Intervention de Jean-François Humbert

Commission des affaires européennes — Réunion du 25 octobre 2012 : 1ère réunion
Politique étrangère et de défense — Examen de la proposition de résolution n° 787 relative à la nomination d'un représentant spécial de l'union européenne pour le tibet - rapport de m. bernard piras

Photo de Jean-François HumbertJean-François Humbert :

Je me réjouis de la procédure qui permet à ma proposition de résolution d'être inscrite à l'ordre du jour de nos travaux. Merci à M. Piras d'avoir travaillé à l'amélioration de mon texte ; nous devrions pouvoir surmonter nos différences.

Cosignée par 24 des 27 membres du groupe d'information sur le Tibet, représentant la quasi-totalité des groupes politiques du Sénat, cette proposition de résolution a un objet simple : rompre le silence assourdissant de la communauté internationale face à l'aggravation de la situation au Tibet. Depuis l'annexion forcée du Tibet par la Chine en 1950 et après le départ du Dalaï-Lama pour Dharamsala en 1959, les Tibétains n'ont jamais accepté ce qu'ils ressentent au fond de leur coeur comme une domination étrangère. Après l'écrasement de la résistance armée tibétaine, les ravages de la révolution culturelle, après la répression du soulèvement à Lhassa en 1989, celui du printemps 2008 a été lourdement réprimé. Depuis, la loi martiale prive les Tibétains de leurs droits et libertés les plus élémentaires. Cette oppression continue les a plongés dans un désespoir si profond que certains d'entre eux en sont arrivés à cette forme radicale de protestation que constituent les auto-immolations par le feu. Avant de revenir sur le terme, sachez qu'au 24 octobre, il y en avait eu 58.

L'idée de la proposition de résolution nous est venue lorsque nous avons accueilli en mars dernier M. Kelsang Gyaltsen. Celui-ci nous a demandé de soutenir la nomination d'un représentant spécial de l'Union européenne pour le Tibet. En 1997, nous a-t-il expliqué, un coordinateur a été nommé aux États-Unis et son bilan est très positif. Depuis, le gouvernement américain s'est montré beaucoup plus fort et cohérent que l'Europe sur la question tibétaine. Ce coordinateur est une personnalité officielle de haut rang avec le titre de sous-secrétaire d'État, et son titulaire actuel est Mme Maria Otero, sous-secrétaire d'État pour la sécurité, les droits de l'Homme et la démocratie, en même temps que coordinateur spécial pour le Tibet. Celle-ci rencontre trois fois par an les représentants du conseil de la sécurité de la Maison Blanche, du département d'État, ainsi que le sous-secrétaire d'État pour l'Asie et le Pacifique. Elle a invité les ambassadeurs européens en poste à Washington et visité Paris, Londres, Berlin et Bruxelles. Elle se rend régulièrement en Inde et au Népal pour rencontrer les Tibétains en exil. En trois ans, elle a rencontré cinq fois le Dalaï-Lama. Avec un seul gouvernement et un seul département d'État, la politique américaine sur le Tibet est beaucoup plus cohérente. Dans une Union européenne à 27 membres, un coordinateur apparaît encore plus nécessaire. Comme autrefois le gouvernement Clinton, le président américain et Hillary Clinton sont très actifs, et ce, sans conséquences négatives : les relations entre les États-Unis et la Chine sont meilleures que celles de bien des pays européens. Les Chinois ont accepté que la question du Tibet figure en priorité sur l'agenda sino-américain et leurs protestations sont formelles et presque routinières lorsque Barack Obama rencontre le Dalaï-Lama, ce qui n'est pas le cas lorsque des dirigeants européens font de même.

M. Kelsang Gyaltsen nous a convaincus de l'urgence à montrer aux Tibétains qu'ils ne sont pas seuls au monde face à leurs oppresseurs chinois. L'Union européenne s'honorerait de suivre l'exemple américain en nommant un représentant spécial pour le Tibet, qui coordonnerait les efforts des États membres pour y promouvoir les libertés et la recherche d'une solution pacifique et négociée sur la question. Celle-ci n'est pas hors d'atteinte : il suffirait d'un peu de bonne volonté de la part de la Chine pour que les Tibétains bénéficient de l'autonomie réelle à laquelle ils ont droit en vertu de la constitution de la République populaire de Chine - elle prévoit des régions autonomes, dont le Tibet. Notre proposition de résolution s'appuie sur la résolution relative aux droits de l'Homme au Tibet adoptée par le Parlement européen le 14 juin 2012, et dont le point 19 préconise la nomination d'un représentant spécial pour le Tibet.

Les parlements européens doivent parler de manière plus franche et courageuse que les gouvernements : nous devons convaincre nos amis Chinois qu'il est indigne de leur statut de puissance mondiale de s'acharner sur un petit peuple de six millions d'habitants. Sa communauté en exil a montré sa capacité à vivre une vie démocratique, notamment lors des dernières élections organisées par la communauté en exil, dont j'ai été l'observateur en France - je peux aussi vous parler du référendum sur l'autonomie réelle demandé par les Chinois.

Notre proposition de résolution n'obéit à aucune considération partisane, ce dont témoigne la liste de ses signataires. L'attachement aux droits de l'Homme n'est ni de droite, ni de gauche, c'est une tradition de notre Haute assemblée.

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