Le professeur Aglietta invite la puissance publique à reprendre la main. Tel est précisément l'objet de cette table ronde, organisée dans la continuité des travaux conduits au sein de la commission des finances.
Je reconnais une vertu à la crise financière : la culture financière a fait un bond en avant dans notre pays, qui s'en serait bien passé...
Nous avons besoin d'un regard plus que critique sur la directive MIF I, qui a organisé l'ouverture des bourses à la concurrence pour améliorer la liquidité et réduit les coûts de transactions pour les investisseurs. Après quelques années, le bilan apparaît très mitigé et il faut s'interroger sur l'échec conceptuel de la directive.
La directive MIF II va peut-être s'attaquer à ses défauts les plus criants, mais nous ne sommes pas prêts d'avoir en Europe une régulation digne de ce nom. Le régulateur européen, l'AEMF, aura-t-il les moyens de sa mission ? Je ne doute pas qu'il en ait la volonté. Au sujet du trading à haute fréquence, le Sénat avait introduit une taxe spécifique dans la dernière loi de finances, pour mettre le sujet sur la table, car cette pratique spéculative a deux défauts : son automaticité et la prise de risques à très court terme. Je crains que l'on ne débouche, comme d'habitude, sur un dispositif a minima. Or, pour diminuer le risque systémique, il faut imposer des contraintes fortes, puis interdire en cas d'échec. S'interdire par avance d'interdire n'est pas une bonne méthode !
Le recours aux chambres de compensation pose problème, bien que la transparence soit une bonne chose, car ces chambres pourraient concentrer le risque systémique. Elles doivent donc être adossées à la Banque centrale.
Monsieur Jouyet, vous avez anticipé, sans doute en accord avec le Trésor, l'entrée en vigueur de la déclaration des transactions sur produits dérivés effectuées de gré à gré, donc hors marché. Pourquoi avoir introduit une exception en faveur des produits dérivés portant sur les matières premières et sur les changes ?
L'émotion soulevée par les agences de notation est quelque peu retombée, mais le problème réel tourne toujours autour de la concurrence. Sous prétexte qu'il serait ardu de la promouvoir, rien ne bouge !
Madame Sirou, vous avez mentionné la rotation. Son principe me semble bon, mais vous estimez que la responsabilité des agences commettant des erreurs ne devrait être mise en oeuvre qu'après avoir établi la relation de cause à effet entre l'erreur et la notation. Comment prouver ce lien ? Comment aussi se désintoxiquer des agences ? Par quoi pouvons-nous les remplacer ? Reprendre la valeur de marché serait un remède pire que le mal !
Enfin, pourquoi votre agence a-t-elle opéré une stratification de ses notes entre les différents pays au sein de la zone euro ? L'Allemagne va pâtir des difficultés de cette zone, elle affronte des difficultés très lourdes, avec une dette publique élevée et pourtant elle a conservé son AAA.
La taxe sur les transactions financières, également adoptée par le Sénat lors de la dernière loi de finances, est souvent conçue par certains comme un outil de rendement. Nous souhaitons lui assigner une fonction dissuasive. Sous quelles conditions peut-elle devenir un outil de régulation du marché ?