Intervention de Simon Sutour

Commission des affaires européennes — Réunion du 30 mai 2013 : 1ère réunion
Politique de coopération — Bilan de l'activité de l'assemblée parlementaire de l'union pour la méditerranée ap-upm

Photo de Simon SutourSimon Sutour, président :

Je tenais à faire avec vous une sorte de compte rendu de mandat, à mi-parcours, de ma participation à l'Ap-UpM où j'ai l'honneur de représenter le Sénat. Comme vous le savez, l'Ap-UpM est le volet parlementaire de l'Union pour la Méditerranée qui est aujourd'hui le pilier méditerranéen de la politique de voisinage de l'Union Européenne.

L'Ap-UpM est née en 2004 à la suite du Processus de Barcelone, lui-même lancé en 1995 et précurseur de l'UpM. Réuni pour la première fois à Bruxelles en octobre 1998 pour donner au partenariat euro-méditerranéen une dimension parlementaire, le Forum parlementaire euro-méditerranéen était composé de délégués du Parlement européen, des parlements des États membres de l'Union européenne (Union européenne) et des pays partenaires du Sud. La transformation du Forum en une véritable Assemblée parlementaire euro-méditerranéenne (APEM) a été proposée dans une résolution du Parlement européen et approuvée lors de la cinquième Conférence euro-méditerranéenne des ministres des affaires étrangères, tenue à Valence en avril 2002. La session inaugurale de l'APEM s'est tenue en Grèce en mars 2004.

À sa sixième session plénière, tenue à Amman en mars 2010, l'APEM a changé son nom pour celui d'Assemblée parlementaire de l'UpM (Ap-UpM), soulignant ainsi son rôle unique en tant que seul organe parlementaire de l'UpM, assurant un contrôle démocratique et une fonction consultative. Il s'agissait également de distinguer cette assemblée de l'APM qui réunit, elle, des représentants des parlements des pays riverains de la Méditerranée et siège à La Valette dans un cadre indépendant de l'Union européenne.

Trois sessions plénières ont eu lieu depuis ce changement de nom : l'une à Rome, en mars 2011, la seconde à Rabat, en mars 2012 et la troisième à Bruxelles en avril 2013. Je me suis rendu à Rabat et à Bruxelles.

L'Ap-UpM a un rôle consultatif et elle permet surtout de faire le lien indispensable entre les parlements nationaux et l'UpM. L'Ap-UpM accompagne la consolidation du partenariat euro-méditerranéen.

L'Ap-UpM comprend 280 membres répartis à égalité entre la rive Nord et la rive Sud de la Méditerranée. Cependant il est très important de rappeler que pour les 140 membres de la rive Nord, on distingue les représentants du Parlement européen (49 membres), les représentants des parlements nationaux des 27 États membres de l'Union européenne (81 membres) et les représentants des parlements nationaux des 10 États non membres de l'Union européenne (10 membres).

La France a trois représentants : 2 pour l'Assemblée nationale et un pour le Sénat, fonction qui m'est échue depuis le dernier renouvellement de notre assemblée en septembre 2011 et dans laquelle j'ai remplacé notre collègue Robert del Picchia.

L'Union interparlementaire arabe, le Parlement arabe, la Libye, le Comité des régions de l'Union européenne et le Comité économique et social européen font partie des observateurs permanents auprès de l'Assemblée.

Je tiens à souligner que l'Ap-UpM est un des rares organes parlementaires au sein desquels Israéliens, Palestiniens et autres représentants élus de pays arabes débattent autour d'une même table.

La coordination des travaux de l'Assemblée est du ressort de son Bureau qui se compose de quatre membres nommés pour un mandat de quatre ans : deux membres désignés par les pays partenaires du sud de la Méditerranée, un par les parlements des États membres de l'Union européenne et un par le Parlement européen (qui est membre permanent du Bureau).

La présidence tournante de l'Ap-UpM échoit chaque année à un membre différent du Bureau, en veillant à la parité et à l'alternance de présidents du nord et du sud. Aujourd'hui la présidence, qui était assurée depuis mars 2012 par Martin SCHULZ, Président du Parlement européen, est entre les mains de la Jordanie depuis la plénière de Bruxelles en avril dernier.

L'Ap-UpM compte cinq commissions permanentes :

- la Commission politique, de la sécurité et des droits de l'homme, commission à laquelle j'appartiens, dont je suis le vice-président et qui se réunit au minimum deux fois par an à Bruxelles ;

- la Commission des affaires économiques et financières, des affaires sociales et de l'éducation ;

- la Commission pour la promotion de la qualité de vie, les échanges entre les sociétés civiles et la culture ;

- la Commission des droits de la femme ;

- la Commission de l'énergie, de l'environnement et de l'eau, commission à laquelle j'appartiens également puisqu'il est possible d'appartenir à deux commissions. Depuis que j'en suis membre, la Commission s'est réunie deux fois par an (à Bruxelles, Vienne, Rabat, Berlin et Stockholm).

Bien que par nature, les pouvoirs de l'Ap-UpM restent restreints, je crois qu'on peut dire que l'Ap-UpM a bénéficié du renforcement de l'organisation et des objectifs de l'UpM ainsi que de la nouvelle impulsion donnée par le Président Schulz. L'Ap-UpM adopte des résolutions ou des recommandations (qui ne sont pas juridiquement contraignantes) sur tous les aspects de la coopération euro-méditerranéenne qui sont du ressort des organes exécutifs de l'UpM, du Conseil de l'Union européenne, de la Commission européenne et des gouvernements nationaux des pays partenaires. Ces textes sont normalement adoptés par consensus à condition que plus de la moitié des membres de chacune des deux composantes (pays du Nord et pays du Sud) de l'Assemblée soit présente. En cas d'impossibilité, les décisions peuvent être prises à la majorité qualifiée des deux tiers.

On rappellera aussi que, créée lors d'un sommet tenu à Paris en juillet 2008 pour succéder au Processus de Barcelone, l'Union pour la Méditerranée a fini par absorber le partenariat euro-méditerranéen (dit aussi Euromed ou Processus de Barcelone) et confère à la région un cadre de coopération multilatéral.

La déclaration de Barcelone avait proclamé trois séries d'objectifs : partenariat politique et de sécurité, partenariat économique et financier, et partenariat social, culturel et humain. Mais aujourd'hui six projets concrets ont été sélectionnés comme priorités pour l'UpM : dépollution de la Méditerranée; autoroutes maritimes et terrestres; énergie solaire ; programmes de recherche régionaux ; programmes conjoints de protection de la population en cas de catastrophe ; développement commercial des petites et moyennes entreprises.

Une autre innovation récente de l'UpM est son organisation institutionnelle fixe : une coprésidence de deux ans est assurée par le Service européen pour l'action extérieure (sous l'autorité de la Haute représentante/vice-présidente de la Commission, Catherine Ashton) et par l'un des pays partenaires du Sud. La rive Nord devrait donc être toujours représentée par le chef du SEAE. Pour le Sud, je dois reconnaître qu'aujourd'hui, seuls deux pays peuvent de facto assurer la coprésidence sans heurter les susceptibilités : ce sont le Maroc et la Jordanie, et la même chose est vraie pour la présidence de l'Ap-UpM et pour le Secrétariat général.

Le Secrétariat général de l'UpM est situé à Barcelone (le Secrétaire général en est actuellement le diplomate marocain Fathallah Sijilmassi). Son rôle est de déterminer et de promouvoir des projets, de lever des fonds, de coordonner les partenaires entre eux, d'améliorer la visibilité de l'UpM et de tisser des liens avec d'autres institutions.

Comme je vous le disais, le Parlement européen a pris la présidence tournante de l'Ap-UpM lors de la huitième session plénière, tenue à Rabat en mars 2012 et a réussi à donner une impulsion nouvelle aux travaux de l'Ap-UpM. Le Président du Parlement, Martin Schulz, a déclaré, lors de son investiture, que « suite à la vague de révoltes en faveur de la démocratie, survenue dans la région en 2011 et connue sous le nom de réveil arabe, 2012 [devait] être l'année qui verr[ait] disparaître l'écart entre intentions et actions dans la relation euro-méditerranéenne ». Selon lui, la Méditerranée peut donc jouer un rôle de levier efficace tant pour les intérêts de l'Union que pour ceux de ses voisins du Sud : relancer la croissance économique sur les deux rives aiderait naturellement à consolider la démocratie dans les pays en cours de transition et à redonner un nouvel élan aux économies de l'Union, en particulier celles du Sud, les plus touchées par la crise.

Dans ce nouveau contexte, l'un des objectifs globaux de la coopération euro-méditerranéenne a donc été d'adapter la politique européenne de voisinage (PEV) à l'évolution politique en cours au Moyen-Orient et en Afrique du Nord. Le but reste d'apporter un soutien aux projets concrets (par exemple : gestion de l'eau, investissement dans des réseaux d'énergie renouvelable et de transport), ainsi qu'aux acteurs qui doivent jouer un rôle essentiel dans la consolidation démocratique de la région (société civile, jeunes et femmes).

Dans le domaine économique, le besoin de créer de nouveaux emplois se fait sentir, particulièrement pour la jeunesse méditerranéenne. Or, pour y parvenir, il faudra développer la formation et la mobilité des travailleurs, notamment les jeunes. À leur tour, ces changements viendront intensifier le commerce intra-régional et interrégional et renforcer la coopération Sud-Sud dans la région méditerranéenne.

Aujourd'hui il existe un consensus sur ce que doit faire l'Ap-UpM, à savoir :

- renforcer le parlementarisme dans un contexte de transition démocratique,

- servir de relais entre l'UpM et les citoyens et évaluer l'état d'avancement des projets de l'UpM,

- donner de l'élan à l'UpM et au partenariat euro-méditerranéen en lançant de nouvelles initiatives et de nouveaux projets.

Ces ambitions se sont retrouvées dans le travail de toutes les commissions de l'Ap-UpM et exigeront désormais une étroite coopération tant avec le Secrétariat général de l'UpM qu'avec la société civile. Les résolutions adoptées lors de la dernière plénière de l'Ap-UpM reflètent le consensus qui anime l'assemblée et tiennent compte de la situation actuelle sur la rive Sud de la Méditerranée. Les cinq résolutions adoptées en avril 2013 concernent les sujets suivants :

- le soutien aux sociétés et aux parlements des pays en transformation démocratique,

- le renforcement des énergies renouvelables, l'établissement d'éco-cités et de parcs sous-marins et le lancement de campagnes « Let's do it »,

- le renforcement du dialogue interculturel et du partage des savoirs,

- le renforcement de la mobilité des entreprises,

- l'affirmation du rôle des femmes dans la redistribution des pouvoirs

Cependant si l'Ap-UpM a pris sa place dans le concert euro-méditerranéen et si le rôle de l'Ap-UpM en tant qu'aiguillon de l'UpM n'est plus à démontrer - j'en veux pour preuve que les crédits consacrés par l'Union européenne à la politique méditerranéenne ont augmenté depuis 2008 de 30 % pour se fixer à 8 milliards d'euros et qu'on attend plus encore dans le prochain cadre financier, elle se heurte encore à des vents contraires.

L'Ap-UpM est un indispensable forum qui permet à la rive Nord, et particulièrement à nos collègues d'Europe du Nord - d'abord sceptiques -, de mesurer l'importance stratégique et économique de la Méditerranée ; en outre, l'Ap-UpM fournit aussi une tribune et un lieu de rencontre à l'ensemble de la rive Sud où les blocages et les difficultés sont nombreux (conflit israélo-palestinien et ressentiment anticolonial naturellement, mais aussi problème de l'insécurité libyenne, hostilité Maroc/Algérie, importance croissante de la Turquie, déclin économique lié à l'instabilité politique, querelle entre islam dit modéré et islam salafiste...).

L'Ap-UpM permet aussi d'aborder sinon d'estomper une certaine forme d'inquiétude de la rive Sud à l'égard de l'Union européenne et de l'UpM : chaque pays du Sud restant très désireux de ne pas mettre en péril sa relation directe bilatérale et spécifique avec la Commission et aussi avec certains pays importants tournés vers le Sud comme la France, l'Italie ou l'Espagne. L'Ap-UpM est donc un lieu de rencontres et d'échanges où les pays apprennent à s'apprivoiser, un lieu où l'on apprend à être plus réaliste et plus efficace dans nos ambitions quand il s'agit d'aide au développement et de relations Nord/Sud.

L'aspect le plus positif, ce sont les échanges avec les représentants des pays de la rive Sud, qui sont géographiquement proches et avec qui nous avons une histoire commune. Le statut avancé du Maroc et la candidature de la Turquie sont deux aspects d'un rapprochement. L'avenir de l'Union est certes en partie à l'Est, mais il est aussi au Sud.

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