L'union bancaire a été une des décisions importantes du sommet européen du mois de juin. Nous avons pensé que le Sénat devait se saisir de ce dossier suffisamment en amont. Nous avons fait de nombreuses auditions pour cerner de plus près ce sujet complexe. La crise financière qui perdure se nourrit, au sein de la zone euro, d'un cercle vicieux entre dettes souveraines et dettes bancaires. Nous sommes en ce moment dans une phase de « renationalisation » des marchés financiers. On tourne le dos à ce qu'il faudrait faire. Les banques et les pays se replient sur leur marché domestique. Lors d'une table ronde, un des orateurs a parlé d'« euro du nord » et d'« euro du sud ». On ne peut pas construire l'Europe comme cela. La crise de confiance vis-à-vis de la zone euro pèse sur le financement de l'économie et la croissance de la zone.
L'Europe a multiplié les initiatives de soutien au secteur bancaire. La Banque centrale européenne a mené, au-delà de ses prérogatives d'origine, des politiques majeures d'intervention. Malgré l'accalmie des marchés, l'Europe et la zone euro se devaient de proposer des solutions structurelles pérennes.
La mise en place du mécanisme européen de stabilité (MES) qui pourra agir en tant que prêteur ultime aux banques de la zone euro, au-delà de sa mission première d'aides aux États, est une première réponse. C'est une avancée importante. À ce titre, pour assurer le bon usage des fonds et éviter tout conflit d'intérêt dans la résolution éventuelle des défaillances bancaires, il est apparu indispensable que soit mise en place une supervision des banques de la zone, harmonisée et indépendante.
Le mécanisme unique de supervision s'inscrit dans le cadre plus large de l'union bancaire actée par le sommet de la zone euro du 29 juin 2012. C'est une proposition de la Commission du 12 septembre qui doit permettre de restaurer la confiance et d'assurer la poursuite de l'intégration du marché financier européen. Ce système de supervision concerne la zone euro. Je souhaite mentionner sans les développer en détail les deux autres textes liés à ce projet : la garantie des dépôts et surtout les mécanismes liés à la défaillance des établissements financiers. Nous en reparlerons à une prochaine occasion car ils sont la conséquence logique de l'union bancaire.
Je vous propose que nous abordions ensemble en détail les éléments de la proposition de résolution. J'ai déjà évoqué le repli des acteurs financiers sur leurs marchés nationaux.
La Banque centrale européenne (BCE) dispose indéniablement de l'autorité institutionnelle et des compétences pour mener à bien cette mission de supervision. C'est le bon choix pour la supervision européenne. Mais cela pose plusieurs problèmes qu'il faut expliciter.
Tout en conservant un objectif d'adoption de ce mécanisme avant la fin de cette année, il faut en effet rester vigilant sur trois points.
Premier point : il convient d'assurer l'indépendance institutionnelle et fonctionnelle entre supervision bancaire et politique monétaire afin de préserver la réputation de la politique monétaire de la BCE. Il est proposé par la Commission de créer un comité de surveillance au sein de la BCE. Ce comité fera le travail mais il est statutairement sous l'autorité du Conseil des Gouverneurs de la BCE. Il faut éviter tout mélange des genres en tirant avantage de la connaissance de la BCE du secteur bancaire à travers ses missions d'octroi de liquidités. C'est un point crucial qu'il faudra traiter par des aménagements à court terme et ensuite, peut-être, par une modification institutionnelle.
Deuxième point : il faut préciser le fonctionnement de la supervision européenne et l'autorité du futur superviseur européen sur les superviseurs nationaux. J'attire votre attention sur le point suivant : la BCE assume en effet seule la responsabilité de la supervision. La BCE « sous-traite » certaines des missions aux autorités nationales. Elle doit pouvoir en maîtriser l'exécution menée localement par les superviseurs nationaux et se doter des moyens de contrôler ce que font les autorités prudentielles. On sait que, en temps de crise, les autorités nationales sont soumises à de nombreuses pressions. Ce n'est pas un reproche, c'est une réalité. Il faut contrôler autrement. Les contours et les modalités d'exercice de sa compétence exclusive conditionnent largement la crédibilité de la future supervision européenne.
Troisième point : il faut revoir les modalités de gouvernance qui sont proposées. Le comité de surveillance est constitué de 4 membres de la BCE et des 17 superviseurs. La création d'un comité exécutif restreint attaché au Conseil de surveillance, organe chargé de la supervision au sein de la BCE, permettra d'assurer la réactivité et le pragmatisme de la supervision. Agir rapidement est souvent une nécessité en matière bancaire. La participation de personnalités extérieures qualifiées assurerait une diversification plus grande. C'est le cas à l'ACP.
Le mécanisme unique de supervision doit répondre aux attentes essentielles en termes de supervision bancaire.
La supervision par la BCE doit couvrir les 6 000 banques de la zone euro. C'est un sujet qui a fait l'objet de discussions avec l'Allemagne. C'est pourtant une condition nécessaire de son efficacité. La crise nous a appris que les petites banques présentent des risques parfois très importants. Elle devra, à terme, couvrir les entreprises d'assurance et, de façon harmonisée, les chambres de compensation quelque soit leur statut.
Le Sénat s'est déjà prononcé sur la refonte de la réglementation prudentielle applicable aux banques (propositions CRD IV). Les négociations en cours devront aboutir afin de fournir à l'union bancaire un corpus réglementaire unique tout en préservant la place des établissements bancaires européens dans le financement de l'économie.
L'Autorité bancaire européenne occupe des fonctions centrales comme vecteur d'une convergence réglementaire des 27 États membres. C'est une autorité naissante. Elle est appelée à être le normalisateur des pratiques de supervision dont la qualité a été remise en cause par la crise. La crédibilisation des tests de résistance, le contrôle de la gouvernance des banques et de la politique de rémunération doivent y figurer en bonne place.
Afin d'assurer la cohérence de la démarche, le mécanisme unique de supervision appelle à la mise en place d'un mécanisme de résolution des défaillances bancaires. Une approche pragmatique conduit à privilégier tout d'abord une harmonisation des mécanismes nationaux de gestion des crises bancaires puis à doter l'union bancaire d'une véritable autorité de résolution.
Enfin, au regard des conséquences financières et politiques des décisions de supervision, il est nécessaire d'apporter une réponse institutionnelle aux attentes légitimes de contrôle démocratique de l'union bancaire. C'est un point très important. Pour l'instant, il n'est prévu aucun contrôle des parlements nationaux sur le mécanisme de supervision unique. Il me semble qu'un contrôle démocratique parlementaire est indispensable. Un sous-comité dédié à la zone euro devrait assurer ces missions de contrôle du mécanisme unique de supervision, au sein de la Conférence interparlementaire prévue à l'article 13 du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance. Ce contrôle doit permettre d'assurer à chacun le droit de regard et d'investigation nécessaire à la bonne appréciation de l'action conduite et de l'usage des pouvoirs conférés. L'union bancaire est un transfert de souveraineté important. Il faut un contrôle associant les parlements nationaux.