Intervention de Simon Sutour

Commission des affaires européennes — Réunion du 3 mars 2016 à 9h05
Justice et affaires intérieures — Union européenne et lutte contre le terrorisme : rapport d'information proposition de résolution européenne et avis politique de mm. philippe bonnecarrère et simon sutour

Photo de Simon SutourSimon Sutour :

Ce rapport est particulièrement important, car le développement du terrorisme appelle une réaction forte. Comment l'organiser au niveau européen ? L'initiative prise il y a un an par le Sénat était bienvenue. Notre rapport passe en revue l'action européenne contre le terrorisme et propose des pistes pour l'améliorer : de fait, la marge de progression est considérable.

Quelques semaines après les attentats terroristes perpétrés à Paris au mois de janvier 2015 mais aussi, malheureusement, ailleurs en Europe, le Sénat a adopté quasiment de manière unanime, le 1er avril 2015, à l'initiative de notre commission, une résolution européenne relative à la lutte contre le terrorisme et tendant à l'adoption d'un Acte pour la sécurité intérieure de l'Union européenne. Cette résolution comportait huit préconisations.

La première concernait la nécessité d'une définition européenne des infractions terroristes, prenant notamment en compte l'existence de combattants étrangers, conformément à la définition des Nations unies. L'Assemblée nationale a adopté cette nuit des dispositions en ce sens, tant mieux ! L'objet de notre PPRE est de conforter l'action du Gouvernement. La seconde préconisation était que soient effectués, sur le fondement d'indicateurs de risques communs, des contrôles approfondis et quasi systématiques des ressortissants des pays membres qui entrent et sortent de l'espace Schengen, et que soit renforcé Frontex, notamment par la création d'un corps de garde-frontières européens, afin d'assurer un contrôle effectif des frontières extérieures de l'espace Schengen.

La troisième préconisation réaffirmait l'urgence de mettre en oeuvre le PNR européen dans le contexte aggravé des menaces terroristes. La quatrième exigeait l'adoption rapide de mesures efficaces pour lutter contre le financement du terrorisme et le trafic d'armes à feu. La cinquième concernait le renforcement de la coopération policière et judiciaire en Europe. Elle soulignait la nécessité, pour les États membres, de mieux alimenter Europol et Eurojust en informations à caractère policier et judiciaire et plaidait pour la création, au sein d'Europol, d'une plateforme européenne de lutte contre le terrorisme, mais aussi pour l'accélération de la mise en place d'un Parquet européen collégial et décentralisé - j'y insiste - dont les compétences, conformément au traité, pourraient être élargies à la criminalité grave transfrontière, donc au terrorisme.

La sixième préconisation avait trait à la lutte contre le terrorisme sur Internet. La septième appelait à élaborer une stratégie éducative de prévention et de lutte contre la radicalisation. Enfin, la huitième demandait le renforcement de la coopération internationale avec les pays tiers, en insistant sur la nécessité de construire un partenariat global avec les acteurs régionaux des parties du monde les plus sensibles et d'entamer avec ces derniers un dialogue qui, s'il combinait les impératifs de sécurité avec ceux du développement, réduirait durablement la menace terroriste.

Dès le 16 juin 2015, un conseil « Justice et affaires intérieures » adoptait une « stratégie de sécurité intérieure renouvelée pour l'Union européenne sur la période 2015-2020 ».

Une proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative à la lutte contre le terrorisme du 3 décembre 2015 prévoit de nouvelles incriminations terroristes, conformément à la résolution du 24 septembre 2014 du Conseil de sécurité des Nations unies.

Plusieurs initiatives ont été prises pour une révision ciblée du code frontières Schengen et du contrôle des frontières extérieures. Rappelons en particulier les conclusions du 20 novembre 2015 adoptées par le Conseil de l'Union européenne et des États membres réunis au sein du Conseil, sur la lutte contre le terrorisme et le plan présenté par la Commission européenne le 15 décembre 2015. En application de ce plan, deux propositions législatives ont été faites : une proposition de règlement du 23 janvier 2016 du Parlement européen et du Conseil, relatif à la création d'un corps européen de garde-frontières et de garde-côtes, et une proposition de règlement du même jour du Parlement européen et du Conseil concernant le renforcement des vérifications dans les bases de données pertinentes aux frontières extérieures.

Sur la politique européenne des visas, la Commission a proposé deux textes législatifs relatifs à un modèle type de visa, d'une part, et à la création d'un document de voyage européen destiné au retour des résidents irréguliers, d'autre part, mais la définition, souhaitée par le Sénat, d'une politique européenne des visas comportant des critères communs prenant en compte des indicateurs de risques liés à la menace terroriste, n'est toujours pas faite.

Quant au PNR européen, il s'agit d'un véritable marathon. C'est en effet le 6 novembre 2007, il y a près de neuf ans, qu'une proposition de décision-cadre du Conseil relative à l'utilisation des données des dossiers des passagers aériens à des fins répressives dans l'Union européenne a été déposée par la Commission. Le 12 février 2011, en application des nouvelles procédures du traité de Lisbonne, la Commission a présenté une nouvelle proposition de directive sur le PNR européen. Sur cette proposition, le Sénat a adopté quatre résolutions européennes. Le 30 mai 2009 et le 18 mai 2011, il a surtout affirmé que le projet de directive devait assurer, parmi ses priorités, le respect effectif des droits fondamentaux - ce qui reste d'actualité, et ne s'oppose aucunement à l'efficacité du dispositif. Dans deux autres résolutions européennes plus récentes adoptées le 15 mars et le 1er avril 2015, à l'initiative de notre commission, le Sénat a souligné l'urgence qu'il y avait, dans le contexte de menace terroriste, à adopter ce mécanisme de prévention et de détection des infractions terroristes permettant une coordination efficace entre les PNR nationaux dans le respect des garanties indispensables pour la protection des données personnelles.

Le dossier a été bloqué pendant plusieurs années par la commission Libé du Parlement européen, dont plusieurs parlementaires influents se sont mobilisés, longtemps avec succès, contre le projet. Le 24 avril 2013, cette commission a même voté une motion de rejet de la proposition de directive. Nous avons rencontré son président et sa rapporteure lors d'un déplacement à Bruxelles. Peut-être cela a-t-il contribué à débloquer la situation ? En tous cas, à la demande du Parlement européen, la commission a repris ses travaux au mois de novembre 2014. Il est clair que les sanglants attentats terroristes de Paris du 13 novembre 2015 ont accéléré le cours des choses, notamment sous la pression des États les plus concernés.

Le texte qui a fait l'objet d'un compromis entre le Conseil et le Parlement européen, approuvé par la commission Libé le 10 décembre dernier, et qui devrait être voté définitivement par le Parlement européen en séance plénière au mois d'avril prochain, comporte notamment trois exigences françaises, défendues par notre ministre de l'Intérieur : une durée de conservation des données de cinq ans, avec une procédure simplifiée de consultation des données après leur masquage, qui intervient au bout de six mois - comme aux États-Unis -, et l'inclusion dans le champ de la directive des vols intra-européens et des vols charters, d'une part, et des infractions nationales - et non seulement transnationales - d'autre part. Nous nous réjouissons de cet aboutissement. Mais que de temps perdu !

Le plan d'action de la Commission contre le financement du terrorisme du 2 février 2016 s'attache à surveiller les mouvements financiers et à empêcher les terroristes de transférer des fonds et d'autres avoirs, notamment grâce au contrôle des plateformes d'échange de monnaie virtuelle sur Internet et par la suppression de l'anonymat pour les cartes prépayées.

Enfin, le Groupe d'action financier créé en 1989 dans le cadre de l'OCDE - le GAFI - est efficace. Sa liste noire des pays non coopérants dans la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme exerce un réel effet dissuasif. Deux nouveaux textes législatifs relatifs au blanchiment et à la surveillance des mouvements d'espèces devraient être présentés par la Commission au cours de l'année 2016. Des actions sont aussi effectuées au niveau national. Ainsi, notre ministre des finances, Michel Sapin, a pris un décret limitant les paiements en liquide à des montants inférieurs à mille euros - avec des exceptions pour les étrangers.

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