Intervention de Pierre Bernard-Reymond

Commission des affaires européennes — Réunion du 30 mars 2011 : 1ère réunion
La réforme de la gouvernance économique européenne et le pacte pour l'euro rencontre avec les membres français du parlement européen en commun avec la commission des affaires européennes de l'assemblée nationale

Photo de Pierre Bernard-ReymondPierre Bernard-Reymond, vice-président de la commission des affaires européennes du Sénat :

Permettez-moi d'abord d'exprimer une satisfaction : du point de vue de la construction européenne, la gouvernance économique européenne, qui avait été négligée, voire oubliée, au moment de la création de l'euro, est en train de franchir des étapes que nous n'aurions osé imaginer il y a encore deux ans. Je ne commenterai pas toutes les mesures positives qui ont été arrêtées au dernier Conseil européen, mais elles constituent un tout cohérent, qui pourra, je l'espère, être encore amélioré par le Parlement européen dans le cadre de la co-décision. Je pense, par exemple, à la majorité inversée dans la prise des sanctions, au versement des amendes, au mécanisme de stabilité financière, ainsi qu'à d'autres mesures qu'ont évoquées les rapporteurs au Parlement européen.

Pour autant, ce Conseil, présenté comme historique, l'a-t-il vraiment été ? Certes, il marque une étape importante sur le chemin qui nous reste à parcourir, mais la bouteille n'est qu'à moitié pleine. Je me contenterai pour ma part de poser quelques questions. Tout d'abord, il reste des points à finaliser lors du Conseil de juin, et quelques réticences à vaincre, notamment du côté de la Finlande et de l'Allemagne. Cela ne posera sans doute pas de gros problèmes, mais il demeure que le dernier Conseil européen n'a pas achevé le processus annoncé.

Nous avons d'autre part une incertitude sur la conjoncture dans les deux ou trois mois à venir. Dans quelles conditions la crise portugaise - à la fois politique et financière - va-t-elle se dénouer ? Le Portugal finira t-il par accepter l'aide de l'Europe ? Par qui souhaite t-il être aidé ? La Chine et le Brésil auraient fait des propositions, l'Espagne également ; mais à trop tergiverser, ne court-on pas le risque d'une catastrophe financière qui s'étendrait à toute la zone euro ?

Je pense aussi qu'il va être très difficile pour la Grèce de ne pas se résoudre, à un moment ou à un autre, à une restructuration de sa dette.

L'Irlande, pour sa part, va-t-elle évoluer sur le plan de la fiscalité ? Acceptera-t-elle au moins une harmonisation de l'assiette de la fiscalité des entreprises au niveau européen ? Il me semble que nous aurions tout intérêt à lui laisser le temps nécessaire pour adapter sa législation financière.

Où en sommes-nous par ailleurs sur les stress tests ? Comment les marchés réagiront-ils s'ils se révèlent mauvais ? Les États ont-ils pris l'engagement de recapitaliser les établissements défaillants ? Auront-ils les moyens de le faire ?

Mes questions suivantes concerneront davantage le moyen et le long terme.

S'agissant de la taxe sur les transactions financières, sommes-nous vraiment prêts à aller au-delà des déclarations ? Est-il possible d'instaurer cette taxe au seul niveau de l'Eurogroupe, ou doit-on attendre qu'elle soit mise en oeuvre au niveau mondial pour ne pas porter atteinte à nos potentialités ?

Je m'interroge également sur le budget européen, point qui fait partie intégrante du gouvernement économique européen. Pourrons-nous rester crédibles avec un budget qui ne représente que 1 % du PIB ? Contrairement à ce que l'on entend parfois, il ne s'agit pas de dépenser plus globalement, mais de faire en sorte que l'on dépense davantage au niveau européen et moins au niveau national. Nous avons en effet besoin de politiques plus intégrées. Aucun de nos États ne s'en sortira seul face à la concurrence internationale. Il nous faut donc convaincre nos opinions publiques que des politiques plus intégrées - dans les domaines de la recherche, des communications, de l'énergie, des biotechnologies, ou encore de l'espace, par exemple - donneraient des résultats globaux supérieurs à la somme des résultats de chaque État. Si nous n'en sommes pas convaincus, nous ne sommes pas à l'abri, après celui de la stratégie de Lisbonne, d'un échec pour Europe 2020.

Où en sommes-nous par ailleurs de la réflexion sur les ressources propres ? J'ai appris qu'Alain Lamassoure - qui n'a pu venir cet après-midi - allait prochainement s'exprimer sur le sujet sous le titre « Des improbables ressources propres ». Comme je l'en sais fervent partisan, son scepticisme m'inquiète quelque peu.

Nous devons également nous interroger sur notre politique en matière d'emprunt - mais cela a été évoqué tout à l'heure.

Enfin, ne faudrait-il pas élargir les objectifs de la BCE au-delà des seuls objectifs d'inflation, qui ont été atteints ? Je pense par exemple à la croissance.

Il faut également poser la question de la politique de change européenne, qui apparaît souvent comme une simple résultante des politiques de change chinoise et américaine, et non comme le fruit d'une véritable politique.

Enfin, la Cour des comptes européenne ne devrait-elle pas jouer, à l'instar de notre Cour des comptes française, un rôle plus important en matière de contrôle budgétaire ? Cela permettrait de renforcer ce dernier, à un moment où l'on peut se demander si l'Europe est capable d'aller au-delà des bonnes intentions pour mettre en oeuvre tous les mécanismes dont nous parlons. A cet égard, avons-nous dressé un bilan de la politique de régulation au niveau mondial ? Je crains que rien n'ait véritablement changé. Le commissaire Michel Barnier a d'ailleurs expliqué publiquement qu'il n'avait pas le sentiment d'avoir été à cet égard parfaitement entendu.

A moyen et à long terme, le gouvernement économique européen devra donc être conforté, afin de pouvoir s'assurer régulièrement que les mesures prises sont correctement mises en oeuvre et portent leurs fruits. Il conviendra de toute façon de compléter ce qui a pu être fait aujourd'hui.

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