Intervention de Harlem Désir

Commission des affaires européennes — Réunion du 12 janvier 2016 à 18h00
Institutions européennes — Audition de M. Harlem Désir secrétaire d'état auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international chargé des affaires européennes sur les conclusions et les suites du conseil européen des 17 et 18 décembre 2015

Harlem Désir, secrétaire d'État :

J'ai représenté Laurent Fabius, pendant la COP 21, lors d'une réunion sur la Libye qui s'est tenue à Rome sous la co-présidence des États-Unis et de l'Italie. L'Italie veut jouer un rôle premier dans ce dossier et souhaite la constitution d'un gouvernement d'union nationale. Même si le représentant spécial du secrétaire général des Nations-Unies a changé, Martin Kobler ayant pris le relais de Bernardino León, l'objectif reste le même : aboutir à un gouvernement et un parlement libyens uniques. Le Conseil présidentiel, présidé par M. Fayez al-Sarraj, doit être la préfiguration du futur gouvernement libyen. Les deux parlements devront s'engager à soutenir le gouvernement qui s'installera à Tripoli et qui reprendra en main diverses institutions, dont la banque centrale qui finance depuis des mois des milices. L'Égypte, la Tunisie, le Niger et l'Algérie soutiennent ce processus pour éviter que Daech et d'autres groupes terroristes ne s'emparent de ce pays. Bien sûr, la France souhaite que cette solution l'emporte car la situation actuelle entraîne de graves conséquences sur la sécurité, les flux migratoires et la stabilité de la région.

Des pays encouragent-ils la Grande-Bretagne à sortir de l'Union ? Je ne le crois pas. Les États-Unis n'y ont pas intérêt car ils préfèrent que la Grande-Bretagne y exerce son influence. Si ce pays sortait de l'Union, elle ne serait plus liée que par des accords commerciaux, comme la Norvège ou la Suisse : son poids politique au sein de l'Union serait réduit à néant. Tous les pays qui aiment la Grande-Bretagne lui diront donc qu'elle doit rester dans l'Union.

À la suite de la tournée de David Cameron dans les capitales européennes, il a été dit qu'un accord bilatéral avec l'Allemagne avait été conclu, mais Mme Merkel a démenti cette information : en tout état de cause, l'accord devra être conclu à 28. Nous devons aider la Grande-Bretagne à préparer son référendum, sans pour autant démanteler l'Union européenne. Les demandes britanniques portent sur divers points, dont la gouvernance économique et le lien avec la zone euro. Tout ce qui permettra une simplification du marché intérieur emportera l'adhésion des 28, mais pas à n'importe quel prix. Pour ce qui est de la souveraineté, tout ne peut être accepté. Certes, les parlements nationaux doivent pouvoir se prononcer sur la législation européenne, mais sans aller jusqu'au droit de véto.

L'immigration est le point le plus sensible : les arrêts Dano et Alimanovic de la Cour de justice ont eu un grand retentissement. L'Allemagne avait refusé d'accorder des prestations sociales à des Roumains qui étaient venus dans ce pays dans le but de les percevoir assez rapidement. Cette jurisprudence permet de lutter contre les détournements de la liberté de circulation. En revanche, on ne peut interdire pendant quatre ans l'accès à des droits liés au travail en raison de la nationalité des demandeurs. Nous verrons bien si la Grande-Bretagne modifie son système de prestations sociales ou transige sur la durée. Nous aiderons le Premier ministre à faire campagne pour le maintien de son pays dans l'Union.

Notre partenariat avec la Turquie est important et j'affirme ma solidarité avec ce pays qui a connu ce matin un terrible attentat qui visait des touristes. Notre coopération en matière de sécurité est essentielle. En outre, ce pays est un grand partenaire économique et stratégique. En revanche, il n'a pas su jusqu'à présent réguler les flux migratoires. S'ils ont ralenti, ils restent considérables, passant de près de 10 000 personnes par jour à 3 000. Mais cette décrue n'est-elle pas simplement liée à la saison hivernale ? Les passages continuent donc et l'efficacité de notre partenariat avec ce pays laisse à désirer.

Personnellement, je ne crois pas que l'Europe puisse sous-traiter le contrôle de ses frontières à un pays tiers, quel que soit le niveau de partenariat qu'elle entretient avec lui. Nous approfondissons notre partenariat avec la Turquie, dans le contexte que vous savez au Proche-Orient, en Syrie tout particulièrement ; une enveloppe de trois milliards d'euros est prévue dans les prochaines années, des aménagements peuvent être apportés en matière de visas par exemple, après un examen approfondi - mais tout cela ne signifie pas que l'Europe délègue le contrôle de ses frontières, ce sont bien les règles de Schengen qui s'appliquent avec l'ensemble de nos partenaires extérieurs à cet espace et nous ne pouvons faire comme si, parmi les populations qui fuient la guerre et les tourments de l'Histoire, il n'y avait personne qui puisse menacer notre sécurité.

Le statut d'économie de marché pour la Chine résulte de son accord d'adhésion à l'OMC signé en 2001 : cet accord prévoit qu'au terme d'une période de quinze ans, soit fin 2016, ce statut sera accordé à la Chine si elle respecte un certain nombre de règles et de procédures.

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