Intervention de Jean Bizet

Commission des affaires européennes — Réunion du 6 juin 2013 : 1ère réunion
Les relations franco-allemandes : communication de m. jean bizet

Photo de Jean BizetJean Bizet :

Si l'on peut souhaiter que l'Allemagne soit plus volontaire sur l'Union bancaire, la France n'en doit pas moins conduire les réformes structurelles indispensables, restaurer sa compétitivité, assainir ses finances. Urgentes depuis plus de dix ans déjà, ces réformes auraient pu être conduites durant le second mandat de Jacques Chirac : il y avait une fenêtre de tir. Mais on ne refait pas l'histoire...

Le moteur franco-allemand doit repartir. Lors de sa conférence de presse du 16 mai, le Président de la République a indiqué que l'Europe ne pouvait avancer sans le couple franco-allemand. J'y vois l'ouverture d'une nouvelle ère après une année de relations parfois difficiles. La rencontre du 30 mai entre le Président de la République et la Chancelière a abouti à un document commun dans la perspective du Conseil européen de juin. C'est un signe supplémentaire de réchauffement des relations bilatérales.

Les voies tracées par le Président de la République dans sa conférence de presse sont les suivantes : un gouvernement économique de la zone euro, un plan d'insertion des jeunes, une stratégie d'investissements notamment pour les nouvelles industries et pour les nouveaux systèmes de communication, une communauté européenne de l'énergie destinée à coordonner les efforts sur les énergies renouvelables et à assurer la transition énergétique. La politique européenne de l'énergie est loin d'être un succès : harmoniser les infrastructures de transport c'est bien, mais l'exemple des États-Unis, où l'énergie est aujourd'hui bien moins chère qu'en Europe, nous commande d'être plus ambitieux.

Paris et Berlin ont annoncé un plan commun pour l'emploi des jeunes. Les deux ministres de l'énergie, Peter Altmaier et Delphine Batho, ont récemment cosigné une tribune dans laquelle ils indiquent vouloir « faire de la transition énergétique le nouveau moteur du couple franco-allemand pour les énergies renouvelables ». Ils annoncent la création d'un office franco-allemand pour les énergies renouvelables. J'observe que nous avons une expertise dans d'autres domaines énergétiques : veillons à ne pas limiter notre coopération aux énergies renouvelables.

En matière de gouvernance, le Président de la République a proposé d'instaurer un gouvernement économique de la zone euro, qui se réunirait tous les mois autour d'un véritable président nommé pour une durée longue et affecté à cette seule tâche. L'Eurogroupe, consacré par le traité de Lisbonne, se réunit déjà tous les mois, mais son président est élu pour un mandat limité à deux ans et demi et il assume aussi des fonctions nationales. Un mandat plus long et exclusif serait un gage d'efficacité supplémentaire. Le 30 mai, le Président de la République et la Chancelière ont retenu le principe de sommets plus réguliers de la zone euro et d'un président de l'Eurogroupe à temps plein, disposant de moyens renforcés. Ils ont également invité le Parlement européen à se doter de structures dédiées pour la zone euro. Le contrôle démocratique exercé au niveau national comme au niveau européen serait en outre renforcé. Les niveaux national et européen sont toutefois si imbriqués que je préférerais à cette césure l'idée d'un « fédéralisme coopératif ».

N'éludons pas les questions plus profondes : jusqu'où faut-il renforcer la gouvernance de la zone euro ? Comment s'articulera-t-elle avec l'ensemble institutionnel de l'Union européenne ? Nous ne pourrons progresser sans un noyau dur aux commandes de la zone euro. C'est là que le moteur franco-allemand prend tout son sens.

La convergence économique et sociale au sein de l'Europe doit aussi être un sujet franco-allemand. Le Président de la République a indiqué que le gouvernement économique de la zone euro « harmoniserait la fiscalité, commencerait à faire acte de convergence sur le plan social par le haut et engagerait un plan de lutte contre la fraude fiscale ». Tout cela constitue à mon avis un préalable à une capacité européenne à lever l'emprunt. Le Président de la République et la Chancelière souhaitent développer une politique économique de la zone euro axée sur la compétitivité, la croissance et l'emploi. Parmi les domaines d'action, ils mentionnent expressément la convergence des systèmes fiscaux et la dimension sociale, au moyen de salaires minimaux nationaux, définis par les législateurs ou par des conventions collectives. Les contrats de compétitivité et de croissance et les modalités d'un fonds de la zone euro seront définis au second semestre.

En réalité, il ne pourra pas y avoir mutualisation des dettes sans un véritable partage de la souveraineté. La notion d'union politique est à nouveau invoquée, mais le concept est encore flou et personne, de part et d'autre du Rhin, ne semble pressé de relancer le débat institutionnel dans un contexte économique particulièrement difficile.

Reste que la coopération franco-allemande pourrait jouer un rôle d'impulsion dans deux autres domaines : d'une part, l'espace de liberté, de sécurité et de justice ; d'autre part, la politique étrangère et de défense.

Bref, la relation franco-allemande demeure incontournable, c'est bien pourquoi des incidents comme ceux des dernières semaines sont regrettables. Elle ne pourra fonctionner de manière équilibrée que si la France retrouve sa compétitivité et assainit ses finances publiques. Gardons-nous des mauvais procès : c'est le laxisme budgétaire qui a conduit de nombreux pays européens à connaître aujourd'hui crise et sous-emploi, même si le renflouement du secteur financier en 2008-2009 a lourdement aggravé le problème. Comme le soulignait Mario Monti au colloque de Sciences-Po sur l'avenir de l'Europe, la dette a paralysé la capacité des politiques économiques. Il n'y a pas une crise de l'euro - son cours est aujourd'hui supérieur à ce qu'il était lors de son introduction -, mais une crise des finances publiques.

Des finances publiques bien gérées sont un facteur de croissance et d'emploi. Il est donc injuste de taxer l'Allemagne d'égoïsme quand elle promeut la discipline. Une véritable mutualisation au sein de la zone euro exige de la confiance entre États membres, donc le respect des critères qui résultent des traités. L'Union européenne est désormais prête à plus de flexibilité vis-à-vis des États qui se sont engagés sur la voie de l'assainissement.

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