Intervention de Giandomenico Magliano

Commission des affaires européennes — Réunion du 9 juillet 2014 à 15h05
Institutions européennes — Audition de M. Giandomenico Magliano ambassadeur d'italie en france

Giandomenico Magliano, ambassadeur d'Italie en France :

Le programme de la présidence italienne pour ce semestre correspondra au début d'une législature. En effet, 2014 est l'année du renouvellement des structures européennes, avec un nouveau parlement, une nouvelle Commission en novembre et un nouveau président du Conseil de l'Union européenne, au 1er décembre. L'Italie souhaite inscrire son action dans cette dynamique de changement, en renouvelant le contrat entre les citoyens européens et les institutions communautaires. L'ambition du président Renzi est que les citoyens reprennent confiance en l'Europe.

Le programme de la présidence italienne s'articule avec celui du trio de présidences (Italie, Lettonie, Luxembourg) prévu pour dix-huit mois. Il se caractérise par une volonté de changement à la fois dans le rythme des politiques mises en oeuvre et, parfois, dans les chemins suivis. Matteo Renzi l'a dit clairement à Strasbourg : sans croissance, il n'y a pas d'Europe. Les citoyens ne peuvent accepter l'idée d'une Europe en récession permanente. Il faudra savoir conjuguer l'assainissement des finances publiques avec la croissance et l'emploi.

Un deuxième objectif sera de compléter l'union bancaire, pour renforcer l'économie européenne, fragilisée par la crise financière américaine. Les petites et moyennes entreprises qui maillent le territoire européen constituent un enjeu fondamental dans la relance de l'économie réelle. Quant au numérique, notre président du Conseil a convoqué, hier, un événement à Venise rassemblant les entrepreneurs, la commissaire européenne concernée, Mme Kroes, les patrons des sociétés européennes, parmi lesquels beaucoup de dirigeants français. Le numérique peut être un facteur de développement pour l'Europe à condition de définir une règlementation, et un plan favorisant l'émergence d'acteurs de taille européenne.

La politique extérieure de l'Europe est intimement liée à sa politique intérieure. En effectuant son premier déplacement en Ukraine, puis à Moscou, la ministre italienne des affaires étrangères, Mme Mogherini, a souhaité favoriser le dialogue, car les sanctions sont un instrument de pression, non un but en soi. Enfin, la Méditerranée est un axe fondamental pour définir une politique de l'Europe.

L'Italie, grand pays fondateur de l'Union, exerce la présidence européenne pour la neuvième fois, mais pour la première fois depuis la signature du Traité de Lisbonne qui a établi un président du Conseil européen permanent et le Haut représentant. Pour la présidence de la Commission, M. Jean-Claude Junker devrait être élu par le Parlement européen le 16 juillet. L'Italie souhaite que, lors de sa réunion extraordinaire qui se tiendra le même jour, le Conseil européen puisse se mettre d'accord sur les nominations à la présidence du Conseil européen, au poste de Haut représentant et aux autres postes de la Commission. Avec la France, elle a également souhaité qu'un agenda stratégique définisse le mandat de la Commission.

Un renforcement de la cohérence des différents conseils éviterait des clivages inutiles : en traitant des relations avec l'Ukraine et la Russie, on parle aussi d'énergie... Il reviendra à la Commission de veiller à la cohérence entre les politiques définies dans les différentes formations.

Ce semestre sera marqué par des rencontres importantes. Un sommet pour l'emploi des jeunes se réunira. Il fera suite à celui qui s'est tenu à Paris en novembre dernier. Un sommet sur l'emploi est également prévu à Berlin, puis un autre à Turin, à l'automne prochain. Nous vérifierons que la garantie jeunes - soit 6 milliards d'euros alloués - a bien été mise en oeuvre et qu'elle sera pérennisée, l'objectif étant de porter ce montant à 8 milliards. Nous veillerons également à ce que la coordination entre les différentes agences d'emploi nationales soit effective.

Le sommet de L'ASEAN se tiendra à Milan, les 16 et 17 octobre prochains. Cet événement gigantesque, qui se tient tous les deux ans, soit en Asie, soit en Europe, réunit les chefs d'État et de gouvernement des pays de l'Asie, dont la Chine et l'Inde, et des 28 pays européens. Nous ferons ainsi un pas de plus dans la coopération de région à région entre l'Europe et l'Asie. La conférence ministérielle euro-africaine sur la migration et le développement se tiendra à Rome, les 26 et 27 novembre. Enfin, l'Exposition universelle qui aura lieu à Milan au mois de mai 2015 est un grand rendez-vous où l'Italie affichera son engagement en matière de soutenabilité, de développement durable et de protection de la planète.

Si le trio de présidences parvient à donner suffisamment d'élan au « train européen », les citoyens constateront dans cinq ans les résultats d'une politique européenne efficace. Ses priorités sont ambitieuses : croissance, emploi, numérique, mais aussi avancement de l'Union économique et monétaire avec l'ébauche d'une harmonisation fiscale sur les entreprises et l'ébauche d'un budget propre. Les enjeux politiques sont de taille ; ils demandent une analyse technique solide - la coopération entre nos deux pays est très importante.

Pour le paquet climat-énergie 2030, la présidence italienne a l'ambition de faire agréer la plateforme d'engagements européens, afin que l'Europe aborde en leader les négociations qui auront lieu lors de la Conférence de Paris sur le climat en décembre 2015. Traduire la transition énergétique en politique commune est une tâche complexe. Il est également difficile de promouvoir cette politique auprès des pays émergents qui perçoivent comme une contrainte des impératifs écologiques qui constituent pour nous une opportunité.

Les partenariats commerciaux et stratégiques avec les États-Unis, le Canada et le Japon sont pour l'Europe une opportunité de relancer sa croissance, en s'ouvrant à ces pays. Les négociations se font dans un cadre communautaire, en harmonisant les positions entre pays producteurs et consommateurs, celles de l'Europe du nord et celles de l'Europe du sud. Des compromis restent à trouver, par exemple pour ouvrir le marché japonais, sans barrière tarifaire. Quoique compliquées par le processus décisionnel, les négociations devraient s'accélérer pour s'achever l'année prochaine.

Le programme de l'après-Stockholm définit les orientations européennes en matière de liberté, de sécurité et de justice. Nous veillerons à prendre en compte la politique de voisinage - dans les Balkans, certains pays ne sont pas candidats pour entrer dans l'Union européenne, tout en faisant partie de la famille européenne ; nous resterons également attentifs à la politique d'élargissement de l'Europe, puisque cinq pays sont candidats. Néanmoins, il s'agit là d'une question qui dépasse dans le temps les limites de la présidence italienne.

Nos propositions s'articulent autour de trois priorités. L'Europe doit d'abord favoriser l'emploi et la croissance économique, en définissant des plans d'investissement européens. Il faudra avoir recours à de nouveaux mécanismes financiers, donner plus de moyens à la Banque européenne d'investissement. Accroître la flexibilité dans la lecture des règles favorisera la reprise de la croissance économique. Cela nécessitera d'identifier les marges qu'autorisent les traités européens et le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG) qui n'ont pas encore été exploitées. Par exemple, les réformes en cours devraient conduire à alléger le niveau de déficit d'un pays. De même, l'épargne devrait être prise en compte dans l'appréciation de la dette. En facilitant de la sorte les réformes, l'Italie souhaiterait enclencher un cercle vertueux. On sortirait ainsi de l'enchaînement vicieux « carton jaune », réduction des dépenses publiques, augmentation des impôts, récession, augmentation de la dette et du déficit...

Ensuite, l'Italie veut une Europe plus proche des citoyens, un espace de démocratie, de droits et de liberté. Des questions techniques se posent, notamment sur le droit d'asile que l'Italie souhaiterait rendre commun à tous les pays européens. Beaucoup de propositions ont été faites. Le manque de consensus a empêché de les mettre en oeuvre.

Enfin, l'Italie souhaite doter l'Union européenne d'une politique étrangère plus forte et plus lisible, sans laquelle elle ne pourra pas relever les défis auxquels elle est confrontée, en Afrique du nord, en Libye, en Syrie, en Iran ou en Ukraine. La promotion d'une stratégie macro-régionale est une autre priorité. Il faudra finaliser le plan d'action pour la région alpine qui inclut la Suisse. Un autre plan d'action concerne la région adriatique et ionienne, c'est-à-dire l'Italie, la Grèce et les Balkans.

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