Intervention de Roger Madec

Réunion du 13 avril 2006 à 15h00
Accès des jeunes à la vie active en entreprise — Articles additionnels avant l'article 1er

Photo de Roger MadecRoger Madec :

Depuis septembre 2005, la coordination « Génération précaire » s'emploie à faire apparaître au grand jour les abus des stages : 800 000 stages chaque année, dont combien sont en réalité du travail dissimulé ?

Aujourd'hui, les stages n'ont plus rien à voir avec ceux des années quatre-vingt. Le décalage est considérable entre la façon dont ils sont conçus dans les textes et la manière dont ils sont utilisés et pratiqués au quotidien dans les entreprises et les administrations.

Il est devenu indispensable de réellement encadrer le recours à ce dispositif pour que le stage retrouve ses vertus pédagogiques.

Les amendements proposés dans l'urgence par le Gouvernement dans la loi pour l'égalité des chances ne sont pas à la hauteur du problème qui se pose. L'article 9 qui en résulte ne remédie que de manière très partielle et imparfaite aux difficultés rencontrées par les jeunes stagiaires. Ainsi, il ne prévoit de rémunération qu'à partir du quatrième mois et laisse subsister la possibilité de stages hors cursus pédagogique.

Il convient d'être plus rigoureux. Aujourd'hui, les stages sont de plus en plus longs et ils permettent l'emploi d'un étudiant à des fonctions rigoureusement productives.

Cela ne signifie pas que le stage soit dénué d'intérêt pédagogique, au contraire. Il y va d'ailleurs de l'intérêt du stagiaire lui-même qui n'accepterait pas d'être cantonné à un poste d'observateur et qui souhaiterait se confronter véritablement au monde du travail. S'il faut laisser les employeurs « utiliser » - je ne trouve pas d'autre mot - les stagiaires sur des postes de travail, faut-il permettre la succession de stagiaires sur des postes à haute qualification alors que ceux-ci sont rémunérés de manière dérisoire, voire pas du tout ?

Le coût d'un stagiaire est en général de 30 % du SMIC, que vous promettez d'augmenter légèrement. Le coût d'un salarié en contrat de travail au SMIC, charges comprises, est six fois plus élevé.

Il n'y a pas de limitation de durée des stages et vous n'en avez pas institué dans la loi pour l'égalité des chances. On comprend, dans ces conditions, l'appétit de certaines entreprises et professions libérales pour les stagiaires.

De plus, n'étant pas salariés, les stagiaires ne relèvent pas de l'inspection du travail, ce qui leur porte préjudice, ainsi qu'à tous les salariés de l'entreprise, par ricochet.

L'abus des stages est aujourd'hui un frein à l'embauche et à l'emploi.

Comme le montre le palmarès du recrutement et des offres de stages publié le 26 janvier dernier par le magazine l'Express, qui a contacté chacun des grands groupes du CAC 40 au sujet de leur politique de recrutement, il existe aujourd'hui, de fait, une opposition entre embauche de jeunes diplômés et utilisation de stagiaires pendant plus de trois mois.

Il est donc d'autant plus étrange que l'article 9 de la loi pour l'égalité des chances ne prévoie de gratification, et non pas de salaire, que pour ces contrats de plus de trois mois. Des esprits chagrins pourraient s'en émouvoir.

Sans doute eût-il été préférable de se préoccuper de cela dans une vraie perspective de développement de l'emploi, plutôt que de créer un nouveau contrat précaire.

Notre amendement a donc pour objet de prévoir des dispositions plus protectrices : obligation d'une convention tripartite ; obligation d'inclure les stages dans le cadre d'un parcours scolaire, universitaire ou de formation professionnelle ; indemnisation de tous les stages de plus de un mois au moins égale à 50 % du SMIC ; prise en compte de la durée du stage dans le calcul de la période d'essai et de l'ancienneté en cas de conclusion d'un contrat de travail ; définition de l'abus de stage.

Encore une fois, nous n'avons pas l'intention d'en rester là sur cette question et nous entendons mettre un terme aux abus de stages par des mesures équilibrées, qui recadrent les stages dans une optique pédagogique et d'initiation à la vie professionnelle.

Ce n'est pas par l'abus de stage, par les emplois « Kleenex » ou par l'apprentissage dès quatorze ans que vous réglerez la crise du travail chez les jeunes.

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