Intervention de Margrethe Vestager

Commission des affaires européennes — Réunion du 1er décembre 2016 à 13h30
Politique commerciale — Audition de Mme Margrethe Vestager commissaire européenne à la concurrence

Margrethe Vestager, commissaire européenne à la concurrence :

L'un des rayons de lumière dans cette année très sombre a été la conclusion de l'accord de Paris sur le climat. Il importe désormais de l'appliquer, ce qui mènera à une période de transition pour l'économie européenne. Notre système de fourniture d'énergie se fondera davantage sur les énergies renouvelables ; la technologie hydroélectrique, quoiqu'ancienne, est donc pleine de promesses, non seulement pour la production d'électricité, mais aussi pour le stockage de l'électricité produite par les technologies solaires et éoliennes.

Néanmoins, le développement de l'hydroélectricité nécessite des investissements. Or la concurrence, on le sait par expérience, stimule l'investissement. Il ne s'agit pas de remettre en cause l'organisation actuelle de la propriété de ces ressources, mais d'ouvrir ce secteur à plus de concurrence ; tel est l'objet de nos discussions avec le Gouvernement français.

La législation adoptée par la France en 2008 prévoit que ces concessions doivent faire l'objet d'appels d'offres. Tel n'a pourtant pas été le cas. Par conséquent, Électricité de France (EDF) détient une très large majorité de ces concessions, dont certaines courent pour de nombreuses années. Nous sommes en concertation très étroite avec le Gouvernement français pour avancer sur ce sujet, mais je ne peux pas vous donner aujourd'hui une idée du calendrier.

Notre objectif est évidemment l'organisation d'appels d'offres ouverts, afin que les investisseurs potentiels aient des garanties suffisamment certaines pour pouvoir décider de s'engager dans le développement de l'énergie hydroélectrique. J'ai tenu des réunions avec les opérateurs actuels mais aussi avec les syndicats. Je comprends très bien leurs préoccupations, qui dépassent la question de la concurrence et touchent à l'environnement social et à l'emploi. Ces questions doivent être toutes réglées en même temps par les autorités responsables. D'après mon expérience, le Gouvernement français est très concerné par cet aspect du problème, alors que nous ne préoccupons que de la question de la concurrence.

J'en viens aux patent boxes et aux crédits d'impôt pour la recherche. Pour simplifier les choses, on peut répartir ces dispositifs en deux catégories.

D'une part, nous avons les patent boxes liées aux brevets : un État organise un système d'imposition réduite pour les brevets enregistrés sur son territoire. Les brevets peuvent, de fait, avoir été développés n'importe où ; dès lors qu'ils sont enregistrés dans cet État, l'entreprise peut faire bénéficier tous les bénéfices dérivés de l'exploitation de ces brevets d'un abattement fiscal majeur.

D'autre part, nous avons les dispositifs fiscaux en faveur des activités de recherche et développement physiquement menées dans le pays en question. C'est bien ce type de patent box qui est recommandé par l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), le G20 et nous-mêmes, afin de promouvoir la recherche et le développement. Nous aimerions que les brevets soient rémunérés là où la recherche a vraiment eu lieu, et non là où le taux d'imposition est le plus bas.

Le projet de directive récemment présenté par mon collègue commissaire aux affaires économiques et financières, à la fiscalité et à l'Union douanière, Pierre Moscovici, sur la taxation des entreprises porte une attention particulière aux investissements dans la recherche et le développement, et prévoit une super déduction d'impôt pour ces activités. Il est en effet très important pour l'Europe de promouvoir ces activités, afin de rester au sommet de l'échelle de la valeur ajoutée. De tels dispositifs fiscaux peuvent donc être, non seulement défendables, mais souhaitables.

Pour ce qui est du transport ferroviaire, la législation adoptée il y a longtemps déjà prévoit de séparer en différentes entreprises la gestion des rails et celle des trains, de manière à permettre la concurrence entre opérateurs ferroviaires sur les mêmes infrastructures. Cette réforme se met en place très lentement, mais nous commençons à en voir les résultats. Dans un pays, les opérateurs en place craignent tellement la concurrence qu'ils ont appliqué des prix « prédateurs », si bas que les nouveaux concurrents ont été exclus du marché, après quoi des tarifs plus élevés ont été remis en place. C'est évidemment une situation très regrettable, mais elle atteste de la force de la concurrence, qui encourage les opérateurs en place à fournir de meilleurs services et offre, en fin de compte, plus de choix aux usagers. Ma collègue commissaire aux transports, Violeta Bulc, a négocié avec les ministres des transports des États membres le quatrième « paquet ferroviaire », dont le but est de soutenir le développement du transport ferroviaire en Europe.

Quant au Brexit et à ses conséquences pour la concurrence, je ferai remarquer que le Royaume-Uni est doté d'un système de régulation de la concurrence très développé, qui sera en mesure de poursuivre ses activités. Si jamais le Royaume-Uni devient un pays tiers, nous coopérerons très étroitement avec ces autorités, comme avec celles d'autres pays tiers.

Selon moi, comme les entreprises et le commerce sont mondialisés, il faudrait un système mondial de mise en oeuvre des règles de concurrence. Néanmoins, une telle autorité n'existe pas ; nous avons simplement un réseau de coopération étroite entre les différentes autorités. L'été dernier, une fusion d'entreprises a dû être notifiée dans vingt-huit juridictions différentes. Dès lors, il est de l'intérêt des entreprises que ces autorités collaborent afin de réduire la bureaucratie et les délais. En conséquence, quel que soit le statut du Royaume-Uni, nous ferons de notre mieux pour les aider à prévenir les comportements anticoncurrentiels et à faire prévaloir une logique commerciale, par exemple dans le cas de fusions.

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