Intervention de Joëlle Garriaud-Maylam

Commission des affaires européennes — Réunion du 1er décembre 2016 à 9h00
Justice et affaires intérieures — Réforme d'europol et coopération policière européenne : proposition de résolution européenne et avis politique de mme joëlle garriaud-maylam et m. michel delebarre

Photo de Joëlle Garriaud-MaylamJoëlle Garriaud-Maylam :

Le programme de Stockholm, pour la période 2010-2014, sur une « Europe ouverte et sûre qui sert et protège les citoyens », appelait Europol à devenir le « centre névralgique de l'échange d'informations entre les services répressifs des États membres et à jouer le rôle de prestataire de services et de plateforme pour les services répressifs ».

Le 12 mars 2015, nous avions rappelé que la coopération policière en Europe reposait en premier lieu, depuis le Traité de Lisbonne de 2007, sur les articles 3 et 4 du Traité sur l'Union européenne, aux termes desquels : « Dans ses relations avec le reste du monde, l'Union contribue à la protection de ses citoyens. Elle respecte les fonctions essentielles de l'État, notamment celles qui ont pour objet d'assurer son intégrité territoriale, de maintenir l'ordre public et de sauvegarder la sécurité nationale. En particulier, la sécurité nationale reste de la seule responsabilité de chaque État membre. »

L'article 73 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne précise, pour sa part, « qu'il est loisible aux États membres d'organiser entre eux et sous leur responsabilité les formes de coopération et de coordination qu'ils jugent appropriées entre les services compétents de leurs administrations chargées d'assurer la sécurité nationale. »

Si l'idée de créer une agence de l'Union européenne pour la coopération des services répressifs remonte au tout début des années 90, la convention instituant Europol date de 1995 et le début de l'activité opérationnelle de l'office de 1999.

L'agence européenne Europol, compte, en 2016, 900 agents dont 185 officiers de liaison délégués par les États membres. Elle est dotée, depuis le traité d'Amsterdam, d'un budget propre. Espace d'échange d'informations, d'analyse du renseignement et d'expertise, elle effectue chaque année plus de 18 000 enquêtes transfrontalières. Collectant des millions de données, elle est surtout un gigantesque moteur de recherche. Dans la période récente, certaines de ses compétences se sont étoffées : création, en 2013, du Centre européen de lutte contre la cybercriminalité ; mise en place, en 2015, d'une unité chargée spécialement du signalement des contenus sur Internet afin de lutter contre la propagande terroriste en ligne et d'autres activités extrémistes ; lancement, au mois de janvier 2016, du Centre européen de lutte contre le terrorisme.

L'agence, structurée autour d'une unité centrale à La Haye, dispose d'unités nationales implantées dans les États membres servant de relais de transmission entre Europol et les autorités compétentes au niveau national, ainsi que d'une autorité de contrôle chargée de s'assurer que le traitement et l'utilisation des données dont disposent les services d'Europol ne portent pas atteinte aux droits des personnes.

C'est le 17 juillet 2013 que la Commission européenne a présenté une proposition de règlement visant à réformer Europol. Le projet de règlement tendait à se substituer à ce qui constituait jusque-là la base juridique du fonctionnement d'Europol, c'est-à-dire cinq décisions des Conseils « Justice et Affaires intérieures » de 2009.

Au passage, relevons que cette réforme, examinée selon la procédure législative ordinaire, aura mis trois ans pour être adoptée et quatre ans pour entrer en application - puisque le nouveau règlement prévoit une entrée en vigueur à partir du 1er mai 2017.

La proposition initiale de la Commission mettait en place un mécanisme de contrôle des activités d'Europol par le Parlement européen en association avec les parlements nationaux tout en garantissant la confidentialité des informations opérationnelles ; il faut ici rappeler que, le 29 juin 2011, le Sénat adoptait une résolution européenne qui appelait à la création d'une commission mixte composée de représentants du Parlement européen et des parlements nationaux, tenant compte des systèmes bicaméraux, et demandait que les parlements nationaux soient destinataires des mêmes documents que le Parlement européen.

La Commission proposait également de réformer la gouvernance d'Europol sur le fondement de deux principes : le conseil d'administration de l'office prendra désormais ses décisions à la majorité simple et un comité exécutif composé d'un représentant de la Commission européenne et de trois autres membres du conseil d'administration sera créé, à côté du conseil d'administration. Le texte initial prévoyait aussi que les données à caractère personnel traitées par Europol soient examinées par un contrôleur européen de la protection des données. Enfin, il proposait d'intensifier l'échange vital d'informations entre l'office et les États membres.

Après trois ans de négociations, le Parlement européen a adopté en deuxième lecture, dans sa résolution législative du 11 mai 2016, le texte de compromis que le Conseil avait approuvé en première lecture, le 4 décembre 2015.

Le nouveau règlement comporte 76 considérants et 77 articles. En ce qui concerne la gouvernance d'Europol, les discussions ont été longues et approfondies avant d'aboutir à un équilibre interinstitutionnel délicat, qui renforce le rôle du Parlement européen mais aussi des parlements nationaux, ce dont nous ne pouvons que nous féliciter. Comme le souhaitait la Commission, les décisions du conseil d'administration seront désormais adoptées à la majorité simple, sauf le programme pluriannuel et le budget annuel pour lesquels une majorité renforcée des deux tiers sera requise (article 15). Le contrôle politique des activités de l'agence sera assuré par un « groupe de contrôle parlementaire conjoint » établi par les parlements nationaux et la commission compétente du Parlement européen, c'est-à-dire la commission Libé (article 51 du règlement). Si la proposition de la Commission relative à la création d'un comité exécutif où elle aurait été représentée a été abandonnée, cette dernière n'en voit pas moins son implication accrue puisque, outre sa présence au conseil d'administration, le directeur exécutif d'Europol sera désormais nommé par le Conseil sur la base d'une liste restreinte dressée par un comité de sélection composé de membres désignés par les États membres et d'un représentant de la Commission (article 54).

En outre, le candidat retenu devra se présenter devant la commission Libé du Parlement européen qui rendra un avis non contraignant au Conseil. Par ailleurs, le conseil d'administration pourra inviter à ses réunions, en tant qu'observateur sans droit de vote, toute personne dont l'avis pourrait être pertinent aux fins des débats, y compris, le cas échéant, un représentant du groupe de contrôle parlementaire conjoint.

Enfin, sur le fondement d'une décision de la Commission européenne, Europol sera autorisé à transférer des données à caractère personnel vers des pays tiers ou des organisations internationales (article 25).

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