Nous avons reçu le projet de livre vert dont le commissaire responsable est anglais. Nous l'avons examiné soigneusement. Il devrait donner lieu à un travail législatif à l'automne prochain. Deux textes sont en préparation : il s'agit, d'une part, de la révision de la directive sur les prospectus et, d'autre part, d'un texte relatif à l'encadrement de la titrisation. La partie « prospectus » concerne l'appel à l'épargne qui obéit à un certain nombre de règles spécifiques et qui relève de la compétence, en France, de l'Autorité des marchés financiers. Simplifier les démarches et la documentation en vigueur est manifestement nécessaire et la révision de la directive devrait y veiller, tout en créant des procédures allégées à destination des petites et moyennes entreprises.
La titrisation a mauvaise presse en Europe en raison de ses relations avec la crise financière de 2008. En effet, les banques, notamment américaines, avaient alors proposé des produits qui incluaient des prêts immobiliers, dont certains étaient alors garantis par le gouvernement fédéral, mais qui demeuraient de ce fait tributaires de l'évolution du marché immobilier. Lorsque celui-ci s'est retourné, l'ensemble de la titrisation a plongé. L'idée est ainsi de relancer la titrisation en la rendant sûre, transparente et contrôlée. La démarche doit être d'assurer l'harmonisation des règles à l'échelle de l'Union sans laquelle il ne saurait y avoir de marché de capitaux. Car les règles en la matière sont, pour le moment, différentes d'un pays à l'autre, ce qui rend difficile d'investir l'épargne nationale dans d'autres pays.
Il faut encore définir un label délivré par une autorité dont la neutralité soit assurée. En effet, les agences de notation, qui assuraient jusque-là cette fonction, étaient elles-mêmes parties à la titrisation, ce qui a contribué à la catastrophe que nous avons connue en 2008. Nous proposons en ce sens que cette mission incombe désormais à l'Agence européenne des marchés financiers qui assure des fonctions jusqu'à présent plus normatives.
La garantie financière des crédits immobiliers est inexistante en Europe, tandis qu'elle est assurée aux États-Unis par les deux grandes agences que sont la Federal Home Loan Mortgage Corporation (FreddieMac) et la Federal National Mortgage Association (FannyMae) et qui disposent de la garantie du gouvernement fédéral. Nous pensons donc qu'il faudra trancher cette question.
Par ailleurs, le Conseil ECOFIN, en date du 19 juin dernier, a abouti à un compromis sur proposition de règlement visant à réformer la structure des banques. Cela faisait écho à ce que le commissaire Barnier avait proposé, à la fin de la précédente mandature, avec la séparation des activités de dépôt de celles de marché. Cette proposition avait alors suscité de nombreuses oppositions puisqu'elle érigeait la règle britannique dite Vickers en modèle. En effet, dans cette règle, la partie dépôt est sanctuarisée tandis que le reste des activités est ouvert. Une telle proposition de la Commission se heurtait aux dispositions de la loi bancaire française qui prévoyaient un principe de séparation différent. La mise en oeuvre de cette préconisation européenne aurait eu de dommageables conséquences pour les banques françaises. Le Sénat, à l'initiative de sa commission des affaires européennes, avait émis un avis motivé en 2014, attirant l'attention du Gouvernement et de la Commission européenne sur les disparités entre les États qu'un tel texte était à même de susciter. Le service juridique du Conseil a d'ailleurs confirmé le bien-fondé de l'initiative sénatoriale. Car la création de disparités nationales s'avère antinomique avec le dessein de créer une union bancaire et financière.
Telle était la situation lorsque la nouvelle commission a repris le dossier. Le Royaume-Uni se voit soustrait aux règles en la matière et les banques françaises se retrouvent dans le collimateur !