Intervention de Jean-Yves Leconte

Commission des affaires européennes — Réunion du 24 mars 2016 à 9h00
Justice et affaires intérieures — Réforme de l'espace schengen et crise des réfugiés - rapport d'information proposition de résolution européenne et avis politique

Photo de Jean-Yves LeconteJean-Yves Leconte, rapporteur :

Un demandeur d'asile est un migrant qui dépose une demande d'asile ; le réfugié politique est celui qui bénéficie d'une protection internationale. Le million de personnes entrées l'an dernier dans l'Union européenne ne relèvent pas toutes de ces catégories : en 2015, l'Allemagne a enregistré 440 000 demandes d'asile ; la Hongrie, 174 000 ; la Suède, 156 000 ; l'Autriche, 85 000 ; l'Italie, 83 200 et la France, plus de 70 000. Le taux d'acceptation varie de 25 % à 55 % selon les pays, qui reçoivent il est vrai des populations d'origines différentes. Précisons que le chiffre pour la Hongrie est surévalué : la Hongrie a fermé sa frontière quand l'Allemagne a commencé à appliquer les règles de Dublin aux personnes ayant déjà demandé l'asile en Hongrie. Du coup, nombre de migrants ont été enregistrés deux fois.

L'asile est un des droits essentiels de l'Union européenne. Il est inscrit dans la Convention relative au statut des réfugiés conclue à Genève le 28 juillet 1951, ainsi que dans la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. En France, il correspond à une tradition encore plus ancienne.

L'article 33 de la Convention de Genève dispose qu'« aucun des États contractants n'expulsera ou ne refoulera, de quelque manière que ce soit, un réfugié sur les frontières des territoires où sa vie ou sa liberté serait menacée en raison de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques. » Il est bon de le rappeler.

La France a engagé, il y a un an, une réforme de l'asile, afin de transposer les directives « accueil » et « procédure », qui avaient fait l'objet de longues négociations. Pour autant, de grandes différences subsistent entre les États membres. Quelques grands principes ont été arrêtés : pas de refoulement collectif, droit à une étude individuelle et à un recours suspensif. Certes, l'analyse de la situation des personnes vulnérables est difficile à conduire dans les îles de la mer Égée. Le refoulement n'est possible que dans un pays tiers sûr. Forcer la Grèce à reconnaître la Turquie comme tel, alors que la Hongrie ne le fait pas, semble très audacieux.

Le droit au regroupement familial, faute d'être reconnu, se prend « les pieds » : des familles migrent par petits groupes, et l'on voit des femmes et des enfants risquer leur vie pour rejoindre l'homme déjà arrivé.

Lorsque la Hongrie a fermé ses frontières, la route des Balkans a conduit les migrants à sortir de la zone Schengen, puis à y rentrer. Or la Macédoine et la Serbie n'avaient pas de système d'enregistrement coordonné au nôtre. Quant à l'enregistrement sur les îles grecques ! Seule la mise en place de hotspots assurera un enregistrement effectif des arrivées dans le système Eurodac. En pratique, la Grèce a cédé le contrôle de sa frontière à Frontex.

Le principe de Schengen était que chaque État était responsable de sa frontière extérieure. Si un pays laissait entrer une personne, il lui incombait de traiter sa demande d'asile. Du coup, le Luxembourg et la Grèce se trouvent dans des situations identiques, alors qu'ils ne subissent pas les mêmes pressions. Sommes-nous capables d'assumer une souveraineté partagée sur la question ? Il s'agirait de porter en commun le traitement des demandes d'asile, et d'intervenir aux frontières si un État est défaillant.

Au sein des flux de migrants, de nombreuses personnes viennent pour des raisons économiques et ne sont pas des réfugiés. Cela inquiète, et il faut donc absolument établir des voies robustes et fiables permettant l'identification de chacun. Bien sûr, la pression est si importante que la route des Balkans sera sans doute remplacée par d'autres itinéraires : par l'Albanie, la Bulgarie et la Roumanie, voire l'Ukraine, et par la Libye et l'Italie.

Face à de tels défis, l'union fait la force. Notre espace de libre circulation doit être défendu non par principe, mais parce qu'il est efficace. Les démarches entreprises l'an dernier par certains États d'Europe centrale pour conclure des partenariats bilatéraux plutôt que renforcer Frontex ont affaibli l'Europe.

Une plus juste répartition des demandeurs d'asile entre États pose la question du droit des personnes accueillies à aller travailler dans un autre pays de l'Union. Cette liberté, à nos yeux, ne pourrait que bénéficier à leur bonne insertion économique. Une harmonisation des principes de la demande d'asile serait aussi souhaitable. Ne pourrait-on envisager d'harmoniser progressivement la jurisprudence de l'Europe en la matière ?

Pour empêcher des drames comme celui des 10 000 mineurs isolés, le regroupement familial doit être un droit. La relocalisation doit aussi être une option. N'imaginons pas que la fermeture de la frontière avec la Turquie résoudra le problème. Comme le Liban et la Jordanie, ce pays peut constituer un défi considérable pour l'Europe s'il est gagné par la déstabilisation. Tous les éléments de la proposition de résolution européenne me conviennent...

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