Intervention de Phil Hogan

Commission des affaires européennes — Réunion du 8 octobre 2015 à 10h10
Agriculture et pêche — Audition conjointe avec la commission des affaires économiques de M. Phil Hogan commissaire européen à l'agriculture

Phil Hogan, commissaire européen à l'agriculture et au développement rural :

La décision de supprimer les quotas a été prise en 1998, confirmée en 2003, comme en 2008 sous présidence française, puis à nouveau lors de la réforme de la PAC en 2013. Je mets en oeuvre les politiques décidées par le Conseil et le Parlement...

Le filet de sécurité, ce sont les 42 milliards d'euros versés chaque année aux agriculteurs en aides directes ; et les 3 centimes par litre en compensation de l'abandon du recours au prix d'intervention, ainsi que décidé il y a cinq ans. Ne faudrait-il pas rendre les 3 centimes, si l'on décidait de relever le prix d'intervention ? À cela s'ajoutent les 820 millions d'euros attribués aux États membres - charge à eux de les répartir comme ils le souhaitent - via le fonds de gestion rurale.

Cela ne m'empêche pas de négocier avec la BEI pour modifier les programmes de développement rural, dégager des crédits supplémentaires à des taux plus intéressants, restructurer les marchés laitiers, améliorer le marketing et le verdissement. J'espère parvenir à des accords d'ici le printemps 2016, afin de donner aux agriculteurs plus de visibilité sur la durée et le coût des prêts ainsi que sur la volatilité des prix.

L'embargo est une décision politique. Qui a décidé d'entrer en Ukraine ? Pas moi, mais M. Poutine ! Nous, Européens, avons choisi la solidarité avec l'Ukraine. Je soutiens depuis le premier jour l'idée d'aides pour les fruits et légumes et j'ai organisé les conditions du stockage privé pour la viande porcine, je l'ai dit. Cela ne s'est hélas pas encore traduit par une augmentation des prix, mais un nouveau programme est prêt. Une telle mesure a l'avantage de l'immédiateté, contrairement aux décisions du Conseil des ministres. J'ai travaillé aussi sur les aides à la trésorerie, l'abondement des aides ciblées.

Un groupe de travail sur la betterave a été constitué, réunissant des représentants des États membres concernés, pour anticiper les problèmes qui apparaîtront lorsque les quotas seront supprimés : nous visons un atterrissage en douceur.

M. Bizet me pose une question technique sur la viande bovine : j'étudierai comment pourraient être modifiés les textes pour prendre en compte sa préoccupation.

Ne me faites pas dire ce que je n'ai pas dit : jamais je n'ai prétendu que le mécanisme du prix d'intervention était plus coûteux que d'autres mesures. J'affirme, en revanche, que ses conséquences économiques sont lourdes pour les fermiers eux-mêmes. L'aide au stockage privé, qui allègera le marché de 200 000 tonnes l'an prochain, me paraît plus utile.

S'il n'y a pas de soutien, au sein du conseil des ministres, aux mesures que vous proposez, je n'y peux rien ! Je suis bien obligé de prendre en compte le rapport des forces qui s'y dégage.

Il m'est difficile d'entendre que la situation actuelle menace 20 % des producteurs de lait : pour la France, 63 millions d'euros ont été débloqués, que votre gouvernement peut abonder à concurrence du même montant. En 2009-2010, nous avons connu une crise du lait : le prix de revient au litre était alors de 28,7 centimes en France, et le nombre de producteurs a reculé de 5,9 %, pas de 20 %. En 2013-2014, malgré un prix record de 36,4 centimes, vous avez perdu 3,7 % de vos producteurs. D'autres facteurs sont en jeu, par exemple les départs à la retraite. Du reste, c'est moins le prix moyen pour la France qu'il faut considérer, que le prix dans chaque région, car il varie entre 20 et 30 centimes. En Normandie, il est de 22 centimes. C'est pourquoi nous avons voulu plus de flexibilité, afin que les États membres tiennent compte de la diversité des situations.

S'agissant des pénalités de 1,1 milliard d'euros au titre du refus d'apurement, la seule marge de manoeuvre dont je disposais était le rééchelonnement, pour la France comme pour les autres pays sanctionnés.

La simplification est ma grande priorité, car tout le monde se plaint de la bureaucratie et je partage ces critiques. Il me tient à coeur de prendre toutes les mesures nécessaires pour protéger l'argent des contribuables. Je ferai une annonce à ce sujet prochainement.

Je ne crois pas être naïf sur le traité transatlantique. Je remarque que l'Union européenne n'est pas toujours considérée comme un partenaire égal par les États-Unis, or, l'Europe n'est pas l'un de leurs territoires périphériques... Nous entendons être respectés. Je participe aux négociations puisque l'agriculture en est une partie importante. Des avancées ont été marquées ces derniers jours. Toute notre attention vise à protéger les standards alimentaires, environnementaux, etc.

Quant à la sécurité alimentaire, l'important est de décider quels sont nos objectifs, sachant que la population mondiale va augmenter de 30 % en quarante ans. Pour nourrir tout le monde durablement, il faut se préoccuper dès aujourd'hui des ressources en eau, de la fertilité des sols, des manières de produire plus avec moins. J'ai été ministre de l'environnement, je suis bien au fait de ces enjeux.

L'agriculture intelligente exigera une pratique génomique dans l'élevage bovin, pour réduire les émissions de CO2 des animaux. Le marché l'exigera, que cela plaise ou non aux éleveurs.

La forêt est-elle partie intégrante de l'agriculture, ou en est-elle séparée ? Ce point n'a pas encore été réglé au sein de la Commission, il faut l'avouer.

Je veux dire également à M. Bourquin que nous mettons à disposition des régions qui souffrent tous les outils dont nous disposons, et que nous leur portons une grande attention. Tout programme de développement rural peut être modifié rapidement - chaque année. Ceux concernant la France seront terminés fin novembre, ils prennent en compte la biodiversité, la bioéconomie, et je précise que 50 % des fonds seront consacrés aux investissements hors exploitations : les sommes iront donc aux communautés rurales.

Vous dites que les paysans que vous rencontrez sont inquiets ; je les rencontre moi aussi ! Je ne peux laisser dire que nous perdons des millions d'exploitations, quand l'Union européenne verse 300 euros par vache aux éleveurs. « Faire plus » demandent certains : mais que faire de plus ?

Sur la main d'oeuvre et la mobilité, nous travaillons avec les Allemands, et Marianne Thyssen, la Commissaire européenne en charge de l'emploi, aura des choses à vous dire prochainement.

La France était hostile aux quotas laitiers il y a trente ans. Aujourd'hui elle est pour. Je relève une certaine incohérence. Certes, tout le monde a le droit de changer d'avis... En ce qui me concerne, je défends un modèle d'exploitation familiale et mes efforts visent à trouver des marchés de substitution, car tout million d'euros d'exportations supplémentaires se traduit par des emplois supplémentaires dans les fermes.

Enfin, un groupe de travail a été constitué pour étudier les aspects financiers des marchés agricoles. Il formulera ses propositions d'ici un an.

La fièvre catarrhale ovine n'entre pas dans mes attributions. Je ne puis donc guère vous apporter de réponse...

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