Intervention de Pierre Bernard-Reymond

Commission des affaires européennes — Réunion du 19 octobre 2010 : 1ère réunion
Gouvernance économique européenne rapport d'information de mm. pierre bernard-reymond et richard yung

Photo de Pierre Bernard-ReymondPierre Bernard-Reymond :

Nos travaux se sont déroulés parallèlement à ceux qui sont conduits au niveau européen. Je rappelle que notre commission a tenu sa première réunion sur le sujet le 29 septembre dernier, soit le même jour que celui où la Commission européenne a présenté ses propositions législatives. Notre réunion d'aujourd'hui a lieu le lendemain de la dernière réunion du groupe de travail du Président Van Rompuy et de la déclaration franco-allemande, conclue à Deauville, sur le renforcement du gouvernement économique européen.

Le contexte de la réforme de la gouvernance économique est marqué, d'une part, par un consensus sur les lacunes du Pacte de stabilité et de croissance, tant de son volet préventif que de son volet correctif, et, d'autre part, par l'absence de dispositif de surveillance de la situation macroéconomique des États membres, qui n'a pas permis de prendre conscience suffisamment tôt de l'apparition d'importantes divergences en termes de compétitivité.

La Commission européenne et le groupe de travail du Président Van Rompuy sont entrés dans une compétition évidente en matière de propositions de réformes, ce qui est regrettable. J'observe toutefois que la déclaration franco-allemande d'hier confirme la prééminence des États membres par rapport à la Commission, qui est observable depuis plusieurs années.

Le point de désaccord porte essentiellement sur le degré d'automaticité des sanctions qui seront infligées aux États membres ne respectant pas les dispositions du Pacte. La Commission souhaite que ces sanctions soient immédiates et adoptées à la majorité qualifiée inversée, c'est-à-dire que le Conseil devrait réunir une majorité qualifiée pour ne pas les appliquer. En revanche, certains États membres, dont la France, sont favorables à la semi-automaticité des sanctions, qui permet de préserver le pouvoir d'appréciation du Conseil.

Je vais maintenant vous présenter les grandes lignes de l'accord auquel Angela Merkel et Nicolas Sarkozy sont parvenus hier.

En ce qui concerne les sanctions, la France et l'Allemagne souhaitent une gamme de sanctions plus large, progressivement applicable dans les volets préventif et correctif du Pacte. Ces sanctions doivent être plus automatiques, tout en respectant le rôle des différentes institutions et l'équilibre institutionnel :

- pour le volet préventif, le Conseil doit pouvoir décider, à la majorité qualifiée, d'imposer de manière progressive des sanctions sous la forme de dépôts portant intérêt lorsque la trajectoire de consolidation budgétaire d'un État membre dévie de manière particulièrement significative par rapport à la trajectoire d'ajustement prévue sur la base du Pacte ;

- pour le volet correctif, lorsque le Conseil décide d'ouvrir une procédure de déficit excessif, il devrait y avoir des sanctions automatiques dès lors que le Conseil, statuant à la majorité qualifiée, décide qu'un État membre n'a pas pris les mesures correctrices nécessaires dans un délai de six mois.

Les dépôts rémunérés, dont le montant pourrait, comme le propose la Commission, s'établir à 0,2 % du PIB de l'État concerné, pourraient se transformer en dépôts non rémunérés si les déséquilibres persistent, voire en amendes si aucune mesure correctrice n'est prise.

En ce qui concerne la surveillance des déséquilibres macroéconomiques, le cas d'un État membre affecté d'un déséquilibre persistant et placé sous la surveillance du Conseil devrait être discuté au Conseil européen. Il s'agit d'instaurer un jugement par les pairs qui aurait essentiellement une portée dissuasive.

Ces dispositions concernent la réforme de la gouvernance économique à traité constant. Mais les dirigeants français et allemand sont également convenus, dans la déclaration sur laquelle ils se sont accordés à Deauville, de la nécessité de réviser le traité. A cette fin, ils ont évoqué la possibilité de demander au président du Conseil européen de présenter, en étroit contact avec les membres du Conseil européen, des actions concrètes permettant l'établissement d'un « mécanisme robuste de résolution des crises » avant la réunion de mars 2011.

Cette révision des traités serait limitée à deux points :

- « l'établissement d'un mécanisme permanent et robuste pour assurer un traitement ordonné des crises dans le futur, comprenant les arrangements nécessaires pour une participation adéquate du secteur privé et permettant aux États membres de prendre des mesures coordonnées appropriées pour préserver la stabilité financière dans la zone euro ; »

- la suspension des droits de vote de l'État membre concerné, « dans le cas d'une violation grave des principes de base de l'Union économique et monétaire et suivant les procédures appropriées. »

La déclaration franco-allemande précise enfin que les amendements nécessaires à cette révision du traité devraient être adoptés et ratifiés par les États membres, en accord avec leurs règles constitutionnelles respectives, avant 2013. Concrètement, il semble que l'on envisage de procéder à la ratification de cette révision du traité via le prochain traité d'adhésion, celui de la Croatie.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion