Intervention de Jean Bizet

Commission des affaires européennes — Réunion du 6 juin 2013 : 1ère réunion
Les relations franco-allemandes : communication de m. jean bizet

Photo de Jean BizetJean Bizet :

Les relations franco-allemandes ont été au coeur de la construction européenne. Il est donc indispensable de réfléchir à leurs perspectives. On doit le faire à partir d'un constat simple : l'Europe ne peut bien fonctionner que grâce à l'entente entre nos deux pays. Relancer l'ambition européenne exige de ranimer la flamme franco-allemande. Or l'Europe est confrontée à de véritables urgences sur le plan économique, social et financier. Au-delà, c'est le sens même du projet européen qui s'est effiloché depuis la fin du conflit Est-Ouest, et plus encore depuis la crise. Les discussions sur le cadre financier pluriannuel ont révélé la prédominance des intérêts nationaux sur l'intérêt collectif.

Dès les années vingt, Aristide Briand et Gustav Stresemann furent des acteurs majeurs de la Société des nations ; après la déclaration Schumann et la création de la Communauté européenne du charbon et de l'acier (CECA) en 1951, De Gaulle et Adenauer signèrent le traité de l'Élysée le 22 janvier 1963. C'est au couple Giscard-Schmidt que nous devons la création du Conseil européen en 1974 et celle du système monétaire européen en 1979, et au couple Mitterrand-Kohl celle de la chaîne Arte en 1990, de l'Eurocorps en 1992 ainsi que le traité de Maastricht sous l'impulsion de Jacques Delors.

La force de l'axe franco-allemand et son rôle d'entraînement vis-à-vis des autres partenaires européens ont été illustrés plus récemment par la création de conseils conjoints des ministres franco-allemands, décidée à l'occasion de l'anniversaire du traité de l'Élysée en 2003, ou par les initiatives franco-allemandes, au sein de la Convention européenne, à la Conférence intergouvernementale de 2004 sur le projet de traité constitutionnel, puis sur le traité de Lisbonne. En 2010, la déclaration franco-allemande de 2010 sur la réforme de la gouvernance économique européenne a établi des priorités communes, et l'adoption d'un régime matrimonial franco-allemand a ébauché un possible régime européen. Enfin, lors du 50ème anniversaire du traité de l'Élysée, il y a quelques semaines, nos deux pays ont souhaité présenter une position commune sur le parquet européen.

Reste que le moteur franco-allemand a besoin d'être relancé. Les conflits Est-Ouest se sont estompés, et l'Allemagne, plus autonome, plus solide économiquement et forte de 18 millions d'habitants de plus que la France, regagne en Europe une position centrale. Elle a surmonté avec succès trois chocs majeurs : la réunification, l'abandon du Deutsche Mark pour l'euro, et la mondialisation. Elle a su restaurer sa compétitivité tandis que celle de la France déclinait. Cela s'observe même dans le domaine agricole, où l'Allemagne a déjà dépassé la France sur la filière lait comme sur les viandes blanches et les légumes. Cette situation est inquiétante car les divergences de performances s'accentuent : le commerce extérieur de l'Allemagne dépend de moins en moins de la zone euro - qui représente aujourd'hui 36 % seulement des échanges allemands.

Les deux pays doivent coopérer bien davantage. Je ne dis pas qu'il faut transposer le modèle allemand mais au moins s'en inspirer ; et agir pour réduire le différentiel de compétitivité. Comme l'a dit le président de la République François Hollande à Leipzig lors du 150ème anniversaire du SPD : « le progrès, c'est aussi faire des réformes courageuses pour préserver l'emploi et anticiper les mutations sociales et culturelles comme l'a montré Gerhard Schröder. On ne construit rien de solide en ignorant le réel. »

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