Intervention de Harlem Désir

Commission des affaires européennes — Réunion du 21 octobre 2015 à 17h05
Institutions européennes — Audition de M. Harlem Désir secrétaire d'état aux affaires européennes sur les conclusions du conseil européen des 15 et 16 octobre

Harlem Désir, secrétaire d'État aux affaires européennes :

L'ouverture de nouveaux chapitres de négociation exige en effet, monsieur le président Bizet, l'unanimité. C'est une décision qui ne relève pas de la Commission, qui n'a fait que transmettre aux États membres cette demande de la Turquie. Le président de la Grèce, qui représentait Chypre au dernier Conseil européen, a dit, au nom de l'un et l'autre pays, ses réticences à l'ouverture de nouveaux chapitres. Il est donc clair qu'il y aura débat - mais cela a été le cas à chaque ouverture d'un nouveau chapitre - et que certains États membres demanderont que la Turquie se montre plus coopérative sur d'autres dossiers.

S'agissant des chapitres 23 et 24, qui concernent la coopération judiciaire, la sécurité, les droits de l'Homme, certains plaident contre l'ouverture, au motif que la situation est délicate en Turquie. Mais on peut aussi raisonner à l'inverse, et juger qu'ouvrir ces chapitres, c'est pousser à des progrès.

La crainte d'une modification sociétale est clairement un sujet de préoccupation dans certains pays d'Europe centrale et orientale. En Hongrie, en Slovaquie et même en République tchèque, ainsi qu'en Pologne, de la part de l'opposition, qui peut devenir la majorité de demain. Les déclarations de chefs de l'exécutif de certains de ces pays, membres de l'Union européenne, que l'on a pu entendre dire qu'ils n'accepteront de réfugiés que d'une certaine confession, entrent clairement en contradiction avec les valeurs de l'Europe. Le droit d'asile, ce n'est pas accorder l'asile aux seuls chrétiens. Le Pape lui-même l'a dit, ce serait en contradiction avec les valeurs chrétiennes, qui veulent que l'on accorde l'asile à ceux qui sont persécutés. Il n'est pas dans le rôle du ministre que je suis de me faire son porte-parole, mais j'insiste, en revanche, sur l'existence de critères internationaux : l'Europe doit accueillir les réfugiés qui se trouvent sur son sol et relèvent de la protection internationale.

S'interroger sur la manière dont les sociétés acceptent cette diversité d'origines et de religions qu'entraîne l'immigration est une autre question. Il est des sociétés qui ont une tradition d'accueil. Un pays comme la Suède accueille 80 000 réfugiés par an depuis dix ans, cela représente environ 10 % de sa population en moins d'une génération. C'est un pays dont la tradition d'accueil est ancienne, et dont la population était déjà d'origines très diverses, et c'est d'ailleurs ce qui explique l'attirance qu'il suscite chez les réfugiés, qui savent qu'ils y seront bien accueillis. Il est aussi d'autres pays qui n'étaient pas, il y a quarante ans, des pays d'immigration, mais plutôt le contraire, comme l'Italie, le Portugal et l'Espagne, mais qui sont désormais des pays stables et industrialisés, au sein de l'Europe, et sont par conséquent devenus, eux aussi, des pays d'immigration. Nous devons avoir, en Europe, ce débat. Il n'y a guère qu'un pays qui peut être sûr de n'attirer jamais les migrants, c'est la Corée du Nord, où personne n'aurait l'idée d'aller !

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