Intervention de Bernard Cazeneuve

Commission des affaires européennes — Réunion du 24 octobre 2012 : 1ère réunion
Institutions européennes — Audition de M. Bernard Cazeneuve ministre délégué aux affaires européennes

Bernard Cazeneuve, ministre délégué aux affaires européennes :

Le Conseil européen a abordé le pacte de croissance sous trois angles : le pacte proprement dit dont l'enveloppe s'élève à 120 milliards d'euros, et ses conditions de mise en oeuvre ; les perspectives financières de l'Union européenne pour la période 2014-2020, qui prolongent les décisions prises dans le cadre des 120 milliards ; la politique industrielle et le juste échange.

Sur les 120 milliards d'euros du pacte de croissance, 55 milliards proviennent des fonds structurels, 60 milliards de la capacité totale de prêts de la Banque européenne d'investissement (BEI) après sa recapitalisation à hauteur de 10 milliards, et une première génération d'obligations de projets en phase pilote. Afin de faciliter la mise en oeuvre du volet relatif aux fonds structurels, la Commission a décidé de raccourcir à 3 mois les délais d'instruction des dossiers présentés par les États à la Commission, contre 6 en moyenne aujourd'hui. En ce qui concerne la France, on évalue à 20,5 milliards d'euros le plancher des sommes qui pourront être mobilisées dans le cadre de ce pacte, sur des opérations relevant des transports, de la transition énergétique, de la recherche et de l'accompagnement des entreprises. Notre taux de consommation des fonds structurels est de 72 % pour le fonds européen de développement régional (FEDER) et de près de 100 % pour le fonds social européen (FSE). Nous travaillons à mobiliser la part résiduelle pour abonder des projets liés à la stratégie Europe 2020.

Le conseil d'administration de la BEI s'est réuni en juillet. Les gouverneurs se réuniront en décembre, ils traiteront du déblocage des 10 milliards d'euros en une seule fois. La dernière loi de finances rectificative établit la participation de la France à cette recapitalisation à hauteur de 1,6 milliard d'euros. Notre ambition est d'optimiser le taux de retour des prêts de la BEI : il est en effet de 7 à 8 % en France, contre moins de 7 % au Royaume-Uni, mais de 13 à 14 % en Allemagne. Si nous sommes structurellement dans un rapport de 1 à 2 avec nos voisins allemands, c'est qu'ils ont réussi à organiser un continuum entre leur secteur bancaire, les Länder et leur secteur industriel, qui aboutit à une consommation des prêts en continu. J'ai mis en place un groupe de travail avec l'Association des régions de France pour optimiser l'usage des prêts de la BEI - on peut attendre un taux de prêts de l'ordre de 7 milliards.

Un mot des opérations de projets. Le règlement entre la Commission et la BEI est en cours de finalisation. Les 100 millions déjà mobilisés en garantie par la Commission pourraient appeler jusqu'à 3,5 milliards d'euros. Un financement de 100 millions d'euros a déjà été autorisé en matière de transports, 130 autres millions restant à mobiliser sur des projets relatifs au numérique et à l'énergie. L'idée est de financer des projets novateurs.

Cette ambition de croissance est prolongée par le budget de l'Union européenne pour la période 2014-2020. La Commission propose de le fixer à 1 030 milliards d'euros. Si je ne puis vous communiquer les propositions chiffrées que la France a arrêtées, sachez simplement qu'elles ont évolué par rapport à celles du gouvernement précédent en termes de volume de coupes. En toute hypothèse, il ne peut y avoir simultanément 200 milliards de coupe - comme le souhaitent les Britanniques, en accord avec le précédent gouvernement -, des aides directes pour la politique agricole commune (PAC) et des fonds de cohésion pour les régions intermédiaires. Ces trois objectifs imposent de trouver un niveau raisonnable de coupes. Nos objectifs de négociation reposent sur un volume budgétaire raisonnable compte tenu de nos objectifs de déficit. Ils sont simples : nous voulons le maintien des aides directes de la PAC, ce qui est dans la continuité des gouvernements précédents ; en matière de fonds de cohésion, les régions intermédiaires françaises doivent être bien dotées ; il faut remettre les programmes ITER et GMES dans l'enveloppe de négociation sous plafond ; les régions ultrapériphériques doivent être traitées avec les honneurs dus à leur rang ; enfin, nous souhaitons promouvoir la lisibilité des dispositifs d'obtention de ressources, notamment sur les ressources propres et les rabais dont bénéficient certains États hostiles à l'Europe : nous n'allons pas mobiliser 2 milliards d'euros d'argent français pour payer les chèques d'autres pays.

Nous avons en outre rappelé la nécessité d'une politique industrielle à l'échelle de l'Union européenne. Nous avons déjà constitué un groupe de travail avec l'Allemagne sur l'électro-mobilité. La lettre signée par Arnaud Montebourg et le ministre luxembourgeois de l'industrie pour promouvoir une politique industrielle à l'échelle de l'Union a été signée par cinq autres États membres. Avant même que la Commission ait rendu publique sa communication sur la politique industrielle de l'Union, nous avons commencé à réunir des groupes de travail spécifiques, dans le but de formuler des propositions à l'occasion des 50 ans du traité de l'Elysée. D'autre part, nous avons fait inscrire dans les conclusions du Conseil européen notre position sur le juste échange : nous ne voulons pas que les États qui n'ouvrent pas leurs marchés publics à nos industries puissent candidater sans préjudice à nos appels d'offres. Ne vous y trompez pas : nous ne sommes pas protectionnistes, nous souhaitons le développement du libre-échange, contrairement à ce que les pages saumon d'un quotidien ont affirmé, mais nous le souhaitons dans un contexte de réciprocité, pour éviter la désindustrialisation de l'Union européenne. Cela ne suscite pas l'enthousiasme du Royaume-Uni ou des pays du nord, mais cela figure désormais dans les conclusions du Conseil européen.

Le projet d'union bancaire a constitué le plat de résistance de ce Conseil européen. Son premier volet concerne la supervision bancaire : nous avons progressé et trouvé un compromis avec l'Allemagne, ce qui prouve que les choses avancent lorsque nous disons ce que nous voulons sans précéder ses désirs ni nous laisser imposer des choses que nous ne voulons pas. Ce bon compromis, qui fera l'objet de dispositions législatives actuellement en préparation au sein de la Commission, ne concerne pas seulement les banques systémiques, mais l'ensemble des banques de la zone euro, contrairement à ce que souhaitaient nos partenaires allemands. Cela n'exclut pas une répartition entre la Banque centrale européenne (BCE) et les banques centrales nationales dans la mise en oeuvre de la supervision. En tout état de cause, la BCE garde un pouvoir d'évocation lui permettant de contrôler à tout moment une banque si cela se révélait nécessaire.

Le compromis concerne également le calendrier de mise en oeuvre de ce projet de supervision, qui converge avec celui défini par la Commission : les banques des pays bénéficiant d'un soutien de l'Union européenne seront supervisées dans le courant du premier semestre 2013 ; à compter du 1er juillet, ce sera au tour des banques systémiques, puis de toutes les banques à compter de 2014. Nous avons un an pour décliner, dans une temporalité maîtrisée, une réforme qui touche l'ensemble des banques européennes.

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