aspects.
En tout état de cause, les installations nucléaires sont là, et il faut sans relâche veiller à ce qu'elles soient toujours plus sûres. Il faut laisser les autorités indépendantes faire leur travail, puis mettre en oeuvre leurs recommandations. La Commission n'a pas à interférer dans les choix de structures énergétiques de chaque pays qui, aux termes des traités, relèvent explicitement de compétences nationales.
En débutant ce travail avec Jean Bizet il y a un an et demi, nous étions partis d'une interrogation sur la création d'une ASN européenne. La rencontre avec l'ancien président de l'agence nous a fait changer d'avis. Mieux vaut une coordination au travers de l'ENSREG dans la mesure où toutes les autorités nationales ne sont pas aussi indépendantes du pouvoir que l'ASN. En revanche, l'harmonisation européenne est souhaitable car un accident survenant dans un pays a des conséquences sur les autres.
J'ai vraiment été outré par les propos du commissaire Oettinger à Chypre.
Ce ne serait pas la première fois qu'un commissaire européen tient des propos tenant peu compte des autres.
Sur le fond, le niveau de sécurité des centrales nucléaires françaises est supérieur à celui d'un grand nombre de pays. Cela tient aux réactions qui avaient entouré le plan Messmer à ses débuts ainsi qu'à la mise en place d'un service public bénéficiant d'un monopole. L'ASN n'a toutefois pas toujours été exemplaire, même si elle a joué un rôle important d'information après Fukushima, rôle rendu indispensable par la perte de confiance consécutive à Tchernobyl et à d'autres incidents. Le vrai problème de communication ne tient pas à l'ASN mais au fait que les informations lui parviennent de façon décalée. Dans un premier temps, l'opérateur hésite à les transmettre. Par exemple, nous avons appris, il y a seulement dix jours, qu'un accident de niveau 1 était survenu au centre du CEA de Fontenay il y a plusieurs mois. 50 incidents de niveau 1 ou plus sont signalés chaque année, mais on n'a pas toujours toute l'information. Les choses sont encore compliquées par le fait qu'EDF sous-traite à des entreprises qui sous-traitent à leur tour. Cette libéralisation allège les coûts mais pose problème.
On peut aussi s'insurger contre le refus d'EDF de répondre à des questions sur le coût de l'électricité, comme nous avons pu le constater dans le cadre de la commission d'enquête du Sénat. L'évaluation du coût de démantèlement des centrales est apparue six fois inférieure à celle des opérateurs britanniques et américains. Certaines assertions, trop souvent acceptées sans discussion dans notre pays, méritent débat.
Le problème des tests de l'ASN est qu'ils portent sur certains risques pris isolément alors que l'accident de Fukushima résultait d'une conjonction de risques. De plus, les attaques militaires ou terroristes n'ont pas été prises en compte. Voilà ce que l'Union européenne reproche à la France.
Dans la mesure où il existe des risques transfrontaliers, il serait bon que les expertises soient menées par des experts d'autres pays européens. Le secret défense est trop souvent opposé, comme ce fut récemment le cas de la part d'EDF concernant un barrage situé en amont d'une centrale.
L'ASN témoigne d'une volonté de mise en place d'instruments d'information crédibles alors qu'auparavant l'atome ne parlait que d'une seule voix. Cela dit, elle ne constitue pas nécessairement un modèle pour l'Europe. Pourquoi ne pas prendre ce qu'il y a de meilleur dans les différents pays ?
Ce sujet nous préoccupe. La centrale de Fessenheim place les Alsaciens en première ligne et je me félicite de la décision du Président Hollande de la fermer d'ici la fin de son mandat. Lorsque s'est produit l'accident de Fukushima, la comparaison entre les deux centrales s'est imposée : elles avaient le même âge - entre 33 et 34 ans -, étaient toutes deux en fin de vie et soumises au risque sismique, comme le prouve le tremblement de terre de Bâle en 1356 ; enfin, s'il n'existe pas à Fessenheim de risque de tsunami, le canal est tout de même surélevé par rapport à la centrale, d'où un risque d'inondation. Les populations ont été inquiètes et le sont encore, même si l'on entend surtout les employés de la centrale qui craignent pour leur emploi alors qu'ils ne risquent rien. Ce sont en effet des employés d'EDF et l'on envisage de créer sur le site un laboratoire du démantèlement. Face à cette forte émotion, le conseil municipal et le conseil communautaire ont adopté des motions, unanimes dans le premier cas et un peu moins dans le second.
J'ai été extrêmement frappé par les contradictions de l'avis de l'ASN, car de deux choses l'une : soit les centrales sont sûres, soit des travaux sont nécessaires ; dans ce cas, tant qu'ils n'ont pas été réalisés, les équipements ne sont pas vraiment sûrs.
Cela veut dire alors qu'ils ne l'étaient pas assez.
Les centrales japonaises étaient, elles aussi, réputées pour leur sécurité. Un événement n'avait toutefois pas été prévu : la force du séisme dépassant 9 sur l'échelle de Richter. J'éprouve donc une certaine réticence à admettre ce qui est dit en matière de sûreté nucléaire.
Et puis les centrales ne sont pas éternelles. J'avais cru comprendre qu'elles étaient construites pour 30 ans mais l'on parle maintenant de 35 ou 45 ans, et pourquoi pas 50 ? Certes, dans la mesure où elles sont amorties, le coût de l'énergie est bas, mais encore faudrait-il y intégrer le coût du démantèlement.
Entre les Allemands et les écologistes qui veulent une sortie rapide du nucléaire et ceux qui estiment que tout va bien, la position à mon sens la plus responsable est celle du rééquilibrage. Il faut ramener la part du nucléaire à 50 % de la production électrique et développer les énergies alternatives.
Je ne suis pas en accord avec la tonalité générale de ce propos, mais j'en partage la conclusion.
En réduisant la part du nucléaire, la France ne fait que respecter les directives européennes qui souhaite augmenter la part des énergies renouvelables. Mais je suis aussi très favorable à l'amélioration de l'efficacité énergétique.
La France a son histoire et, de toute façon, chaque source d'énergie présente des risques ; on ne peut pas tout prévoir. Il faut en revanche s'efforcer de le faire dans toute la mesure du possible et de s'améliorer. Les incidents que nous venons de connaître nous y incitent encore davantage.
Je pense qu'il ne faut ni déifier ni encore moins diaboliser une forme d'énergie. Les sensibilités diffèrent beaucoup selon les endroits. Dans mon département, où des vignes poussent au pied de Marcoule et donnent un vin qui se vend bien, « la cuvée de Marcoule » ou dans le département de Jean Bizet, qui accueille la Hague et le chantier de l'EPR, les réactions des populations ne sont pas celles constatées en Alsace. De même, en rencontrant le directeur de l'énergie au ministère de l'environnement allemand, j'ai pu constater que nos écologistes faisaient figure de modérés par rapport aux propos qu'il nous a tenus.
Cem Özdemir, le leader des Verts allemands que nous avons rencontré au Sénat, estime que le plan de sortie du nucléaire d'Angela Merkel est irrationnel : selon lui, il est trop rapide et conduit à remplacer le nucléaire par du lignite ou du gaz russe. Tous ceux qui s'intéressent à ces questions rejettent les solutions trop simplistes. Force est toutefois de reconnaître que la position allemande sur le nucléaire est très particulière.
Il y a des élections dans un an en Allemagne. Peut-être que des coalitions se préparent.