Intervention de Jean-Luc Mélenchon

Réunion du 13 avril 2006 à 15h00
Accès des jeunes à la vie active en entreprise — Articles additionnels avant l'article 1er

Photo de Jean-Luc MélenchonJean-Luc Mélenchon :

... ou bien ils attendront d'avoir 16 ans !

Vous faites une erreur économique, peut-être par idéologie, parce que quelqu'un vous aura dit qu'il n'y a rien au-dessus du travail manuel et que vous continuez à croire que le travail manuel, la reproduction du geste professionnel, qui est le fondement de l'apprentissage et qui ne concerne que quelques branches, est la règle qui continue à prévaloir dans l'industrie. C'est faux ! Comment faut-il vous l'expliquer ? Le savoir-faire professionnel dit « manuel » nécessite aujourd'hui des apprentissages généraux. Les industriels qui sont présents dans cet hémicycle ou ceux qui ont la pratique de ces métiers pourront vous le dire.

Je laisse de côté cette erreur, qui nous conduira à une pénurie de main-d'oeuvre qualifiée. Quand vous aurez placé des enfants de cet âge en apprentissage, ils se sauveront en courant au bout de trois mois, comme c'est déjà le cas pour plus de 25 % des contrats d'apprentissage.

J'aimerais savoir quelles branches ont demandé des apprentis de 14 ans, monsieur le ministre. Je vous ai lu avec soin ! Vous êtes parti de l'idée que des enfants s'ennuyaient au collège et qu'il fallait leur proposer une autre voie. Mais il existe déjà une autre voie : le lycée professionnel. Les enfants ne sont pas obligés d'aller en apprentissage !

À supposer que nous fassions ce que vous nous proposez, monsieur le ministre, des branches vous ont-elles dit qu'elles prendraient des enfants de 14 ans qui n'aiment pas aller à l'école, qui ont des difficultés caractérielles, qu'elles s'en occuperait et qu'elles leur apprendrait un métier ? Cela n'existe pas ! Les entreprises ne sont pas des lieux de formation pour des personnalités aussi troublées !

Pour être apprenti, il faut être stable, courageux, travailleur. Il faut se lever le matin. L'apprentissage, c'est très dur ; ce n'est pas une maison de redressement.

Alors, dites nous, monsieur le ministre, quelles sont les branches professionnelles qui ont exprimé un tel souhait. Car les seules qui me l'ont demandé représentaient une partie du secteur de la restauration et la discussion n'a pas duré cinq minutes, parce que leurs représentants ont reconnu que, même à 14 ans, ils n'étaient pas capables d'assurer au jeune la formation nécessaire en termes de qualité de services.

Comment éviterez-vous les effets pervers, monsieur le ministre - il faudrait plutôt poser la question à M. de Robien -surtout quand certains prétendent que c'est dès l'âge de 3 ans que les enfants sont « tordus » et que l'on ne peut pas les redresser, ce qui est la négation de tout humanisme ? Lorsque des jeunes arriveront en classe de sixième ou de cinquième à l'âge de 11 ans ou 12 ans, avec un ou deux ans de retard, de beaux esprits diront : « celui-là est bon pour l'apprentissage ». Ils « décrocheront » donc non pas à 14 ans, mais à 12 ans, parce que plus personne ne se sentira responsable d'eux.

Monsieur le ministre, nous vous demandons de nous écouter et de prendre en considération nos arguments. Nous le disons non pas pour vous embêter ou pour vous nuire, mais dans l'intérêt du pays. Nous avons autant de connaissances que vous sur l'éducation des jeunes enfants, parfois peut-être même plus. Il est des sujets sur lesquels vous êtes meilleurs que nous, mais là c'est nous qui avons raison et nous le plaidons au nom de l'histoire même de l'éducation nationale.

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