Intervention de René Danesi

Commission des affaires européennes — Réunion du 26 mai 2016 à 8h30
Politique étrangère et de défense — Régime de sanctions de l'union européenne à l'encontre de la fédération de russie : proposition de résolution européenne de mm. yves pozzo di borgo et simon sutour

Photo de René DanesiRené Danesi :

Je voterai pour ce texte malgré toutes les réserves que je vais exprimer. Le 28 avril dernier, l'Assemblée nationale a adopté par 55 voix contre 44 une résolution « invitant le Gouvernement à ne pas renouveler les mesures restrictives et les sanctions économiques imposées par l'Union européenne à la Fédération de Russie ». Cette résolution est courte et parfaitement claire dans son énoncé. Ce n'est pas tout à fait le cas de celle que nous proposons, car elle s'enferre dans les nombreuses décisions prises par les instances onusiennes et européennes qui considèrent que l'Ukraine est victime d'une Russie agressive et qu'il faut donc sanctionner celle-ci pour qu'elle lâche prise. La vérité n'est jamais simple. Notre résolution en tient compte et tombe par conséquent dans le travers de la contradiction.

Il est indiqué à l'alinéa 14 que la résolution « réaffirme son attachement indéfectible à l'intégrité territoriale, à la souveraineté et à l'indépendance de l'Ukraine et condamne l'annexion de la Crimée par la Russie ». Si l'on condamne cette annexion, la logique voudrait que l'on maintienne les sanctions contre la Russie jusqu'à ce qu'elle rende la Crimée à l'Ukraine. Or, nous avons choisi de ne pas le faire, et cela avec raison, car le rattachement de la Crimée à la Russie résulte d'une histoire bien plus complexe qu'une simple annexion manu militari. Chacun sait que la Crimée ne retournera pas plus à l'Ukraine que le Kosovo ne retournera à la Serbie. Par conséquent, nous aurions pu faire l'économie de cet alinéa.

Le référendum organisé en Crimée, le 16 mars 2014, s'est révélé favorable au rattachement à la Russie ; il s'est fait en présence de l'armée russe et en l'absence de tout observateur international. Le meilleur agent électoral de la Russie a sans doute été le pouvoir de Kiev, issu de la révolution démocratique de Maïdan, qui a déclaré la langue russe étrangère en Ukraine, exigeant ainsi des habitants de la Crimée et du Donbass d'abandonner leur langue maternelle au profit de la langue ukrainienne. Pour faire bonne mesure, il a interdit la télévision russophone dans ces deux régions. Bien sûr, cette loi plus stupide que scélérate a été rapportée après le référendum, mais c'était trop tard.

Enfin, en janvier 1991, au moment de la dislocation de l'URSS, les habitants de la Crimée avaient déjà voté en faveur du rattachement à la Russie. Avec un taux de participation de 83 %, 93 % des votants s'étaient déclarés favorables au rattachement.

À l'alinéa 17, la résolution « appelle de ses voeux un allègement progressif et partiel du régime des sanctions de l'Union européenne à l'encontre de la Russie (...) en liant cet allègement à des progrès significatifs et ciblés dans la mise en oeuvre des accords de Minsk ». Il faudrait pour le moins préciser que les deux pays, Russie et Ukraine, sont tenus de mettre en oeuvre ces accords. Or, l'Ukraine ne montre pas beaucoup de bonne volonté. Alors que son Parlement devait voter une loi de large autonomie des régions russophones et sécessionnistes, il s'est contenté de voter une loi d'autonomie restreinte pour une durée de trois ans. Il aurait également dû voter une nouvelle loi électorale et le Gouvernement aurait dû organiser des élections. Rien n'a été fait et rien ne sera fait de sitôt par un Gouvernement et un Parlement ukrainiens où dominent les affairistes et les nationalistes. Sans compter que ni l'Ukraine, ni les États-Unis n'ont intérêt à ce que les sanctions contre la Russie soient levées.

Par conséquent, l'alinéa 17 me laisse dubitatif, car il fait dépendre la levée partielle des sanctions contre la Russie de la bonne ou de la mauvaise volonté de l'Ukraine. La résolution aurait gagné en clarté si elle n'avait pas d'abord considéré les décisions de l'ONU et de l'Union européenne. L'embargo ne mettra pas fin au rattachement de la Crimée à la Russie. L'Ukraine met au moins autant de mauvaise volonté que la Russie à régler le problème des régions russophones et séparatistes de l'Est. L'embargo est préjudiciable à notre économie et à notre agriculture. Enfin, la France et l'Europe ont besoin de la Russie pour gérer l'ensemble des crises du Moyen Orient.

Cependant, mieux vaut cette résolution que rien du tout.

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