Commission des affaires européennes

Réunion du 25 octobre 2012 : 1ère réunion

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • bosnie-herzégovine
  • capitale
  • chine
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  • tibet

La réunion

Source

Debut de section - PermalienPhoto de Simon Sutour

Avant d'aborder les trois points de notre ordre du jour, je voudrais évoquer la proposition de décision E 7366 visant à prolonger pour quatre ans le programme de recherche à mettre en oeuvre par le Centre commun de recherche et lié aux réacteurs à haut flux de la Communauté européenne de l'énergie atomique. Celui-ci joue un rôle important dans la recherche nucléaire, notamment en ce qui concerne l'amélioration de la sûreté des réacteurs, la gestion de leur vieillissement et de leurs déchets. Il sert également à la production de radio-isotopes qui sont utilisés dans 60 % des diagnostics médicaux chaque année.

Depuis 2009, le financement est assuré par trois États-membres (Pays-Bas, Belgique et France). Le réacteur étant situé aux Pays-Bas, ce pays fournit 90 % du budget, soit 31 millions d'euros. La contribution de la France s'élèverait à 1,2 million d'euros pour 4 ans. Je vous propose de ne pas intervenir sur ce texte, qui sera ainsi présenté au Conseil prochainement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Bizet

Je me réjouis de ce texte ! Les dernières déclarations de M. Oettinger, le commissaire européen à l'énergie, m'ont troublé. On ne peut faire comme si l'énergie nucléaire n'existait pas. Il en va de la compétitivité de l'industrie européenne et de notre industrie nationale.

Il en est ainsi décidé.

Debut de section - PermalienPhoto de Simon Sutour

M. Bizet et moi-même avions fait un rapport sur la sûreté nucléaire en Europe. Nous aurons à en reparler devant notre commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Simon Sutour

Notre collègue Michel Billout s'est récemment rendu en Bosnie-Herzégovine avec un groupe d'amitié. Conformément à la politique du Sénat de valoriser le travail de ses groupes d'amitié, il va nous présenter ses observations sur ce candidat potentiel à l'adhésion à l'Union européenne.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Billout

Le groupe interparlementaire France - Balkans occidentaux s'est rendu il y a un mois à Sarajevo, Mostar et Banja Luka pour y rencontrer pendant cinq jours responsables politiques et acteurs internationaux. Avec nos collègues Jean-Pierre Michel et René Beaumont, nous souhaitions connaître la situation du pays, vingt ans après le déclenchement du conflit qui l'a ravagé pendant près de quatre ans, causant la mort de près de 100 000 personnes dont plus de 11 000 à Sarajevo. Comme vous avez dû le relever, ma phrase introductive ne cite pas expressément le nom du pays visité. Je reviens, en effet, d'un pays qui, à l'heure actuelle, n'existe pas réellement, tant les communautés qui le composent baignent dans une culture du ressentiment alors même que les structures politiques instituées par les accords de Dayton l'empêchent de fonctionner concrètement. Le terme de « Bosnien », censé fédérer les communautés, est même rejeté par l'une d'entre elles, en l'occurrence les Serbes.

Signés en 1995, les accords de Dayton ont eu pour principal objectif de mettre fin au conflit. Les institutions qu'ils mettent en place tiennent compte du poids respectif des trois communautés au bout de quatre ans de guerre. Les deux entités qui composent le pays : la Republika Srpska, à dominante serbe et de confession orthodoxe, et la Fédération de Bosnie-Herzégovine, qui réunit Bosniaques, de confession musulmane, et Croates, de confession catholique, voient ainsi leurs frontières définies en fonction des positions des belligérants au moment de la signature des accords. Le texte prévoit la mise en place d'un État fédéral regroupant les deux entités. Mais les compétences de celui-ci demeurent relativement limitées, l'essentiel du pouvoir étant décentralisé. Le fonctionnement des deux entités n'est pas pour autant identique puisque la Republika Srpska est centralisée, tandis que la fédération croato-bosniaque est hyper décentralisée et divisée en dix cantons, afin, notamment, de garantir une représentation aux Croates, qui en dirigent trois. In fine, l'exercice du pouvoir est, en Bosnie-Herzégovine, fragmenté entre 14 gouvernements et autant d'assemblées, réunissant au total près de 180 ministres et près de 600 parlementaires, fragilisant d'autant la prise de décision.

Combinée à des dispositions constitutionnelles garantissant à chacun des trois peuples constitutifs - bosniaque, croate et serbe - une capacité de blocage de toute décision jugée contraire à leurs intérêts, une telle architecture institutionnelle aboutit à une forme de paralysie de l'action politique.

Il n'existe pas, au-delà d'un discours de façade sur la volonté du pays d'intégrer rapidement l'Union européenne, de réelle ambition commune aux trois communautés pour faire exister concrètement ce pays. Il existe bien un consensus entre les parties en présence sur les insuffisances des institutions actuelles mais chacune d'entre elles préfère faire porter la responsabilité de l'échec à la communauté voisine. Vingt ans après la guerre, dix-sept ans après l'arrêt des hostilités, le vouloir-vivre ensemble relève encore de la fiction, l'identité bosnienne n'existe pas. Le fonctionnement de la vie politique illustre d'ailleurs cet état de fait, les sept formations qui dominent le paysage reflètent avant tout les intérêts de chacune des trois principales communautés. Il convient d'ailleurs d'entendre le terme intérêts au sens large. Dans un pays avec une telle densité institutionnelle, la politique est, en effet, devenue une rente, la recherche de postes, au sein des gouvernements, des assemblées mais aussi des entreprises publiques apparaissant souvent comme principal programme politique d'un certain nombre de formations. Les partis dits « civiques » demeurent, à l'heure actuelle, écartés de l'exercice du pouvoir, si tant est que celui-ci soit possible.

La forte connotation identitaire des principales formations politiques rend délicate toute possibilité de coalition au niveau central. Le souvenir de la guerre et la haine latente entre anciens belligérants rendent délicat tout rapprochement. Un pas en direction d'une autre communauté est d'ailleurs souvent vu comme une trahison. Des querelles picrocholines fragilisent également les alliances dès lors qu'elles sont trouvées. Il a ainsi fallu attendre quinze mois après les élections législatives du 3 octobre 2010 pour qu'un accord de gouvernement puisse être trouvé. Celui-ci a néanmoins été remis en question au mois de juin dernier, paralysant l'action du gouvernement central mais aussi la fédération croato-bosniaque, un contentieux opposant les deux principaux partis bosniaques. De fait, seules quatre lois ont pu être adoptées depuis le début de la législature, alors que l'objectif d'une adhésion à l'Union européenne implique bien évidemment une adaptation plus conséquente de la législation locale à l'acquis communautaire.

Nous avons ainsi noté avec inquiétude que, loin de représenter une chance pour le pays, l'adhésion de la Croatie à l'Union européenne allait plutôt avoir impact négatif. Faute d'adaptation de ses normes phytosanitaires aux exigences communautaires, les 45 millions de litres de lait bosnien actuellement exportés en Croatie ne pourront plus l'être au 1er janvier prochain, privant ainsi l'agriculture locale d'un débouché considérable. La Bosnie-Herzégovine dispose pourtant des laboratoires compétents pour exercer les contrôles en question, mais aucune procédure d'homologation administrative de leurs résultats n'a été mise en place, en dépit des encouragements en ce sens de l'Union européenne depuis trois ans.

La Bosnie-Herzégovine est le dernier État issu de l'ex-Yougoslavie à avoir formalisé sa relation avec l'Union européenne via un Accord de stabilisation et d'association, l'ASA. L'entrée en vigueur de celui-ci a néanmoins été suspendue, l'Union européenne estimant que la Bosnie-Herzégovine devait mettre en oeuvre des « efforts crédibles » en vue de mettre en conformité sa Constitution avec l'arrêt « Sedjic-Finci » rendu par la Cour européenne des droits de l'Homme le 22 décembre 2009. La Constitution ne permet pas, en effet, à l'heure actuelle aux citoyens non-membres des trois peuples constitutifs - juifs ou roms par exemple, mais aussi parfois citoyens issus de mariages mixtes - de se présenter aux élections centrales. Il existe à l'heure actuelle 14 minorités qui se voient privées d'éligibilité dans le pays. En janvier dernier, l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe a également indiqué que la Bosnie-Herzégovine pourrait être évincée de l'Organisation si une telle réforme n'entrait pas en vigueur. Les entretiens avec les responsables politiques que nous avons pu avoir en Bosnie n'ont pourtant pas révélé un quelconque empressement sur le sujet. Comme nous n'avons pas senti de réelle ambition en vue d'une refonte complète des institutions tant au niveau central qu'au sein de l'« ultra balkanisée » fédération croato-musulmane et ses 10 cantons.

En attendant, l'Union européenne a néanmoins dressé une feuille de route au pays en juin dernier, signée par les représentants des partis politiques et renforcé ses structures au sein du pays, en distinguant en mars 2011 le poste de Représentant spécial de l'Union européenne de celui de Haut représentant des Nations Unies. La pertinence du maintien du représentant des Nations Unies reste d'ailleurs à démontrer. Les Bosniaques sont encore très attachés au Haut représentant. Il est vu comme un symbole de protection et qui a su, en plus, faire régulièrement preuve de fermeté face à l'irrédentisme sans cesse réaffirmé de l'entité serbe. Mais il est permis de s'interroger sur son action effective, alors que des doublons apparaissent avec la politique menée sur place par l'Union européenne. Par ailleurs, les pouvoirs qui lui ont été accordés à Bonn en 1997 et qui lui permettaient d'exercer une véritable tutelle sur la vie politique locale - en écartant les responsables impliqués dans des affaires de corruption ou en mettant son véto à la promulgation de certains textes - sont beaucoup moins utilisés depuis 2006. À l'heure où il convient de responsabiliser un peu plus les dirigeants bosniens, la position d'arbitre ou d'éternel recours qu'il peut incarner n'est plus forcément de mise. Il n'existe pas, néanmoins, de consensus au sein de l'Union européenne sur cette question : l'Allemagne, la Belgique, la France, l'Italie ou la Suède sont partisanes d'une suppression à terme du Bureau du Haut représentant, mais l'Autriche, les Pays-Bas ou le Royaume-Uni, soutenus par les États-Unis et la Turquie, s'y opposent. Je tiens à rappeler que la contribution de l'Union européenne au budget du Bureau s'élève à 53 %, soit plus de 4 millions d'euros, alors que le budget de son Représentant spécial s'élève lui à 5,25 millions d'euros.

La fermeture du Bureau ne pourra quoiqu'il en soit intervenir qu'après que la Bosnie-Herzégovine aura satisfait aux objectifs et conditions dits « 5+2 » établies en février 2008. Les 5 objectifs à atteindre concernent :

- la répartition des propriétés publiques entre l'État et les entités ;

- la répartition des propriétés militaires ;

- la pérennisation du statut spécial de Brèko, cette ville comprise entre les deux entités mais qui jouit d'une complète autonomie administrative ;

- la soutenabilité budgétaire ;

- le renforcement de l'État de droit.

Les 2 conditions proprement dites sont la signature de l'ASA et une évaluation positive de la situation politique. À l'heure actuelle, seuls les trois premiers objectifs semblent en passent d'être atteints. Un accord est en effet intervenu le 9 mars dernier entre les formations politiques sur la question de la répartition des propriétés. Le district n'est plus placé sous la supervision du Haut représentant depuis le 1er septembre dernier.

Je tiens par ailleurs à souligner que la question de la répartition des propriétés militaires est une des conditions sine qua non pour l'intégration du pays à l'OTAN. Cette adhésion n'est pas, pour autant, un objectif partagé au sein de la Bosnie-Herzégovine. Si les Croates et les Bosniaques estiment qu'elle renforcerait un peu plus la sécurité intérieure du pays et considèrent qu'elle est presque prioritaire par rapport à l'adhésion à l'Union européenne, les Serbes assimilent l'organisation atlantique aux bombardements subis pendant le conflit mais aussi à ceux effectués en Serbie au moment du conflit au Kosovo.

Il y a lieu de s'interroger sur un changement à terme des mentalités tant la jeune génération apparaît peu impliquée dans l'avenir du pays, aux dires des représentants de la société civile que nous avons pu rencontrer. Le débat sur la réforme constitutionnelle, la simplification administrative ou la réflexion sur une véritable citoyenneté bosnienne est seulement au coeur des travaux d'universitaires expérimentés ayant connu la Bosnie-Herzégovine à l'époque yougoslave.

Pire, le fonctionnement même des écoles empêche l'émergence d'une nouvelle culture politique. L'éducation n'est, en effet, pas une compétence de l'État central. Chacune des communautés a donc un enseignement adapté, niant l'autre. Le cas est particulièrement criant au sein de la fédération croato-bosniaque où fonctionnent une quarantaine d'établissements, appelés « deux écoles sous un même toit ». Les élèves y sont répartis par communauté, entrent dans les locaux par des portes distinctes, leurs temps de récréation n'étant pas commun. Si les programmes mettent en avant une spécificité idiomatique propre à chacune des communautés, je tiens tout de même à rappeler qu'il y a moins de différence, selon les linguistes, entre les langues bosniaque, croate et serbe qu'entre le breton et le français, voire le picard et le français. Le rôle des autorités religieuses n'est pas anodin dans le maintien de telles structures. Un projet pour que la note d'enseignement religieux ne compte plus dans la moyenne générale a, d'ailleurs, dû être retiré au sein de la fédération croato-bosniaque sous la pression des dignitaires musulmans.

Au moment de conclure mon propos, je ne voudrais pas cependant être totalement pessimiste. La solution pour le pays passe sans doute par une montée en puissance des acteurs économique souhaitant que le pays s'ouvre et donc se modernise à tous les niveaux. Quand bien même ils ne sont pas majoritaires, nous avons rencontré de jeunes actifs à Sarajevo qui semblent enclins à agir en ce sens. La plupart ont d'ailleurs fait leurs études en Bosnie-Herzégovine, en Europe ou aux États-Unis. Il convient de les appuyer au niveau européen pour éviter toute lassitude.

Par ailleurs, en dépit des retards pris par la Bosnie-Herzégovine sur le chemin de l'Union européenne, je constate que pour l'avenir de la région et du continent, nous ne pouvons qu'encourager les leaders politiques locaux à réformer le pays en vue d'une adhésion prochaine. Les élections municipales du 7 octobre dernier, qui sur fond de faible participation - 53 % des votants - et de victoire des partis nationalistes, pourraient déboucher, je l'espère, sur une nouvelle configuration politique au niveau central, afin de tenir compte des nouveaux rapports de force intracommunautaires et faire émerger une nouvelle coalition gouvernementale souhaitant travailler efficacement. C'est du moins ce que nous avons entendu sur place. Il n'existe pas d'alternative à une Bosnie-Herzégovine intégrée à l'Union européenne. Cette adhésion sécurisera définitivement les frontières du pays et garantira aussi le calme à l'intérieur de celles-ci. Tout autre choix ne pourrait que renforcer le jeu des influences extérieures, tant sur le plan politique qu'économique. Je pense notamment à celle de la Russie en Republika Srpska ou à celle de la Turquie, voire de l'Arabie Saoudite ou de l'Iran chez les Bosniaques, avec le risque d'une radicalisation encore plus soutenue des positions. Elle renforcerait chez certains le mirage d'une possible sécession quand bien même les États voisins, Croatie comme Serbie, n'ont aucune envie de voir les frontières actuelles modifiées.

Debut de section - PermalienPhoto de Simon Sutour

L'on ne connaît pas forcément les entités et communautés que vous avez décrites, la Fédération de Bosnie-Herzégovine qui regroupe, en dix cantons, les Bosniaques et les Croates et la Republica Srpska qui rassemble les Serbes.

Vous nous avez indiqué qu'il existait un État central qui dispose d'un certain nombre de compétences. La politique étrangère en fait-elle partie ?

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Billout

La politique étrangère est en effet une compétence de l'État central. Elle est incarnée par un ministre des affaires étrangères mais aussi par le Président de la Bosnie-Herzégovine. Cette présidence est tournante, le titulaire changeant tous les huit mois pour que successivement un Serbe, un Bosniaque ou un Croate occupe ce poste. Il en va de même, d'ailleurs dans les Parlements. En ce qui concerne la politique étrangère, elle est délicate à mettre en oeuvre. À l'époque où la Palestine a souhaité adhérer à l'ONU, la Bosnie-Herzégovine était membre non permanent du Conseil de sécurité : les Bosniaques étaient favorables à l'adhésion de la Palestine, et les Serbes, qui s'y sont opposés, ont tissé à cette occasion des liens avec Israël. De l'art de cultiver ce qui rassemble...

Debut de section - PermalienPhoto de Simon Sutour

Quelle est la répartition démographique entre les communautés ?

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Billout

Nous aurons peut-être une réponse au printemps prochain à cette très bonne question : c'est alors qu'aura lieu le premier recensement depuis la guerre. Les représentations actuelles sont certainement erronées, puisque la guerre, avec les morts mais aussi les déplacements de population et les migrations, a considérablement changé la donne. À Banja Luka, en Republika Srpska, il y avait ainsi 300 000 Croates avant le conflit, il en reste 35 000 aujourd'hui. Les populations étaient bien plus mélangées qu'elles ne le sont : on appelait ainsi Sarajevo la « Jérusalem européenne », catholiques, orthodoxes et musulmans y vivaient en harmonie. Aujourd'hui, plus de 90 % des habitants sont musulmans. Le poids démographique de chaque communauté est bien sûr un enjeu considérable. Nous verrons si le recensement a bien lieu au printemps, mais il est lourd de dangers, notamment pour les Croates. Ceux-ci représenteraient approximativement 10 % de la population, contre 47 % pour les Bosniaques et 33 % pour les Serbes. Les diverses minorités représenteraient près de 10 % de la population.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Billout

Les accords de Dayton ont été indispensables pour mettre fin au conflit. Il aurait cependant fallu des accords de Dayton 2, qui ne sont jamais venus. Il est nécessaire que les Bosniens créent eux-mêmes les conditions de sortie de la situation actuelle. Les influences internationales sont très fortes, en provenance du Moyen-Orient, mais aussi de Russie. Celle-ci investit massivement dans le gaz et le pétrole. La Turquie, l'Iran, sont aussi très présents. Ces influences divergentes accroissent la séparation entre les communautés. D'où l'importance du rôle du Représentant spécial de l'Union européenne en vue de fédérer ces communautés et permettre au pays d'accéder sur la voie de l'intégration européenne. Quand bien même son action peut doublonner avec celle du Haut représentant des Nations Unies.

Debut de section - PermalienPhoto de Simon Sutour

C'est vraiment le cas de parler d'une situation très balkanisée !

Debut de section - PermalienPhoto de André Gattolin

Quel est le taux de chômage de chaque communauté ?

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Billout

Officiellement, il est globalement de 45 % pour le pays, et dépasse 55 % pour les moins de 30 ans. Les variations sont plus fortes entre villes et campagnes qu'entre communautés.

Paradoxalement, cette situation économique délicate ne frappe pas quand on parcourt ce pays qui est pour partie bien reconstruit - les capitaux internationaux y ont afflué. Les ruines traduisent une volonté de faire passer un message plus qu'elles ne manifestent un problème de financement. Une économie grise et une agriculture de subsistance permettent de compenser l'impact de ces difficultés. Les jeunes paraissent hélas surtout préoccupés des conditions de leur départ.

Debut de section - PermalienPhoto de André Gattolin

L'Union européenne a décidé de poursuivre sa politique des Capitales européennes de la Culture. Pour ce faire, un nouveau fondement juridique doit garantir une transition sans heurt en 2020 puisque le programme s'arrête en 2019 et que l'appel à candidatures doit être lancé six ans avant l'année où le titre de capitale est décerné, d'où le projet de décision du Parlement européen et du Conseil, qui institue une action de l'Union en faveur des Capitales européennes de la Culture pour les années 2020 à 2033.

Le titre de Capitale européenne de la Culture est attribué pour un an à une ville européenne, suivant une idée lancée le 13 juin 1985 à l'initiative conjointe de Melina Mercouri, ministre grecque de la culture, et de Jack Lang, ministre français de la culture. Le but était de rapprocher les citoyens de l'Union européenne et de célébrer la culture européenne. A tout seigneur, tout honneur : Athènes a été la première ville à obtenir ce titre.

Les Capitales européennes de la Culture s'insèrent dans un programme « Culture » plus large. L'actuel, qui couvre la période allant de 2007 à 2013, dispose d'un budget de 400 millions d'euros pour des projets et des initiatives destinés à mettre à l'honneur la diversité culturelle de l'Europe et à promouvoir son patrimoine culturel commun grâce au développement de la coopération transfrontalière entre les acteurs et les institutions du secteur culturel. Il a trois objectifs principaux : favoriser la mobilité transfrontalière des personnes travaillant dans le domaine de la culture, encourager la circulation transnationale des productions culturelles et artistiques, et promouvoir le dialogue entre les cultures des différents États membres. Pour atteindre ces ambitieux objectifs, il soutient les actions culturelles, les organismes culturels européens et les activités d'analyse et de diffusion. C'est dans le volet « soutien aux actions culturelles » que se trouve la rubrique « mesures spéciales », où figure l'appui aux Capitales européennes de la Culture.

Action communautaire à partir de 1999, le programme « Capitales européennes de la Culture » est devenu au cours du temps l'événement culturel le plus prestigieux et le plus visible de l'action culturelle de l'Union : 40 villes ont déjà reçu ce titre. Une ville n'est pas sélectionnée seulement pour l'emblème culturel qu'elle incarne, elle l'est aussi pour le programme culturel qu'elle accepte de mettre en oeuvre pendant une année. Lorsqu'une ville est nommée Capitale européenne de la Culture, elle se voit encouragée à mettre en valeur les traces de la richesse et de la diversité des cultures européennes sur son territoire, à célébrer les liens culturels qui l'unissent au reste de l'Europe et à faire se rencontrer sur son territoire des personnes de cultures européennes différentes. Tout le programme doit converger vers une plus grande compréhension mutuelle et renforcer un sentiment d'appartenance à la culture et à la civilisation européennes.

L'opération doit avoir des conséquences bénéfiques pour la ville en question, qui met un point d'honneur à régénérer le coeur historique de son territoire, à redynamiser sa vie culturelle, à renforcer son image internationale - des cités étaient tombées dans l'oubli après avoir changé de nom au cours de la tumultueuse histoire du XXe siècle -, à stimuler le tourisme ou encore le rayonnement de ses universités.

Depuis 2011, le Conseil des ministres de l'Union européenne décerne le titre de Capitale européenne de la Culture à deux villes chaque année, ce qui n'est peut-être pas une heureuse réforme, car elle crée une compétition ou un déséquilibre, ainsi du tandem Marseille et Kosice en 2013.

La procédure de sélection commence au moins six ans à l'avance, en fonction de l'ordre des États membres qui accueilleront l'événement. La ville, qui doit présenter une dimension européenne, s'impliquer dans la vie culturelle et artistique européenne, soumet un programme à un jury. Celui-ci vérifie que le programme proposé est adapté à la participation des habitants, qu'il présente un caractère durable, et qu'il fait partie du développement culturel et social à long terme de la ville. La candidate doit s'attacher à prévoir une participation publique à grande échelle capable de dépasser la seule population locale et qui s'adresse, en principe, à l'Europe toute entière.

Le jury examine aussi la gouvernance de la vie culturelle : il convient que la ville candidate dispose d'une structure solide, gérée par des personnes compétentes, indépendantes des pouvoirs publics, mais bénéficiant de leur soutien. Naturellement, le budget, fiable, s'accompagne d'un engagement ferme des autorités locales et nationales comme des partenaires privés, sans oublier une stratégie de communication.

Les États reçoivent l'événement à tour de rôle et, une fois ce nouveau texte adopté, le calendrier sera fixé jusqu'en 2033. Chaque État membre est responsable de la présélection des villes ; il forme un jury national, étudie les candidatures puis recommande la ville qu'il a choisie. Le jury européen de sélection comprend dix experts indépendants et à la compétence culturelle reconnue, désignés par le Parlement, la Commission et le Conseil (trois chacun) ainsi que par le Comité des régions (un). L'État membre transmet le dossier de la ville sélectionnée au jury européen. Chacun des États membres concernés convie les membres du jury européen et les représentants des villes à une réunion de sélection définitive, neuf mois après la présentation. Le jury européen examine les candidatures, rédige un rapport sur l'ensemble des candidatures et conclut dans ce rapport par une recommandation. Après que le Parlement européen a donné son avis, le Conseil des ministres de l'Union déclare les villes retenues.

Une fois la ville nommée Capitale européenne de la Culture, sa préparation est supervisée par un comité de sept experts. Si ce jury de suivi considère que la ville a appliqué ses recommandations, la Commission peut accorder à la ville un financement, le prix Melina Mercouri, doté de 1,5 million d'euros.

Après vingt-cinq ans, il est apparu que la difficulté la plus courante est d'ordre budgétaire : le budget de la ville subit trop souvent les contrecoups de la manifestation, en amont comme en aval, alors qu'il conviendrait au contraire qu'il reste stable. Le coût supplémentaire pour les budgets publics devrait essentiellement être couvert par le mécénat et la participation des intérêts privés, ce qui peut ne pas toujours être le cas.

Trop souvent, la dimension européenne du titre est peu perçue, voire occultée, au profit d'une simple opération de promotion touristique. Enfin, dans la plupart des cas, l'opération ne s'inscrit pas dans une stratégie à long terme ou celle-ci s'est révélée impossible à cause de la taille de la ville ou de sa situation. Souvent, il n'y a aucun lien entre les deux villes choisies et les deux capitales sont simplement juxtaposées : ce sera le cas pour Kosice et Marseille.

Ne conviendrait-il pas de recadrer les objectifs européens ? La politique des binômes ne donne pas lieu à une coopération suffisante : or, avec l'inflation du label, on se trouve dans la curieuse situation d'avoir deux capitales. Une réforme aurait pour corollaire le retour à une seule capitale par an.

Nous avons auditionné deux de nos collègues, Mme Blandin et M. Gaudin, sur les candidatures de Lille et de Marseille - nous irons dans la cité phocéenne le 19 décembre. Devant le grand succès de l'opération conduite en 2004, la ville de Lille a lancé Lille XXL, Lille 3000, Lille Fantastic. Cette pérennisation est à porter au crédit de « Lille 2004 ». Plus discutable, la structure spéciale créée pour 2004 concurrence les services culturels de Lille. Positif pour la ville, le succès d'audience de l'opération n'a promu une conscience culturelle européenne ni parmi le public ni parmi les artistes.

Marseille s'investissait dans la culture depuis une quinzaine d'années : 600 millions engagés ! Là encore, malgré la richesse du programme, la dimension européenne n'est pas très affirmée. On attend 10 millions de touristes contre 3 millions en moyenne. En revanche, les ouvertures vers Kosice n'ont pas été payées de retour.

En somme, il s'agit bien de capitale de la culture, mais rarement de capitale européenne de la culture. Ces opérations sont bénéfiques mais leurs coûts ne sont pas toujours contrôlés et déséquilibrent souvent pour plusieurs exercices les budgets des communes retenues. Il faudrait peut-être imaginer un projet où tous les États qui le souhaiteraient feraient jouer, au profit de la ville choisie, une forme de solidarité, afin que l'entreprise ne soit pas une simple opération marketing pour une année.

Je n'ai pas voulu préjuger de la suite de mes réflexions. Je m'interroge sur le tourniquet, ainsi que sur l'importance de la dimension européenne de cette politique. Nous avons désormais le choix entre une résolution ou un avis motivé.

Debut de section - PermalienPhoto de Simon Sutour

Je partage votre avis. Je connais le début de la procédure pour avoir, jeune secrétaire général de la ville d'Avignon, monté un dossier de capitale européenne de la culture - il est vrai qu'en 2000, plusieurs villes ont été retenues. Privilégions une ville unique, un caractère européen plus marqué, et un investissement européen plus fort de l'Union européenne. Il s'agit actuellement davantage d'une opération de promotion de la ville, avec des aspects positifs de rénovation parce que ce statut donne accès à des financements nationaux ou européens.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Morin-Desailly

Merci de cet excellent rapport, qui éclaire les critères d'attribution du titre. Cet agenda jusqu'à 2033 donne le vertige : dommage pour ceux qui auraient des velléités... Si le système des deux capitales perdure, ne faudrait-il pas envisager une candidature partagée d'emblée comportant des coproductions, des engagements d'échanges entre deux ou trois villes ? Cette voie aurait l'avantage de sous-tendre la politique de coopération et de jumelage. Il est difficile de se satisfaire de la juxtaposition actuelle de deux capitales.

Debut de section - PermalienPhoto de Simon Sutour

Continuons à réfléchir dans la perspective d'une proposition de résolution : elle serait alors transmise à la commission des affaires culturelles qui travaillera sur le sujet, et fera connaître notre position au Gouvernement. Autre possibilité, un avis politique à la Commission. Nous reviendrons donc bientôt sur le sujet pour prendre position.

Debut de section - PermalienPhoto de Simon Sutour

Nous abordons la question délicate des droits de l'Homme au Tibet, c'est-à-dire dans une partie de la Chine. Le sujet est sensible : comme chaque fois que l'on aborde la situation dans une partie d'un pays, ainsi pour les Kurdes en Turquie, on suscite un réflexe national, voire nationaliste. Il faut faire preuve de doigté pour être utiles.

Nous sommes d'ordinaire saisis d'un texte européen et notre rapporteur prépare une proposition de résolution qui, si nous l'adoptons, est envoyée à la commission compétente au fond. Cette fois-ci, nous sommes saisis d'une proposition de résolution déjà rédigée par le président du groupe d'information sur le Tibet, Jean-François Humbert. Notre tâche consiste à faire un rapport sur cette proposition de résolution, à l'adopter ou la rejeter, ou encore à la modifier. Nous sommes un peu dans le cas d'une commission permanente saisie d'une proposition de loi, tout en étant tenus de nous prononcer dans le délai d'un mois. Je remercie donc Bernard Piras de sa célérité. Ensuite, si nous adoptons le texte compte tenu des propositions faites par le rapporteur, la proposition de résolution ira à la commission des affaires étrangères, qui aura un mois pour se prononcer. Si, au contraire, nous la rejetons, elle sera également transmise à la commission des affaires étrangères, mais elle ne sera alors tenue par aucun délai... Notre intérêt est d'adopter un texte.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Humbert

Je me réjouis de la procédure qui permet à ma proposition de résolution d'être inscrite à l'ordre du jour de nos travaux. Merci à M. Piras d'avoir travaillé à l'amélioration de mon texte ; nous devrions pouvoir surmonter nos différences.

Cosignée par 24 des 27 membres du groupe d'information sur le Tibet, représentant la quasi-totalité des groupes politiques du Sénat, cette proposition de résolution a un objet simple : rompre le silence assourdissant de la communauté internationale face à l'aggravation de la situation au Tibet. Depuis l'annexion forcée du Tibet par la Chine en 1950 et après le départ du Dalaï-Lama pour Dharamsala en 1959, les Tibétains n'ont jamais accepté ce qu'ils ressentent au fond de leur coeur comme une domination étrangère. Après l'écrasement de la résistance armée tibétaine, les ravages de la révolution culturelle, après la répression du soulèvement à Lhassa en 1989, celui du printemps 2008 a été lourdement réprimé. Depuis, la loi martiale prive les Tibétains de leurs droits et libertés les plus élémentaires. Cette oppression continue les a plongés dans un désespoir si profond que certains d'entre eux en sont arrivés à cette forme radicale de protestation que constituent les auto-immolations par le feu. Avant de revenir sur le terme, sachez qu'au 24 octobre, il y en avait eu 58.

L'idée de la proposition de résolution nous est venue lorsque nous avons accueilli en mars dernier M. Kelsang Gyaltsen. Celui-ci nous a demandé de soutenir la nomination d'un représentant spécial de l'Union européenne pour le Tibet. En 1997, nous a-t-il expliqué, un coordinateur a été nommé aux États-Unis et son bilan est très positif. Depuis, le gouvernement américain s'est montré beaucoup plus fort et cohérent que l'Europe sur la question tibétaine. Ce coordinateur est une personnalité officielle de haut rang avec le titre de sous-secrétaire d'État, et son titulaire actuel est Mme Maria Otero, sous-secrétaire d'État pour la sécurité, les droits de l'Homme et la démocratie, en même temps que coordinateur spécial pour le Tibet. Celle-ci rencontre trois fois par an les représentants du conseil de la sécurité de la Maison Blanche, du département d'État, ainsi que le sous-secrétaire d'État pour l'Asie et le Pacifique. Elle a invité les ambassadeurs européens en poste à Washington et visité Paris, Londres, Berlin et Bruxelles. Elle se rend régulièrement en Inde et au Népal pour rencontrer les Tibétains en exil. En trois ans, elle a rencontré cinq fois le Dalaï-Lama. Avec un seul gouvernement et un seul département d'État, la politique américaine sur le Tibet est beaucoup plus cohérente. Dans une Union européenne à 27 membres, un coordinateur apparaît encore plus nécessaire. Comme autrefois le gouvernement Clinton, le président américain et Hillary Clinton sont très actifs, et ce, sans conséquences négatives : les relations entre les États-Unis et la Chine sont meilleures que celles de bien des pays européens. Les Chinois ont accepté que la question du Tibet figure en priorité sur l'agenda sino-américain et leurs protestations sont formelles et presque routinières lorsque Barack Obama rencontre le Dalaï-Lama, ce qui n'est pas le cas lorsque des dirigeants européens font de même.

M. Kelsang Gyaltsen nous a convaincus de l'urgence à montrer aux Tibétains qu'ils ne sont pas seuls au monde face à leurs oppresseurs chinois. L'Union européenne s'honorerait de suivre l'exemple américain en nommant un représentant spécial pour le Tibet, qui coordonnerait les efforts des États membres pour y promouvoir les libertés et la recherche d'une solution pacifique et négociée sur la question. Celle-ci n'est pas hors d'atteinte : il suffirait d'un peu de bonne volonté de la part de la Chine pour que les Tibétains bénéficient de l'autonomie réelle à laquelle ils ont droit en vertu de la constitution de la République populaire de Chine - elle prévoit des régions autonomes, dont le Tibet. Notre proposition de résolution s'appuie sur la résolution relative aux droits de l'Homme au Tibet adoptée par le Parlement européen le 14 juin 2012, et dont le point 19 préconise la nomination d'un représentant spécial pour le Tibet.

Les parlements européens doivent parler de manière plus franche et courageuse que les gouvernements : nous devons convaincre nos amis Chinois qu'il est indigne de leur statut de puissance mondiale de s'acharner sur un petit peuple de six millions d'habitants. Sa communauté en exil a montré sa capacité à vivre une vie démocratique, notamment lors des dernières élections organisées par la communauté en exil, dont j'ai été l'observateur en France - je peux aussi vous parler du référendum sur l'autonomie réelle demandé par les Chinois.

Notre proposition de résolution n'obéit à aucune considération partisane, ce dont témoigne la liste de ses signataires. L'attachement aux droits de l'Homme n'est ni de droite, ni de gauche, c'est une tradition de notre Haute assemblée.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Piras

J'ai eu la chance de me rendre à Lhassa récemment : nos analyses ne sont pas discordantes.

Après les émeutes de 2008, avec la multiplication des immolations depuis 2010, la question tibétaine est au coeur de l'actualité. Face à la propagande chinoise qui ne désarme pas, à la colonisation qui s'amplifie et la répression de toute protestation, il est légitime d'attirer l'attention de la communauté internationale sur cette violation constante des droits de l'Homme depuis 1951. L'affirmation de l'histoire officielle chinoise selon laquelle le Tibet appartient à la Chine en raison du lien personnel établi autrefois entre le Dalaï-Lama et l'Empereur, puis dénoncé au début du XXe siècle par le Dalaï-Lama, ne saurait justifier la politique menée par la Chine au Tibet depuis 1951. Il est également impossible d'accepter la banalisation de la question tibétaine comme le propose la Chine, quand elle prétend que l'affaire relève de ses affaires intérieures, au titre d'une politique générale des minorités ethniques. Loin de constituer une minorité noyée au sein des Hans majoritaires, les Tibétains sont les héritiers d'une civilisation millénaire à part entière, avec sa langue, sa culture, sa religion, et qui aspire à survivre. Que les Tibétains aient subi l'influence chinoise (moins encore que l'influence indienne) ne les prédispose pas à perdre leur autonomie. Les Japonais pourtant nourris de civilisation chinoise pendant plusieurs siècles ne sont pas pour autant des Chinois !

Dans un esprit d'apaisement, à deux reprises, le chef spirituel des Tibétains a avec réalisme ouvert la voie d'un compromis en donnant à la Chine la possibilité de sortir, à son avantage et sans perdre la face, de ces tensions permanentes. À Strasbourg, devant le Parlement européen, le Dalaï-Lama a proposé en 1988 un plan de paix en cinq points : transformation du Tibet en une zone de paix démilitarisée ; abandon des transferts de population chinoises par la Chine ; respect des droits de l'Homme et des libertés individuelles ; restauration et protection de l'environnement naturel, avec l'abandon du stockage des déchets nucléaires chinois au Tibet ; ouverture de négociations sur le futur statut du Tibet. Concession majeure, il abandonnait la revendication d'indépendance pour se contenter d'une autonomie au sein de la Chine, ce qui constituait une concession majeure.

Publiant en 1992 les lignes directrices de la politique du futur Tibet, le Dalaï-Lama a affirmé sa détermination à n'accepter personnellement aucune responsabilité politique dans le futur gouvernement du Tibet pour ne conserver qu'un magistère moral et religieux. Enfin, il a cédé le pouvoir à un Premier ministre du gouvernement en exil, choisi par la diaspora en exil. Toutes ces concessions n'ont eu aucun effet sur la politique de la Chine et les négociations sino-tibétaines demeurent au point mort.

Le Parlement européen a affiché un souci constant : par sa résolution du 15 février 2007, adoptée par 71 votes contre un et une abstention, il recommandait à l'Union européenne d'adopter une approche plus ferme pour favoriser le dialogue sino-tibétain. Il invitait en particulier le gouvernement de la Chine et le Dalaï-Lama à reprendre leur dialogue sans préalable, afin de parvenir à des solutions pragmatiques qui respectent l'intégrité territoriale de la Chine et répondent aux aspirations du peuple tibétain. Cette résolution invitait aussi les États membres à promouvoir activement l'approfondissement du dialogue et, en l'absence de résultat tangible, à évaluer, en consultation avec les deux parties, le rôle que l'Union européenne pourrait jouer pour faciliter une solution négociée, notamment en nommant un représentant spécial de l'Union européenne pour le Tibet. Or, cinq rencontres s'inscrivant dans le cadre du dialogue engagé en septembre 2002 entre le gouvernement de la Chine et les envoyés du Dalaï-Lama n'ont pas permis de régler les différences sur les problèmes de fond. En particulier, les deux parties n'ont pu atteindre une communauté de vues sur les relations historiques entre le Tibet et la Chine. Enfin, le gouvernement de la Chine continue à exprimer ses inquiétudes pour l'unité et la stabilité de la Chine, alors même que le Dalaï-Lama a renoncé à exiger l'indépendance du Tibet.

Le 15 janvier 1998, le Parlement européen demandait déjà au Conseil et à la Commission de nommer un représentant spécial de l'Union européenne pour le Tibet, chargé de prendre toutes les initiatives nécessaires pour qu'il soit donné suite aux demandes de celle-ci en ce qui concerne les droits civils et politiques au Tibet, et d'en suivre l'évolution. Le 11 avril 2002 une autre résolution renouvelait cette demande et, le 12 novembre 2003, une nouvelle résolution sur le Tibet appelait à nommer un représentant spécial de l'Union européenne pour le Tibet afin de promouvoir dans un avenir proche des négociations sérieuses entre le gouvernement chinois, le Dalaï-Lama et ses représentants.

En 2003, le ministre des affaires étrangères de la France déclarait que la vigilance en matière de droits de l'Homme était nécessaire, que le dialogue sino-tibétain devait se poursuivre et qu'il fallait trouver un équilibre entre la nécessité de préserver l'identité des Tibétains et celle de garantir la souveraineté de la Chine. Cette position mesurée n'a pas évolué depuis.

Après les événements de 2008 et le regain des tensions, le Parlement européen s'est encore attelé à la tâche de rappeler à la Chine la nécessité de respecter les droits de l'Homme au Tibet. Sa résolution du 14 juin 2012 soutient à nouveau la nomination d'un rapporteur spécial pour le Tibet auprès du Haut représentant pour la politique étrangère et de sécurité.

Si la proposition de résolution européenne dont nous sommes saisis se justifie par la situation au Tibet, il est nécessaire de s'interroger sur son opportunité. Son but est de faire cesser la répression au Tibet et, si possible, d'amener la Chine à revenir à la table des négociations ; or, elle pourrait avoir l'effet inverse, la Chine se raidissant dans son refus d'une ingérence dans ses affaires intérieures. En ce moment, une période de rare tension avec le Japon, elle pourrait en appeler au patriotisme de ses citoyens pour faire oublier ses difficultés internes.

De plus, nommer un représentant pour une région à l'intérieur d'un État serait une première. La Chine, qui considère le Tibet comme une affaire intérieure ressentirait durement cette innovation : elle empêche par exemple le Conseil de sécurité de l'ONU de se prononcer sur ce qu'elle considère comme les affaires intérieures de la Syrie. Ne serait-il pas plus efficace d'avoir recours au nouveau Représentant de l'Union pour les droits de l'Homme, Stavros Lambrinidis, et de lui fixer la question tibétaine comme une priorité ? Sans remettre en cause le bien-fondé de la proposition de résolution, cette suggestion évite de chatouiller la Chine sur son intégrité territoriale. C'est l'objet des modifications que je vous soumets.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Humbert

Je l'en remercierai après qu'il aura accepté une ou deux modifications. À l'alinéa 9, je trouve que la formule « à un Premier ministre » est moins respectueuse pour l'élu de la communauté en exil que la formule « au Premier ministre ».

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Humbert

Par ailleurs, une solution de compromis consisterait à ajouter à l'alinéa 10, « à défaut d'un représentant spécial de l'Union européenne pour le Tibet ».

Debut de section - PermalienPhoto de André Gattolin

Les résolutions européennes antérieures évoquaient un Haut représentant.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Humbert

À l'alinéa 11, je note que l'adjectif « humain » a disparu après « droits ».

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Piras

D'accord pour mentionner les « droits humains ».

Debut de section - PermalienPhoto de Simon Sutour

Il semble que nous ayons maintenant un texte de synthèse.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

Je suis gêné par certaines formulations. Ou bien il s'agit d'une affaire de droits de l'Homme à l'intérieur du territoire chinois, et dans ce cas, il est préférable de le dire. Quand on évoque l'intégrité territoriale de la Chine, on doit le faire d'une manière qui englobe le Tibet de façon non équivoque. En outre, il me paraît paradoxal de soutenir une position dont je ne suis pas sûr qu'elle soit celle du Dalaï-Lama et du gouvernement en exil, consistant à ne revendiquer que l'autonomie à l'intérieur de la Chine. Quand le Dalaï-Lama énonce ses cinq points, il propose simplement l'ouverture de négociations sans préalable : il dit « la Chine considère que le Tibet est une province, nous considérons que nous sommes une nation ». De ce point de vue, la recommandation faite aux Européens de soutenir un gouvernement en exil est en contradiction avec la position consistant à dire que c'est une question de droits de l'Homme à l'intérieur de la Chine. Je comprends l'intention et la position des auteurs de la proposition de résolution, il me semble néanmoins que de nombreux gouvernements européens ne peuvent suivre une position volontairement ambiguë.

Debut de section - PermalienPhoto de Simon Sutour

C'est une proposition de résolution à son premier stade.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Piras

L'important est de favoriser la reprise du dialogue. Voilà l'objectif !

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

Nous ne l'atteindrons pas sans signifier aux Chinois que le Tibet est à l'intérieur de la Chine. C'est comme l'Espagne et le Pays basque.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Humbert

J'ai entendu le Dalaï-Lama à plusieurs reprises ces dernières années ; il se résout à ce que le Tibet soit une entité autonome au sein de la République populaire de Chine.

Debut de section - PermalienPhoto de Simon Sutour

Le rapporteur ayant accepté de nouvelles modifications, je vous propose de nous prononcer.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Billout

Mon groupe n'est pas coauteur de la proposition de résolution, mais ce n'est pas par désintérêt ou par désaccord. Simplement nous ne sommes que vingt ! Les questions sur les droits de l'Homme nous semblent importantes, et pas seulement au Tibet : les Kurdes de Turquie mériteraient aussi une proposition de résolution...

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Billout

Je partage le constat fait par MM. Humbert et Piras, et je crois plus sage et plus conforme à l'esprit européen de ne nommer un représentant spécial que dans les conflits bilatéraux ou multilatéraux. Je soutiens donc la proposition telle qu'elle a été modifiée par le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Morin-Desailly

J'appartiens à deux groupes d'études, sur la Chine et le Tibet, et j'ai cosigné la proposition de résolution de Jean-François Humbert. J'apporte mon soutien plein et entier au texte final.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Bizet

Je voterai pour la résolution. Je me réjouis que nous dépassions nos clivages politiques parce qu'il s'agit des droits de l'Homme.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Ries

Autonomie ou indépendance, nous ne sommes pas habilités à entrer dans ce débat. Quelle est, au fond, la stratégie du Dalaï-Lama ? Je voterai la proposition de résolution modifiée, compte tenu de l'objectif final : maintenir le dialogue entre les autorités chinoises et la communauté tibétaine en exil, progresser, à terme, vers la démocratie. Je me suis rendu au Tibet : la religion y est omniprésente, nous sommes quasiment dans un État théocratique, assez loin finalement du fonctionnement démocratique, pas seulement du fait de la Chine.

Debut de section - PermalienPhoto de André Gattolin

Mon groupe soutient la proposition. Ne soyons pas trop inquiets au sujet des rétorsions commerciales de la Chine. De nombreux rapports font le bilan des représailles commerciales de la Chine envers les pays soutenant le Tibet : la situation a beaucoup changé depuis 2006. A preuve, les investissements chinois au Canada ont doublé depuis que Stephen Harper a reçu le Dalaï-Lama au début de l'année. La Chine fait très bien la différence entre la souveraineté politique et ses intérêts économiques, qui sont prioritaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Je voterai pour, car je n'apprécie pas qu'on me téléphone pour me dire ce que je dois faire.

Debut de section - PermalienPhoto de Simon Sutour

Je me réjouis de ce consensus.

A l'issue du débat, la commission des affaires européennes a adopté, à l'unanimité des présents, la proposition de résolution européenne dans la rédaction suivante :

Le Sénat,

Vu l'article 88-4 de la Constitution,

Vu la résolution 2012/2685 du Parlement européen du 14 juin 2012 sur la situation des droits de l'Homme au Tibet,

Considérant que le respect des droits de l'Homme, ainsi que de la liberté de religion et d'association, est l'un des principes fondateurs de l'Union européenne et de sa politique étrangère,

Considérant que le dialogue Union européenne-Chine sur les droits de l'Homme n'a débouché sur aucune amélioration sensible de la situation des droits fondamentaux des Tibétains,

Considérant que les autorités de la République populaire de Chine (RPC) ont eu un recours disproportionné à la force face aux manifestations de 2008 au Tibet et que, depuis lors, elles imposent des mesures de sécurité contraignantes qui limitent la liberté d'expression, d'association et de religion des Tibétains,

Considérant que les pourparlers entre les émissaires du Dalaï-Lama et le gouvernement de la RPC visant à trouver une solution pacifique et mutuellement satisfaisante à la question du Tibet n'ont débouché sur aucun résultat concret et sont actuellement au point mort,

Considérant que les principes fixés dans le Mémorandum sur une autonomie réelle pour le peuple tibétain, présenté par les émissaires du Dalaï-Lama à leurs interlocuteurs chinois au mois d'octobre 2008, sont à prendre en compte pour arriver à une solution politique réaliste et durable de la question tibétaine,

Considérant que le processus de démocratisation des institutions tibétaines en exil a franchi récemment une étape décisive, avec le transfert des pouvoirs politiques du Dalaï-Lama au Premier ministre de l'administration centrale tibétaine en exil,

Demande au Haut Représentant de l'Union européenne pour les Affaires étrangères et la Politique de Sécurité, à défaut d'un représentant spécial pour le Tibet, de confier au Représentant spécial de l'Union européenne pour les droits de l'Homme la question tibétaine comme une priorité, avec pour mandat de :

- promouvoir la coordination politique au sein de l'Union européenne pour des actions cohérentes visant à faire progresser les droits humains et les libertés des Tibétains, notamment leur droit à préserver leur identité propre, dans ses aspects religieux, culturels et linguistiques ;

- promouvoir la coordination politique au sein de l'Union européenne pour des actions cohérentes soutenant le dialogue entre le gouvernement de la RPC et les émissaires du Dalaï-Lama, dans la perspective d'aboutir à une solution pacifique et mutuellement bénéfique de la question du Tibet, tenant compte de la nécessité, pour la RPC, de préserver sa souveraineté et son intégrité territoriale et, pour les Tibétains, de jouir d'une réelle autonomie au sein de la RPC ;