Intervention de Jean Bizet

Commission des affaires européennes — Réunion du 14 janvier 2016 à 8h40
Politique de coopération — Relations de l'union européenne avec la mongolie : avis politique de m. jean bizet

Photo de Jean BizetJean Bizet, président :

Du 15 au 18 septembre dernier, la délégation française auprès de l'Assemblée parlementaire de l'OSCE s'est rendue à Oulan-Bator, capitale de la Mongolie, pour participer aux travaux de sa réunion d'automne.

Plusieurs délégations, dont la nôtre, ont manifesté leur surprise devant ce choix. N'était-ce pas pousser très loin à l'Est les frontières de l'Europe - fussent-elles les frontières d'une Europe sentimentale ou rêvée ? Pourquoi demander à cette assemblée parlementaire, chargée de la coopération et de la sécurité en Europe, de se réunir en Mongolie ? Cette mission nous en a apporté la réponse.

Ce morceau de steppe d'Asie centrale est pris en tenailles entre la Russie et la Chine, mais c'est un pays qui tend à desserrer cet étau géographique, historique et politique depuis qu'il a réussi une « transition de velours » vers la démocratie. Cependant il reste désespérément en quête d'un « troisième voisin », selon sa propre expression, empreinte d'humour et de réalisme.

Ce choix de l'OSCE a eu le mérite de saluer un pays qui a fait de grands efforts pour se rapprocher de notre idéal démocratique. Je rappellerai qu'en 2012, la Mongolie était devenue le cinquante-septième État partenaire de l'OSCE.

En effet, la Mongolie - outre une longue et prestigieuse histoire qui remonte à Gengis Khan et repose sur une langue unique, un alphabet propre et une culture originale - présente un intérêt stratégique indéniable pour l'Europe, surtout depuis l'admirable « transition de velours ».

La Mongolie a été sous domination chinoise depuis le XVIIe siècle jusqu'en 1911, date de la proclamation de son indépendance. Cet épisode fut de courte durée puisque, infiltrée par les Bolchéviques, la Mongolie est en 1924 transformée par la force en république soviétique, satellite de l'ancienne URSS ; elle restera sous le régime du Parti unique jusqu'en 1990. Les premières élections libres ont lieu en 1992 et depuis on a assisté à deux authentiques alternances politiques.

Depuis 1989, l'Union européenne, qui a agi sur ce dossier avec une grande prescience, développe et approfondit ses relations avec la Mongolie et depuis 2013, l'Union européenne considère la Mongolie comme une priorité.

En avril 2013, un accord-cadre de partenariat et de coopération entre l'Union européenne et la Mongolie a été signé ; il sert de cadre juridique au développement des relations. Il s'agit d'un dialogue politique, mais aussi de relations commerciales, d'aide au développement et de coopération dans le domaine de l'agriculture, du développement rural, de l'énergie, du changement climatique, de la recherche et, enfin, de l'éducation et de la culture.

L'Union européenne est devenue le troisième partenaire commercial de la Mongolie après la Russie et la Chine. Les exportateurs mongols bénéficient d'une exonération presque totale des droits de douane lorsqu'ils accèdent aux marchés de l'Union, grâce au système des préférences nationales.

En 2014, l'Union et la Mongolie ont célébré le 25e anniversaire de leur coopération qui coïncidait presque avec le 25e anniversaire de l'accès à la démocratie. En 2015, la Mongolie et la France ont célébré le 50ème anniversaire de l'établissement de leurs relations diplomatiques.

La Mongolie étant devenue une cible prioritaire, l'Union européenne a donné 15 millions d'euros aux activités de coopération et de développement avec ce pays pour la période 2011-2013. Le programme indicatif pluriannuel au titre de l'instrument de la coopération au développement prévoit une enveloppe de 65 millions d'euros pour la période 2014-2020. La Mongolie pourra également bénéficier d'un soutien au titre des programmes thématiques et régionaux, ainsi que pour les actions financées par l'instrument européen pour la démocratie et les droits de l'homme et les programmes d'appui aux acteurs non étatiques. Ce soutien supplémentaire est estimé à 14 millions pour la période 2014-2020. Le montant total de l'aide de l'Union européenne en faveur des actions de coopération au développement en Mongolie s'élèvera ainsi à 79 millions sur cette période.

Quatre États membres de l'Union ont une ambassade en Mongolie : l'Allemagne, la France, la République tchèque et le Royaume Uni - et la Mongolie compte 18 autres ambassades étrangères. L'Allemagne fait mieux que nous : son ambassade est quatre fois plus nombreuse que la nôtre et les échanges commerciaux germano-mongols quatre fois supérieurs aux nôtres. À cela, il y a des raisons historiques : l'Allemagne réunifiée a récupéré l'excellente implantation de la RDA datant de l'époque soviétique.

La Mongolie maintient avec habileté l'équilibre entre la Chine et la Russie. La Chine traite la Mongolie avec égard en raison des minorités mongoles sur son territoire. La Russie, depuis l'affaire ukrainienne, s'est aliénée la bonne volonté mongole ; mais Oulan-Bator se contente de faire savoir qu'elle appelle de ses voeux une Russie agissant selon les critères et les standards des démocraties occidentales.

Le Japon et la Corée du Sud, qui souhaitent contenir la Chine en Asie, entretiennent d'excellentes relations avec la Mongolie à hauteur de leur très bonne pénétration du marché mongol. Ainsi, 30 000 Mongols travaillent en Corée du Sud comme travailleurs étrangers.

Les Américains et les Indiens, plus discrets, semblent les grands absents du paysage, ce qui paraît conforter le choix de l'Union européenne et qui devrait nous conduire, nous autres Français, à accompagner ce choix prioritaire.

Les Mongols me sont apparus comme un peuple jeune et ouvert qui continue à savourer le retour à la liberté malgré une grande pauvreté et d'immenses difficultés économiques. Étonnamment, bien qu'ils soient un très petit pays, ils pensent « grand » et ils restent déterminés et optimistes. La situation politique est très stable. Nous avons retiré de notre séjour une impression très favorable.

Cependant, nous avons constaté la complexité et l'inefficacité du circuit financier communautaire, ce qui conduit à un mauvais usage de crédits pourtant importants et en hausse. Nous suggérons que ces crédits soient « décentralisés » et mis en oeuvre en étroite coopération avec les quatre ambassades de l'Union européenne présentes à Oulan-Bator. C'est le sens de l'avis politique que je vous propose d'adopter, pour que le personnel de nos ambassades serve mieux les projets des entreprises locales, aussi bien que ceux des entreprises européennes cherchant à se développer en Mongolie.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion