Commission des affaires européennes

Réunion du 30 mai 2013 : 1ère réunion

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • alimentaire
  • gaspillage
  • transposition

La réunion

Source

Debut de section - PermalienPhoto de Simon Sutour

Je tenais à faire avec vous une sorte de compte rendu de mandat, à mi-parcours, de ma participation à l'Ap-UpM où j'ai l'honneur de représenter le Sénat. Comme vous le savez, l'Ap-UpM est le volet parlementaire de l'Union pour la Méditerranée qui est aujourd'hui le pilier méditerranéen de la politique de voisinage de l'Union Européenne.

L'Ap-UpM est née en 2004 à la suite du Processus de Barcelone, lui-même lancé en 1995 et précurseur de l'UpM. Réuni pour la première fois à Bruxelles en octobre 1998 pour donner au partenariat euro-méditerranéen une dimension parlementaire, le Forum parlementaire euro-méditerranéen était composé de délégués du Parlement européen, des parlements des États membres de l'Union européenne (Union européenne) et des pays partenaires du Sud. La transformation du Forum en une véritable Assemblée parlementaire euro-méditerranéenne (APEM) a été proposée dans une résolution du Parlement européen et approuvée lors de la cinquième Conférence euro-méditerranéenne des ministres des affaires étrangères, tenue à Valence en avril 2002. La session inaugurale de l'APEM s'est tenue en Grèce en mars 2004.

À sa sixième session plénière, tenue à Amman en mars 2010, l'APEM a changé son nom pour celui d'Assemblée parlementaire de l'UpM (Ap-UpM), soulignant ainsi son rôle unique en tant que seul organe parlementaire de l'UpM, assurant un contrôle démocratique et une fonction consultative. Il s'agissait également de distinguer cette assemblée de l'APM qui réunit, elle, des représentants des parlements des pays riverains de la Méditerranée et siège à La Valette dans un cadre indépendant de l'Union européenne.

Trois sessions plénières ont eu lieu depuis ce changement de nom : l'une à Rome, en mars 2011, la seconde à Rabat, en mars 2012 et la troisième à Bruxelles en avril 2013. Je me suis rendu à Rabat et à Bruxelles.

L'Ap-UpM a un rôle consultatif et elle permet surtout de faire le lien indispensable entre les parlements nationaux et l'UpM. L'Ap-UpM accompagne la consolidation du partenariat euro-méditerranéen.

L'Ap-UpM comprend 280 membres répartis à égalité entre la rive Nord et la rive Sud de la Méditerranée. Cependant il est très important de rappeler que pour les 140 membres de la rive Nord, on distingue les représentants du Parlement européen (49 membres), les représentants des parlements nationaux des 27 États membres de l'Union européenne (81 membres) et les représentants des parlements nationaux des 10 États non membres de l'Union européenne (10 membres).

La France a trois représentants : 2 pour l'Assemblée nationale et un pour le Sénat, fonction qui m'est échue depuis le dernier renouvellement de notre assemblée en septembre 2011 et dans laquelle j'ai remplacé notre collègue Robert del Picchia.

L'Union interparlementaire arabe, le Parlement arabe, la Libye, le Comité des régions de l'Union européenne et le Comité économique et social européen font partie des observateurs permanents auprès de l'Assemblée.

Je tiens à souligner que l'Ap-UpM est un des rares organes parlementaires au sein desquels Israéliens, Palestiniens et autres représentants élus de pays arabes débattent autour d'une même table.

La coordination des travaux de l'Assemblée est du ressort de son Bureau qui se compose de quatre membres nommés pour un mandat de quatre ans : deux membres désignés par les pays partenaires du sud de la Méditerranée, un par les parlements des États membres de l'Union européenne et un par le Parlement européen (qui est membre permanent du Bureau).

La présidence tournante de l'Ap-UpM échoit chaque année à un membre différent du Bureau, en veillant à la parité et à l'alternance de présidents du nord et du sud. Aujourd'hui la présidence, qui était assurée depuis mars 2012 par Martin SCHULZ, Président du Parlement européen, est entre les mains de la Jordanie depuis la plénière de Bruxelles en avril dernier.

L'Ap-UpM compte cinq commissions permanentes :

- la Commission politique, de la sécurité et des droits de l'homme, commission à laquelle j'appartiens, dont je suis le vice-président et qui se réunit au minimum deux fois par an à Bruxelles ;

- la Commission des affaires économiques et financières, des affaires sociales et de l'éducation ;

- la Commission pour la promotion de la qualité de vie, les échanges entre les sociétés civiles et la culture ;

- la Commission des droits de la femme ;

- la Commission de l'énergie, de l'environnement et de l'eau, commission à laquelle j'appartiens également puisqu'il est possible d'appartenir à deux commissions. Depuis que j'en suis membre, la Commission s'est réunie deux fois par an (à Bruxelles, Vienne, Rabat, Berlin et Stockholm).

Bien que par nature, les pouvoirs de l'Ap-UpM restent restreints, je crois qu'on peut dire que l'Ap-UpM a bénéficié du renforcement de l'organisation et des objectifs de l'UpM ainsi que de la nouvelle impulsion donnée par le Président Schulz. L'Ap-UpM adopte des résolutions ou des recommandations (qui ne sont pas juridiquement contraignantes) sur tous les aspects de la coopération euro-méditerranéenne qui sont du ressort des organes exécutifs de l'UpM, du Conseil de l'Union européenne, de la Commission européenne et des gouvernements nationaux des pays partenaires. Ces textes sont normalement adoptés par consensus à condition que plus de la moitié des membres de chacune des deux composantes (pays du Nord et pays du Sud) de l'Assemblée soit présente. En cas d'impossibilité, les décisions peuvent être prises à la majorité qualifiée des deux tiers.

On rappellera aussi que, créée lors d'un sommet tenu à Paris en juillet 2008 pour succéder au Processus de Barcelone, l'Union pour la Méditerranée a fini par absorber le partenariat euro-méditerranéen (dit aussi Euromed ou Processus de Barcelone) et confère à la région un cadre de coopération multilatéral.

La déclaration de Barcelone avait proclamé trois séries d'objectifs : partenariat politique et de sécurité, partenariat économique et financier, et partenariat social, culturel et humain. Mais aujourd'hui six projets concrets ont été sélectionnés comme priorités pour l'UpM : dépollution de la Méditerranée; autoroutes maritimes et terrestres; énergie solaire ; programmes de recherche régionaux ; programmes conjoints de protection de la population en cas de catastrophe ; développement commercial des petites et moyennes entreprises.

Une autre innovation récente de l'UpM est son organisation institutionnelle fixe : une coprésidence de deux ans est assurée par le Service européen pour l'action extérieure (sous l'autorité de la Haute représentante/vice-présidente de la Commission, Catherine Ashton) et par l'un des pays partenaires du Sud. La rive Nord devrait donc être toujours représentée par le chef du SEAE. Pour le Sud, je dois reconnaître qu'aujourd'hui, seuls deux pays peuvent de facto assurer la coprésidence sans heurter les susceptibilités : ce sont le Maroc et la Jordanie, et la même chose est vraie pour la présidence de l'Ap-UpM et pour le Secrétariat général.

Le Secrétariat général de l'UpM est situé à Barcelone (le Secrétaire général en est actuellement le diplomate marocain Fathallah Sijilmassi). Son rôle est de déterminer et de promouvoir des projets, de lever des fonds, de coordonner les partenaires entre eux, d'améliorer la visibilité de l'UpM et de tisser des liens avec d'autres institutions.

Comme je vous le disais, le Parlement européen a pris la présidence tournante de l'Ap-UpM lors de la huitième session plénière, tenue à Rabat en mars 2012 et a réussi à donner une impulsion nouvelle aux travaux de l'Ap-UpM. Le Président du Parlement, Martin Schulz, a déclaré, lors de son investiture, que « suite à la vague de révoltes en faveur de la démocratie, survenue dans la région en 2011 et connue sous le nom de réveil arabe, 2012 [devait] être l'année qui verr[ait] disparaître l'écart entre intentions et actions dans la relation euro-méditerranéenne ». Selon lui, la Méditerranée peut donc jouer un rôle de levier efficace tant pour les intérêts de l'Union que pour ceux de ses voisins du Sud : relancer la croissance économique sur les deux rives aiderait naturellement à consolider la démocratie dans les pays en cours de transition et à redonner un nouvel élan aux économies de l'Union, en particulier celles du Sud, les plus touchées par la crise.

Dans ce nouveau contexte, l'un des objectifs globaux de la coopération euro-méditerranéenne a donc été d'adapter la politique européenne de voisinage (PEV) à l'évolution politique en cours au Moyen-Orient et en Afrique du Nord. Le but reste d'apporter un soutien aux projets concrets (par exemple : gestion de l'eau, investissement dans des réseaux d'énergie renouvelable et de transport), ainsi qu'aux acteurs qui doivent jouer un rôle essentiel dans la consolidation démocratique de la région (société civile, jeunes et femmes).

Dans le domaine économique, le besoin de créer de nouveaux emplois se fait sentir, particulièrement pour la jeunesse méditerranéenne. Or, pour y parvenir, il faudra développer la formation et la mobilité des travailleurs, notamment les jeunes. À leur tour, ces changements viendront intensifier le commerce intra-régional et interrégional et renforcer la coopération Sud-Sud dans la région méditerranéenne.

Aujourd'hui il existe un consensus sur ce que doit faire l'Ap-UpM, à savoir :

- renforcer le parlementarisme dans un contexte de transition démocratique,

- servir de relais entre l'UpM et les citoyens et évaluer l'état d'avancement des projets de l'UpM,

- donner de l'élan à l'UpM et au partenariat euro-méditerranéen en lançant de nouvelles initiatives et de nouveaux projets.

Ces ambitions se sont retrouvées dans le travail de toutes les commissions de l'Ap-UpM et exigeront désormais une étroite coopération tant avec le Secrétariat général de l'UpM qu'avec la société civile. Les résolutions adoptées lors de la dernière plénière de l'Ap-UpM reflètent le consensus qui anime l'assemblée et tiennent compte de la situation actuelle sur la rive Sud de la Méditerranée. Les cinq résolutions adoptées en avril 2013 concernent les sujets suivants :

- le soutien aux sociétés et aux parlements des pays en transformation démocratique,

- le renforcement des énergies renouvelables, l'établissement d'éco-cités et de parcs sous-marins et le lancement de campagnes « Let's do it »,

- le renforcement du dialogue interculturel et du partage des savoirs,

- le renforcement de la mobilité des entreprises,

- l'affirmation du rôle des femmes dans la redistribution des pouvoirs

Cependant si l'Ap-UpM a pris sa place dans le concert euro-méditerranéen et si le rôle de l'Ap-UpM en tant qu'aiguillon de l'UpM n'est plus à démontrer - j'en veux pour preuve que les crédits consacrés par l'Union européenne à la politique méditerranéenne ont augmenté depuis 2008 de 30 % pour se fixer à 8 milliards d'euros et qu'on attend plus encore dans le prochain cadre financier, elle se heurte encore à des vents contraires.

L'Ap-UpM est un indispensable forum qui permet à la rive Nord, et particulièrement à nos collègues d'Europe du Nord - d'abord sceptiques -, de mesurer l'importance stratégique et économique de la Méditerranée ; en outre, l'Ap-UpM fournit aussi une tribune et un lieu de rencontre à l'ensemble de la rive Sud où les blocages et les difficultés sont nombreux (conflit israélo-palestinien et ressentiment anticolonial naturellement, mais aussi problème de l'insécurité libyenne, hostilité Maroc/Algérie, importance croissante de la Turquie, déclin économique lié à l'instabilité politique, querelle entre islam dit modéré et islam salafiste...).

L'Ap-UpM permet aussi d'aborder sinon d'estomper une certaine forme d'inquiétude de la rive Sud à l'égard de l'Union européenne et de l'UpM : chaque pays du Sud restant très désireux de ne pas mettre en péril sa relation directe bilatérale et spécifique avec la Commission et aussi avec certains pays importants tournés vers le Sud comme la France, l'Italie ou l'Espagne. L'Ap-UpM est donc un lieu de rencontres et d'échanges où les pays apprennent à s'apprivoiser, un lieu où l'on apprend à être plus réaliste et plus efficace dans nos ambitions quand il s'agit d'aide au développement et de relations Nord/Sud.

L'aspect le plus positif, ce sont les échanges avec les représentants des pays de la rive Sud, qui sont géographiquement proches et avec qui nous avons une histoire commune. Le statut avancé du Maroc et la candidature de la Turquie sont deux aspects d'un rapprochement. L'avenir de l'Union est certes en partie à l'Est, mais il est aussi au Sud.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernadette Bourzai

Je félicite le Président pour la qualité de son compte rendu de mandat et il me semble que nous devrions faire la même chose pour le Conseil de l'Europe. Sur le fond, je partage votre position et que je crois que l'Europe doit se tourner davantage vers la Méditerranée, car nous avons eu avec l'autre rive des rapports longs et forts, et maintenant ces pays connaissent une situation politique et économique difficile qui doit nous amener à les aider davantage. Le statut d'association avancée avec l'Union européenne semble un bon outil, on le voit avec le Maroc. Il nous appartient de faire progresser la démocratie en Méditerranée, les droits de l'homme et surtout les droits de la femme.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernadette Bourzai

Je me suis intéressée à ce sujet depuis plusieurs années parce que j'ai toujours été choquée par le fait que l'on gaspille de la nourriture. Sans doute parce que j'ai eu faim lorsque j'étais enfant - ce sont des choses qui vous restent - et que par ailleurs je suis saisie du contraste entre le gaspillage et la situation de millions de personnes en Europe et du milliard d'êtres humains dans le monde qui souffrent de la faim. Dans la réflexion sur l'avenir de la PAC et la nécessité de nourrir bientôt neuf milliards d'humains, il me paraissait important que l'on puisse mesurer l'ampleur du gaspillage alimentaire pour essayer de l'éviter tant dans l'Union européenne que dans le reste du monde, même si les causes sont très différentes.

Les chiffres sont hallucinants et démontrent qu'il y a beaucoup à faire. En Europe, le gaspillage se situe surtout au stade de la consommation et l'on jette même des produits encore emballés. Dans les pays en développement, le gaspillage se situe plutôt au niveau de la récolte, du transport et de la conservation. L'Union européenne pourrait s'atteler à diminuer le gaspillage en Europe et pourrait aider à la mise en place d'équipements pour que les pays du Sud se nourrissent avec ce qu'ils produisent plutôt qu'avec ce qu'on leur vend. La proposition de résolution européenne que je présente est toutefois centrée sur le gaspillage alimentaire dans l'Union européenne, ce qui correspond à des initiatives du Parlement européen et de plusieurs États membres, dont la France.

Le gaspillage alimentaire s'est installé dans nos habitudes de consommation. Il a fallu attendre la publication des chiffres pour que l'opinion prenne la mesure de l'ampleur du phénomène.

Dans le monde, selon la FAO, 2,5 millions de tonnes par minute sont perdues ou gaspillées. Dans l'Union européenne, la Commission européenne a chiffré le gaspillage alimentaire à 89 millions de tonnes par an, soit 179 kg par habitant et par an.

Dans les seules poubelles des ménages français, l'ADEME a évalué le gaspillage alimentaire à 20 kg par an, dont 7 kg de produits alimentaires jetés mais encore emballés !

Après le choc des chiffres, la crise économique a poussé à la mobilisation. Car ce qui pouvait passer pour un effet pervers mais banal de la société d'abondance est devenu intolérable avec la crise.

En France, des associations travaillent depuis longtemps, dans l'ombre, pour que les rebuts alimentaires soient utilisés pour aider les personnes démunies. Mais les initiatives individuelles restent insuffisantes sans une volonté politique forte. C'est désormais le cas.

Dans quelques jours, MM. Stéphane Le Foll et Guillaume Garot vont présenter un Pacte national de lutte contre le gaspillage alimentaire.

En France et en Europe, ces initiatives doivent être encouragées. C'est le but et le sens de cette proposition de résolution.

I. Le gaspillage alimentaire : un phénomène aux contours mal définis mais aux causes et aux conséquences bien identifiées

Traiter du gaspillage alimentaire commence par une ambiguïté. Car le concept même est complexe. Le gaspillage alimentaire peut sembler à première vue, simple à définir : il consiste à jeter des aliments. On s'aperçoit très rapidement que cette définition est insuffisante parce qu'il est difficile de distinguer les déchets, les pertes et le gaspillage.

Pertes et déchets sont des sous-produits de la production et de la consommation tandis que le gaspillage évoque l'idée d'une non utilisation d'un produit qui aurait été consommé s'il avait été acheté à bon escient et utilisé sans attendre qu'il se détériore.

Le gaspillage alimentaire recouvre même des notions différentes selon les époques et les lieux. Dans les années 1980, le gaspillage en Europe était lié aux surplus agricoles. Dans les pays en voie de développement, les pertes alimentaires sont essentiellement liées aux mauvaises conditions de récolte et de stockage. En Europe, le gaspillage est lié davantage à un problème de comportement du consommateur : une tache sur un fruit, une information mal interprétée, rendent le produit non commercialisable.

Cette ambiguïté se retrouve quand il s'agit d'évaluer le phénomène. Les chiffres sont contradictoires, se perdent parfois dans les détails. Mais les études montrent que, partout, le gaspillage progresse et nul ne peut ignorer l'importance tragique du phénomène dans son ensemble.

Malgré ce chiffrage mal cerné, les causes et les conséquences sont, elles, bien définies.

Les deux tiers du gaspillage alimentaire reposent sur les ménages, le tiers restant étant partagé entre l'industrie, la distribution et la restauration.

Le gaspillage en Europe repose essentiellement sur un acte de consommation inadéquat. Une sorte de déviance peut être identifiée à la fois au moment de l'achat et au moment de l'utilisation de la marchandise.

Le marketing est souvent incriminé, l'information donnée aux consommateurs n'est pas toujours adéquate. Il y a une confusion entre les notions de date-limite de consommation (DLC) qui correspond à un critère sanitaire, et de date limite d'utilisation optimale (DLUO) qui correspond à des critères organoleptiques sans conséquence sur la « consommabilité » des produits. Le mot même de « limite », utilisé en France, qui ne figure pas dans la réglementation européenne, est extrêmement déroutant pour les consommateurs et s'avère, en pratique, rédhibitoire y compris pour les associations caritatives qui refusent parfois les dons de produits à la DLUO dépassée.

Le gaspillage intervient également au stade ultime de la consommation. La première cause pour laquelle on jette un produit est tout simplement qu'il n'était pas visible dans le placard et qu'il a été oublié par le consommateur ! Le produit peut être aussi jeté parce que l'usager n'a pas évalué correctement ses besoins au moment de l'achat. Par ailleurs, les modes de vie contemporains ont écarté certaines pratiques qui évitaient ce gaspillage désormais courant chez les ménages français urbains. Il s'agit par exemple d'utiliser les restes, ce qui correspond tout simplement à cuisiner au lieu de faire confiance aux produits de l'industrie agroalimentaire. Tous ces phénomènes combinés ont conduit à banaliser le gaspillage.

Les effets du gaspillage alimentaire sont, eux aussi, bien connus

Curieusement, les effets du gaspillage alimentaire ont d'abord été analysés sous l'angle environnemental. Dès 1995, la Cour des comptes européenne insistait sur les conséquences environnementales des destructions des produits alimentaires. De même, les études de l'ADEME évoquent la perte de ressources en eau et en matières premières ainsi que les émissions des gaz à effet de serre.

L'argument « coût » est aujourd'hui également évoqué. Par exemple, le ministère de l'agriculture estime le coût du gaspillage alimentaire à 400 euros par famille et par an.

Mais ces deux arguments, environnement et coût, sont sans valeur par rapport à l'obscénité du gaspillage face au désespoir de ceux qui souffrent de la faim, que ce soit en Europe et, bien sûr, dans le monde.

II. La proposition de résolution européenne

A. La PPR a d'abord pour but d'amplifier les initiatives nationales

La véritable relance politique de la lutte contre le gaspillage alimentaire a été prise en fin d'année 2012 par MM. Stéphane Le Foll et Guillaume Garot lorsque les deux ministres ont annoncé la préparation d'un plan de lutte contre le gaspillage alimentaire. Ils ont constitué un comité de pilotage (auquel j'ai l'honneur de participer) ainsi que des groupes de travail thématiques. Un projet de Pacte national contre le gaspillage alimentaire sera présenté au comité de pilotage le 10 juin prochain et fera l'objet d'une présentation publique le 14 juin.

Il n'est pas question de dévoiler le contenu de ce plan déjà bien avancé. Mais on peut tirer quelques leçons de cet exercice de démocratie participative réussi.

Cette initiative a constitué un lieu d'échange et de dialogue entre tous les acteurs de la chaîne alimentaire.

Debut de section - Permalien
mobilisation

Ces travaux ont montré la très vive mobilisation de tous les partenaires de la chaîne, à tous les niveaux, ainsi que le foisonnement d'initiatives locales.

Les partenaires ont montré leur disposition à « gérer le gaspillage » en utilisant davantage les facultés de don.

Pourtant, quelques obstacles demeurent. C'est le cas en particulier du volet juridique et fiscal touchant, par exemple, l'évaluation fiscale de la valeur des dons ou la responsabilité du donateur. Les donateurs éventuels -industriels et distributeurs- rechignent parfois à la distribution de denrées alimentaires de peur que leur responsabilité soit engagée en cas de problèmes sanitaires ultérieurs. Ces obstacles sont désormais bien identifiés et seront réglés dans le cadre de la « loi d'avenir pour l'agriculture et l'alimentation » qui sera présentée à l'automne 2013. Cette loi pourrait comporter des dispositions inspirées de la loi dite du « bon samaritain » qui décharge le donateur de toute responsabilité.

Enfin, ces travaux ont mis en relief des sortes de clefs de réussite. Il faut sensibiliser les partenaires et agir sur le consommateur. Il faut aussi informer et former, encadrer et professionnaliser les relations entre acteurs. La clé du succès dépend aussi des synergies : l'expérience a montré que le modèle idéal est celui où trois acteurs sont impliqués : une collectivité publique, un opérateur économique et une association réceptrice (par exemple : le cadre politique est donné par la ville, l'industriel fournit les camions pour livrer et l'association propose des bénévoles pour reconstituer et distribuer les aliments).

Le gouvernement a su créer une véritable mobilisation nationale et il y a une très forte attente de décisions et d'actions.

D'autres pays sont également bien avancés dans ce domaine. L'un des pays les plus en pointe - sans doute aussi parce qu'il part de plus loin- est le Royaume-Uni. Dès 2000, le gouvernement britannique a mis en place une agence publique, le WRAP, chargée de lancer des campagnes de communication à destination du grand public. L'expérience a montré que le succès était lié au triptyque public/privé/consommateur.

Le même triptyque a été appliqué avec succès en Italie. La réussite repose davantage cette fois sur les villes et les régions, ainsi que sur l'initiative privée. L'enseigne de distribution COOP a initié sa propre campagne de communication : « Brutti ma buoni » (« Moche mais bon ») et établit un protocole de réductions de prix sur les produits qui approchent de leur date limite de consommation et de récupération des produits impropres à la vente.

B. La PPRE s'ancre également dans une optique résolument européenne

Que de chemin parcouru en vingt ou trente ans ! La lutte contre le gaspillage alimentaire est récente et il faut admettre que les règles de l'ancienne politique agricole commune (PAC) s'accommodèrent assez bien d'un certain gaspillage lié au retrait des fruits et légumes par exemple.

La Cour des comptes déplora à plusieurs reprises cette situation. Elle évoqua pour la première fois le « gaspillage » dans un rapport de 1989. Elle reprit ses critiques en 1995, ayant constaté que la situation s'était très peu améliorée. Tout cela est du passé, mais ce rappel témoigne du chemin parcouru depuis lors.

S'il y a une bonne mobilisation des acteurs, il faut aujourd'hui se donner les moyens d'une meilleure cohérence politique.

La distribution des produits à des oeuvres caritatives est l'une des options qui permet de réduire le gaspillage alimentaire. Tel était le sens de l'ancien programme européen d'aide aux plus démunis (PEAD) qui après avoir été un moyen d'écouler les stocks, permit de mobiliser des fonds pour acheter des produits alimentaires.

Pourtant, alors que cet appui apparaît toujours plus nécessaire, ce programme a fait l'objet de très vives discussions entre les États membres. Lors du Conseil européen de février, concluant la négociation du cadre financier pluriannuel 2014-2020 entre États, l'accord s'est fait sur le maintien d'un nouveau fonds d'aide aux plus démunis, mais dont la dotation serait diminuée à seulement 2,5 milliards d'euros. M. Garot a précisé cependant que le Gouvernement veillerait à ce que cela n'ait pas de conséquence sur les associations françaises et le Parlement européen va probablement se battre sur ce sujet comme le laisse supposer sa commission des affaires sociales qui s'est prononcée sur ce sujet il y a quelques jours

C'est l'un des nombreux exemples des incohérences de l'Union européenne, si préjudiciables à la construction européenne ! D'ordinaire, ces incohérences viennent des initiatives de la Commission, dont le tempo administratif est par trop décalé avec l'actualité politique, comme cela nous a été dit par le SGAE. Cette fois, le décalage provient des États eux-mêmes. Il faut un message clair et juste. C'est l'objet de cette proposition.

Enfin, je souhaite, par cette proposition de résolution, appuyer les demandes du Parlement européen.

Le 19 janvier 2012, le Parlement européen a adopté une résolution sur « la lutte contre le gaspillage alimentaire » en se fixant pour objectif de le réduire de moitié d'ici 2050. Cette résolution a été adoptée à la quasi-unanimité.

L'initiateur de cette résolution, notre collègue italien M. Salvatore Caronna, suggérait de déclarer 2013 « Année européenne de lutte contre le gaspillage alimentaire ». Depuis 1983, ces « années européennes » permettent de labelliser une thématique, en y ajoutant une campagne de communication européenne et quelques financements. La décision d'une « année européenne » repose formellement sur une décision conjointe du Conseil et du Parlement européen après proposition de la Commission.

Beaucoup sont tombées dans l'oubli et peu de citoyens connaissent le thème labellisé chaque année. L'expérience montre que le succès de ces initiatives dépend de la préparation des opinions et de la maturité d'un sujet. L'année européenne ne suffit pas à déclencher des comportements, mais permet de dynamiser des initiatives préexistantes. Ce fut le cas de l'Année européenne des personnes handicapées en 2003 qui fut une année de prise de conscience, de médiatisation et d'action.

Ce pourrait être le cas d'une Année européenne de lutte contre le gaspillage alimentaire tant il a été démontré que la mobilisation est générale chez tous les acteurs, à tous les stades de la chaîne alimentaire, et dans tous les pays.

Le rapporteur proposait donc de faire de 2013 « l'Année européenne de lutte contre le gaspillage alimentaire ». Cette proposition n'a malheureusement pas été suivie puisque le choix du législateur européen s'est porté sur la citoyenneté. Il y avait une logique à défendre la citoyenneté en 2013, 20 ans après le traité de Maastricht, il y a aujourd'hui une nécessité et même une ardente obligation à déclarer 2014 année de la lutte contre le gaspillage alimentaire. Cette année européenne pourrait être un catalyseur d'énergies. L'opinion est prête à recevoir ce message et les acteurs sont mobilisés. Ainsi, 2014 pourrait être, avec un an de retard par rapport à la proposition du Parlement européen, l'année européenne de la lutte contre le gaspillage alimentaire. C'est le voeu que je forme.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Bizet

Je salue l'initiative du rapporteur, très opportune. Je souhaite rappeler l'importance de faire une distinction entre le gaspillage en Europe au stade de la consommation et le gaspillage dans les pays en développement qui concerne plutôt les pertes de production. Cette distinction avait été faite lors du rapport de notre commission sur la volatilité des prix agricoles. Il ne faut pas être dogmatique sur ce sujet car ces pertes sont dues à la fois à des problèmes d'équipements, mais aussi parfois à des phénomènes de corruption. Il y a plusieurs facteurs à prendre en compte. Le rapport évoque également un exemple de surtransposition de la législation européenne. La mention de date limite d'utilisation optimale retenue en France ne figure pas dans la directive européenne. La stricte transposition aurait suffi, comme le font d'ailleurs les Britanniques. Cette adjonction est à la fois superfétatoire et contreproductive puisque les consommateurs sont détournés de marchandises qu'ils auraient pu consommer. Concernant le Programme européen d'aide aux plus démunis, je souhaite rappeler l'implication forte de Bruno Le Maire qui, à l'époque, s'était opposé à l'Allemagne lorsque celle-ci voulait supprimer ce programme compte tenu de la quasi-disparition des stocks agricoles. Il serait souhaitable de rétablir le montant de l'aide alimentaire à son niveau antérieur pour approcher le niveau de l'aide américaine.

Debut de section - PermalienPhoto de Yannick Botrel

La présentation de Mme Bourzai est édifiante. J'avais eu connaissance des chiffres du gaspillage alimentaire à Londres qui représentait 200 kg par habitant et par an. Les notions de date limite de consommation doivent être éclaircies parce qu'il existe des marges de sécurité considérables. J'ai vécu, en tant que maire, un incident puisqu'un élève s'était plaint que la cantine lui avait présenté des biscuits dont la date d'utilisation optimale était dépassée. Il avait fallu faire venir les services d'hygiène départementaux pour rassurer les parents d'élèves et éviter les confusions entre date limite de consommation et date d'utilisation optimale. C'est particulièrement vrai sur les produits secs qui peuvent être consommés plusieurs mois, voire plusieurs années après la DLUO. J'ai eu également à connaître les comptes rendus des banques alimentaires dans ma région. Celles-ci indiquent toutes que les produits dont elles disposent de la part des grandes et moyennes surfaces (GMS) se sont considérablement réduits depuis quelques mois. Les GMS gèrent beaucoup mieux leurs stocks. On ne peut que s'en féliciter même s'il faut être conscient d'un effet indirect et paradoxal puisque l'amélioration sur le terrain du gaspillage se traduit par une augmentation des demandes de subventions aux collectivités locales. Cette proposition de résolution est manifestement d'une grande utilité.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernadette Bourzai

Nous attendons à présent les annonces des deux ministres. Le Pacte national de lutte contre le gaspillage alimentaire devrait être présenté les 11 et 14 juin prochains.

La proposition de résolution européenne est adoptée à l'unanimité dans le texte suivant :

Vu l'article 88-4 de la Constitution,

Vu le rapport de la Direction générale de l'environnement de la Commission européenne d'octobre 2010 intitulé « preparatory study on food waste across EU 27 »,

Vu la résolution du Parlement européen du 19 janvier 2012 sur le thème « Éviter le gaspillage des denrées alimentaires : stratégies pour une chaîne alimentaire plus efficace dans l'Union européenne »,

Vu l'avis du Conseil économique et social européen du 20 mars 2013 sur « la prévention et la réduction du gaspillage alimentaire »,

Considérant qu'une large part du gaspillage alimentaire peut et doit être évitée ;

Considérant que, dans le contexte économique actuel, la lutte contre le gaspillage alimentaire doit être une priorité politique et sociale européenne et est même une exigence morale ;

Considérant que la mobilisation des pouvoirs publics, des industriels et des consommateurs peut diminuer le gaspillage alimentaire ;

Considérant que la mobilisation des différents acteurs de la chaîne alimentaire est aujourd'hui acquise ;

Considérant qu'un plan national de lutte contre le gaspillage alimentaire sous l'autorité du ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt contribue à la réussite de cette mobilisation ;

Considérant que les messages contradictoires émanant des institutions européennes contribuent à la désaffection des citoyens européens envers la construction européenne ;

- Se félicite de l'impulsion donnée par le gouvernement en faveur d'un pacte national de lutte contre le gaspillage alimentaire, et qui placera la France au premier rang des pays européens en matière de lutte contre le gaspillage alimentaire ;

- Incite le Gouvernement à modifier les règles d'information du consommateur de manière à s'aligner strictement sur la législation européenne en supprimant notamment la mention de « date-limite d'utilisation optimale » ;

- Demande au Gouvernement de soutenir la proposition du Parlement européen visant à déclarer 2014 « Année européenne de lutte contre le gaspillage alimentaire » ;

- Déplore par ailleurs que, lors de la négociation du cadre financier pluriannuel 2014-2020, le Conseil européen ait réduit la dotation budgétaire consacrée au futur fonds européen d'aide aux plus démunis (FEAD) ;

Debut de section - PermalienPhoto de Simon Sutour

Le traité de Lisbonne a rendu plus faciles et plus rapides les sanctions pécuniaires encourues par les États membres ayant manqué à leurs obligations européennes. C'est pourquoi il m'a semblé utile de diffuser à l'ensemble de nos collègues un document qui fasse le point sur ce sujet. Ce document met notamment l'accent sur la procédure spécifique qui s'applique en cas de non transposition, mais aussi de transposition partielle ou incorrecte d'une directive. C'est une responsabilité qui nous incombe à tous, dès lors du moins que les directives entrent dans le domaine de la loi.

Avant d'aborder le fond du sujet, je souhaite insister sur une distinction importante : un apurement des comptes, par exemple dans le domaine de la politique agricole commune, peut conduire la Commission européenne à mettre en recouvrement des montants importants que les États membres doivent, selon elle, lui rembourser. Tant que la Commission européenne se limite à demander le remboursement de sommes dont elle avait confié la gestion aux États membres, il ne s'agit pas d'une sanction, quelle que soit l'ampleur financière des enjeux. C'est ainsi que la Commission européenne a fait savoir le 2 mai qu'elle entendait récupérer 230 millions au titre des crédits PAC gérés par les États membres. Aucune pénalité n'a été mentionnée. Il ne s'agit donc pas de sanctions à proprement parler.

Le document de six pages qui vous a été distribué concerne de façon exclusive le « recours en manquement », qui porte sur le non-respect du droit européen. Ce recours est régi par les articles 258 à 260 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE). Je voudrais insister plus particulièrement sur quelques-unes de ses caractéristiques principales.

La première caractéristique est que ce recours s'applique à un champ potentiellement très vaste, puisque le recours en manquement peut intervenir dès lors qu'un État membre « a manqué à une des obligations qui lui incombent en vertu des traités ». Quelle que soit la nature du manquement, celui-ci peut être constaté par la Cour de justice de l'Union européenne, éventuellement avec une sanction financière à la clé.

Debut de section - Permalien
monopole de fait attribué à la Commission européenne pour déclencher l'action

La seconde caractéristique du recours en manquement est le monopole de fait attribué à la Commission européenne pour déclencher l'action. Quelle que soit l'importance des griefs, les particuliers ne peuvent en effet jamais saisir directement la Cour de justice en se fondant sur le fait qu'un État membre n'a pas respecté une ou même plusieurs obligations imposées par les traités. Les autres États membres peuvent théoriquement saisir la Cour de justice, mais seulement après avoir demandé à la Commission européenne d'agir. Un contentieux ne peut donc être engagé par un État membre que dans l'hypothèse où la Commission européenne a refusé d'agir. De toute manière, il n'est pas dans les usages qu'un État membre s'en prenne directement à un autre État membre en saisissant la Cour de Justice. En pratique, c'est donc la Commission qui maîtrise la procédure de sanction et en apprécie l'opportunité.

En effet, la troisième caractéristique tient au fait que nul ne peut imposer à la Commission d'agir contre un État membre ayant manqué à une de ses obligations. Même en cas de violation flagrante du droit de l'Union, un éventuel refus d'agir de la Commission n'ouvrirait aucune possibilité d'action dirigée contre la Commission européenne, pourtant gardienne des traités selon la formule consacrée.

Quatrième caractéristique : si la Commission estime qu'il y a un manquement, elle doit obligatoirement commencer par une phase précontentieuse : aucun grief, même le plus grave, ne peut être directement soumis à la Cour de justice de l'Union européenne. La première étape est ainsi constituée par un échange d'observations entre la Commission européenne et l'État membre mis en cause. Habituellement, cette première phase dure environ deux mois. Si la Commission est convaincue par l'État membre, ou si ce dernier met fin au manquement reproché, la procédure s'arrête. Si tel n'est pas le cas, la Commission européenne peut émettre un « avis motivé ». Là encore, deux mois sont habituellement accordés à l'État membre pour se mettre en règle.

Cinquième caractéristique : le recours n'est que le prolongement de la phase précontentieuse. La Commission européenne peut abandonner un grief, par exemple si l'État mis en cause s'est partiellement ou totalement conformé à ses obligations, mais elle ne peut pas formuler un nouveau grief ou formuler différemment un même grief. Cet enchaînement s'impose à la Commission, mais aussi à la Cour de justice lorsqu'elle examine le droit national mis en cause, car les juges doivent comparer le texte de la saisine et la situation de l'État membre au moment de l'envoi de l'avis motivé. Cette règle peut avoir une conséquence très importante : si un État est mis en cause par avis motivé pour ne pas avoir transposé une directive, et qu'il met à profit le délai accordé pour adopter une transposition que la Commission juge inadéquate, l'action initialement engagée s'éteint malgré tout, puisque le grief de non transposition pure et simple n'est plus susceptible d'être retenu par la Cour de justice. Si la Commission entend poursuivre l'État membre en raison de la mauvaise transposition opérée, elle doit reprendre toute la procédure depuis le départ.

La sixième et dernière caractéristique sur laquelle je veux insister tient au régime différencié des sanctions éventuellement prononcées par la Cour de justice de l'Union européenne :

- si le contentieux n'est motivé ni par l'absence de transposition, ni par une mauvaise transposition de directive, la Cour de justice peut certes constater le manquement, mais dans un premier temps elle ne peut pas prononcer de sanction. Une sanction éventuelle ne peut intervenir qu'à l'issue d'une seconde saisine de la Cour de justice par la Commission européenne, motivée cette fois par à la mauvaise application du premier arrêt de la Cour de justice. Dans ce cas, les juges peuvent prononcer une sanction financière, qui peut prendre la forme d'une astreinte ou d'une amende forfaitaire. Depuis l'affaire dite « des poissons sous taille », jugée en 2005, la jurisprudence de la Cour de justice admet le cumul de l'amende et de l'astreinte ;

- tout est plus simple si le contentieux porte sur la non-transposition d'une directive, car la Commission européenne peut alors demander à la Cour de justice de constater le manquement et de prononcer simultanément une sanction, là aussi sous la forme d'une amende forfaitaire ou d'une astreinte. Un État membre qui manque à ses obligations de transposition encourt donc une sanction financière quasiment certaine s'il n'a pas mis la procédure précontentieuse à profit pour satisfaire à ses obligations. Introduite par le traité de Lisbonne, cette innovation dans le recours en manquement mérite d'être soulignée. En effet, la Cour de justice se montre très stricte. Elle a par exemple refusé de prendre en compte l'impossibilité constitutionnelle d'adopter une loi de transposition parce qu'une dissolution avait été prononcée.

La crainte de la sanction s'avère efficace, car la Commission obtient presque systématiquement gain de cause avant même d'avoir saisi la Cour de justice. Une affaire tout à fait récente illustre ce que je viens de dire : un avis motivé ayant été envoyé le 26 janvier 2012 à treize États membres qui n'avaient pas mis en oeuvre l'interdiction d'élever des poules pondeuses dans des cages disposées en batterie, onze États membre ont rectifié la transposition de la directive ou ont procédé à sa transposition. Seules la Grèce et l'Italie n'ont pu remplir leurs obligations : la Commission a donc saisi la Cour de justice le 25 avril 2013. En l'occurrence, la phase précontentieuse s'est étalée sur 15 mois. Cette durée illustre l'ampleur du pouvoir d'appréciation dont la Commission européenne dispose en l'espèce.

Je crois qu'il était utile, pour nous-mêmes et nos collègues, de rappeler ces nouvelles règles. Nous ne pouvons pas, spécialement aujourd'hui, prendre le risque que notre pays doive payer de lourdes pénalités pour n'avoir pas rempli en temps utile ses obligations de transposition. Nous devons tous être sensibilisés à cette exigence.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Bizet

Je me rappelle bien l'affaire des poissons sous taille. Le gouvernement de l'époque en avait dissimulé les conséquences. Il n'est pas convenable que de telles informations soient mises sous le tapis.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernadette Bourzai

Cette communication était éclairante et utile. Il nous faut effectivement être vigilants.

Debut de section - PermalienPhoto de Yannick Botrel

Ce sujet apparaît parfois en région, lorsque des agriculteurs sont mis en demeure de rembourser des sommes versées par l'Union européenne pour certains plans de campagne. La France ayant pris un retard considérable, la masse des intérêts peut être très largement supérieure aux sommes initialement versées.

Il ne faut pas trop tarder, si l'on veut éviter le sort de coopératives légumières du nord de la Bretagne, qui doivent rembourser 15 millions d'euros, dont la moitié au titre des intérêts de retard !

J'en viens au cas, que vous avez cité, des cages des poules pondeuses. Je sais ce que leur suppression coûte aux producteurs de ma région, confrontés au remboursement d'emprunts au moment où le cours de l'oeuf s'est effondré. Il faut éviter des distorsions de concurrence entre les producteurs respectant les normes et ceux qui s'abstiennent de les appliquer. C'est pourquoi il est normal que le respect du droit européen soit dûment contrôlé.

Debut de section - PermalienPhoto de Simon Sutour

Dans nos futurs travaux sur la santé animale, nous reparlerons peut-être de cette affaire, où seules l'Italie et la Grèce sont encore en cause.

Il est exact que le remboursement de sommes dites « indues » peut grever la trésorerie des filières légumineuses et fruitières : les agriculteurs doivent rembourser des sommes importantes alors qu'ils n'ont parfois pas le premier sou vaillant pour le faire !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Bizet

Cette communication me donne l'occasion de rappeler que la commission du développement durable a examiné lundi le projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne (DDADUE) dans le domaine du développement durable. La France est souvent en retard parce qu'elle tient à en rajouter dans la transposition... Plus malins, les Anglo-Saxons transposent quasiment en l'état. À force d'ajouter des normes nationales aux directives, nous finissons par subir des distorsions de concurrence. Et les citoyens se détournent de l'Europe, précisément en raison de ces normes ! C'est avant l'adoption de la directive qu'il faut défendre les intérêts nationaux, mais nous n'avons pas assez cette culture, contrairement aux Anglo-Saxons. Résultat : les directives sont souvent servies à la sauce anglo-saxonne...

Je précise que j'ai incité mon groupe politique à voter le projet de loi DDADUE, car il faut se montrer constructif à propos de textes principalement techniques.