Intervention de Bernadette Bourzai

Commission des affaires européennes — Réunion du 9 novembre 2011 : 1ère réunion
Budget de l'union européenne — Les ressources propres du budget de l'union européenne - communication de m. pierre bernard-reymond

Photo de Bernadette BourzaiBernadette Bourzai :

Sous l'impulsion de la présidence polonaise de l'Union, la Commission européenne et le Parlement européen ont invité les parlementaires des États membres à une conférence sur le cadre financier pluriannuel pour les années 2014-2020. J'ai eu l'honneur d'y représenter le Sénat, l'Assemblée nationale étant pour sa part représentée par M. Yves Bur. Le ministre chargé des affaires européennes, M. Jean Leonetti, nous avait auparavant réunis et nous avons tenté de faire entendre une voix française.

Il peut être utile de vous en donner un premier écho aujourd'hui pour compléter les propos de notre collègue Pierre Bernard-Reymond. En effet, l'une des tables rondes de cette conférence portait sur les ressources propres et les résultats de cette table ronde ont fait l'objet d'un rapport devant l'ensemble des participants à la réunion. J'ai, pour ma part, assisté à une autre table ronde sur les dépenses de l'UE pour 2014-2020 dont était rapporteur M. Reimer Böge, qu'en tant qu'ancienne députée européenne, j'ai eu plaisir à retrouver.

Je n'insisterai pas sur les propos du commissaire Semeta, chargé de la fiscalité, puisque Pierre Bernard-Reymond vient de nous exposer les propositions de la Commission européenne. Je parlerai plutôt de la manière dont ces propositions ont été perçues par les parlementaires présents et les représentants des gouvernements.

De manière générale, la plupart des intervenants ont semblé ouverts à l'idée d'une réforme du financement de l'UE. Quels sont les arguments avancés pour soutenir les propositions de la Commission ? D'abord, il importe de ne plus faire dériver le financement de l'UE des budgets nationaux pour qu'il n'y ait plus de concurrence sur les mêmes ressources fiscales. Ensuite, la création d'une fiscalité proprement européenne pourrait être un moyen pour que les citoyens de l'UE s'approprient le projet européen, conformément à l'intuition première des pères fondateurs de l'Europe. Opposés à cet argument, quelques parlementaires ont à l'inverse exprimé la crainte que l'UE ne soit diabolisée, pour avoir créé de nouvelles taxes destinées à la financer. Enfin, la plupart des parlementaires ont marqué leur volonté d'en finir avec le caractère injuste de la quarantaine de dérogations qui existent dans la décision « ressources propres » en vigueur depuis 2006. Une parlementaire danoise, Mme Jensen, a même rapporté des propos de Tony Blair à l'issue de cette négociation ardue de 2006 : « La prochaine fois, on se tuera les uns les autres ! ».

Le débat qui s'est ensuite engagé a surtout porté sur la taxe sur les transactions financières. En effet, les propositions détaillées de la Commission en matière de TVA n'étaient pas encore sur la table et une certaine confusion régnait sur ce sujet : le commissaire a simplement précisé qu'il ne s'agissait pas de rajouter un point de TVA à la TVA existante dans tous les États membres mais de la ponctionner d'un point pour abonder le budget de l'UE, ce qui viendrait en diminution des contributions nationales.

Concernant la taxe sur les transactions financières (TTF), la grande majorité des parlementaires se sont montrés favorables à cette idée. La plupart ont jugé qu'il était juste de taxer le secteur financier, aidé par des fonds publics et exempté de TVA : cela constituait une forme de « juste retour », ou même, selon certains, une application du principe pollueur-payeur ! Alain Lamassoure, président de la commission du budget du Parlement européen, s'est aussi félicité que la Commission, en proposant un impôt à base large et taux faible, veille à minimiser les distorsions.

Sans surprise, des voix discordantes se sont fait entendre de la part des Suédois, des Britanniques et, dans une moindre mesure, des Finlandais et des Danois. Évoquant l'expérience de son pays, la Suède, M. Andersson a reconnu que le secteur financier devait prendre sa part du fardeau mais a estimé que la taxe proposée par la Commission n'était pas le meilleur moyen pour cela. Il a ainsi évoqué l'impact très négatif qu'avait eu en Suède la taxe sur les obligations créée à la fin des années 1980 : durant la première semaine qui avait suivi l'entrée en vigueur de la taxe, le volume des négociations d'obligations avait chuté de 85 % ! Les recettes retirées furent donc très décevantes par rapport aux attentes.

En réponse, plusieurs parlementaires ont estimé que cet échec de la taxe sur les transactions financières en Suède démontrait a contrario la nécessité de prévoir une telle taxe à l'échelle de l'UE et non pas au seul échelon national.

Le Royaume-Uni, pour sa part, a surtout dénoncé la confusion des objectifs poursuivis par la Commission : la taxe sur les transactions financières a-t-elle pour objectif d'abonder le budget de l'UE, d'aider les pays en développement, de freiner la spéculation financière ou de diminuer les distorsions liées aux diverses fiscalités nationales dans le domaine financier ? Les parlementaires britanniques ont jugé nécessaire de clarifier les objectifs de la TTF, sans quoi cette taxe serait vouée à l'échec. Ils se sont aussi employés à montrer que la TTF envisagée par la Commission européenne n'était pas comparable au droit de timbre qui frappe, au Royaume-Uni, la vente de titres britanniques. Les opérations effectuées par des non-résidents et les transactions de valeurs mobilières étrangères n'y étant pas taxées, plus de 77 % des transactions seraient en fait exemptes du droit de timbre au Royaume-Uni. Lord Harrison a renvoyé à un rapport du Parlement britannique contestant l'analogie entre le « duty stamp » britannique et le projet de TTF européenne.

En réponse, le commissaire Semeta a insisté sur la nécessité de garder l'esprit ouvert sur les propositions de la Commission. Il a fait valoir que le droit de timbre n'empêchait pas la place de Londres d'être une place financière majeure et que la TTF permettrait simplement de « mettre du sable dans les roues » du « trading haute fréquence », sans préjudice pour l'économie réelle. Enfin, il a reconnu la possibilité d'un léger impact récessif de la TTF (- 0,5 point de PIB), mais il a estimé que n'importe quelle autre taxe produisant le même rendement aurait un effet encore pire sur le PIB de l'UE.

Le commissaire Semeta a conclu en rappelant qu'en matière de ressources propres, le Conseil était seul à même de décider mais que les parlements nationaux auraient à ratifier la décision. Il a donc jugé excellent de poursuivre la discussion ouverte lors de cette réunion. La présidence danoise a déjà annoncé une deuxième conférence de ce type.

Je tiens toutefois à souligner, pour finir, que le Parlement européen, par la voix de son président de la commission du budget, a marqué sa volonté de s'immiscer également dans le débat, même si la procédure lui confère un rôle seulement consultatif en matière de ressources propres : Alain Lamassoure a en effet assuré que, pour le Parlement européen, il n'y aurait pas d'accord sur le cadre financier 2014-2020 s'il n'y avait pas d'accord politique sur la création de nouvelles ressources. Je note d'ailleurs que, lors de la table ronde consacrée aux dépenses de l'UE, M. Reimer Böge a fait la même déclaration...

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