Intervention de Patricia Schillinger

Commission des affaires européennes — Réunion du 15 décembre 2016 à 8h35
Agriculture et pêche — Étiquetage des produits alimentaires : rapport d'information proposition de résolution européenne et avis politique de mmes pascale gruny et patricia schillinger

Photo de Patricia SchillingerPatricia Schillinger :

Deux expérimentations sont aujourd'hui menées en France, en liaison avec les services de la Commission européenne : la première dans le domaine de l'étiquetage nutritionnel, la seconde dans celui de l'étiquetage des plats cuisinés. L'une et l'autre, conduites à la suite du scandale de la fraude à la viande de cheval dans les plats cuisinés en 2013, constituent un précédent dans l'Union européenne.

Ce constat liminaire souligne les dimensions très variées de la question de l'étiquetage alimentaire, ainsi que l'étroite imbrication des actions menées au niveau national et au niveau européen. En outre, le sujet n'est pas sans lien avec la problématique de la lutte contre le gaspillage alimentaire.

C'est pourquoi Pascale Gruny et moi-même avons souhaité approfondir nos réflexions sur l'étiquetage alimentaire, au sens le plus large du terme, dans le cadre d'un projet de rapport d'information et d'une proposition de résolution européenne.

Cette dernière formule des recommandations autour de deux orientations complémentaires : le soutien aux initiatives françaises tendant à améliorer les modalités d'étiquetage et, par là même, de lutter aussi contre le gaspillage alimentaire et la nécessité de compléter ces démarches nationales par une nouvelle impulsion au niveau européen.

Concernant le premier point - Pascale Gruny présentera le second -, la clé de voûte de la réglementation applicable en France et en Europe est le règlement du 25 octobre 2011 concernant l'information des consommateurs sur les denrées alimentaires dit « règlement INCO ». Sa mise en oeuvre a nécessité plus de cinq années de préparation, dans l'industrie agroalimentaire et le secteur de la distribution. Au terme de ce vaste effort collectif, les consommateurs y ont gagné une information plus transparente et de meilleure qualité.

Après avoir souligné cet acquis, notre proposition de résolution européenne salue les deux initiatives nationales visant à en améliorer encore le contenu. D'abord, l'étiquetage nutritionnel. Le règlement INCO prévoit une déclaration nutritionnelle obligatoire sur l'emballage pour aider le consommateur à mieux choisir les aliments qu'il achète. Figurent ainsi six rubriques : les quantités contenues dans 100 g ou 100 ml de lipides, d'acides gras saturés, de glucides, de sucres, de protéines et de sel, ainsi que la valeur énergétique, exprimée à la fois en kilojoules et en kilocalories.

Durant dix semaines à compter du 26 septembre, quatre logos éclairant les décisions d'achat ont été évalués dans quarante supermarchés français. Le premier est le dispositif Nutri-Score conçu par l'Inserm pour le ministère de la santé, qui repose sur un système de notes de A (la meilleure note, en vert) à E (en rouge). Le deuxième est le Système d'étiquetage nutritionnel simplifié (SENS) développé par l'entreprise Carrefour et la grande distribution, classant les aliments selon leurs défauts et leurs qualités nutritionnelles. Il indique la fréquence de consommation souhaitable du produit sur la base de sa teneur en nutriments : « très souvent », « souvent », « régulièrement en petite quantité », ou « occasionnellement en petite quantité ». Le troisième logo est l'étiquetage Nutri-Repère de l'industrie agroalimentaire qui indique l'apport de chaque aliment au regard des besoins en matières grasses, énergie et sel, à la fois en pourcentage et en valeur. Enfin, le système dit des « feux tricolores » mis en oeuvre au Royaume-Uni est similaire au précédent avec, en plus, un code couleur allant du vert au rouge, pour chaque catégorie de nutriments (calories, matières grasses, acides gras saturés, sel, sucre).

Les résultats de ces quatre expérimentations, en cours d'analyse, devraient être disponibles au début 2017. Les pouvoirs publics français auront alors toute latitude pour en tirer les conclusions qui s'imposent, sous la forme probable d'une disposition réglementaire faisant prévaloir l'un de ces logos.

Notre proposition de résolution fait valoir la nécessité de promouvoir « une information synthétique et compréhensible par tous les consommateurs », afin d'éviter que « trop d'information ne tue l'information ».

Elle salue également la seconde expérimentation française sur l'étiquetage des plats cuisinés, menée avec l'assentiment de la Commission européenne. La base juridique de cette expérimentation est constituée par les dispositions d'un décret du 19 août 2016 prévoyant l'étiquetage de l'origine des viandes et du lait, applicables aux plats contenant au minimum 8 % de viande (bovine, porcine, ovine, caprine, ainsi que les volailles) et 50 % de produits laitiers (le lait, la crème de lait, le beurre, le babeurre, les pâtes à tartiner, les yoghourts, le lactosérum et les fromages).

L'expérimentation, qui durera deux ans, ne commençant que le 1er janvier 2017, la résolution propose d'approuver « la démarche qui consistera à évaluer in fine les effets de ce dispositif avant d'envisager les modalités de sa pérennisation ». Naturellement, cela supposerait alors une harmonisation européenne par le haut.

Deux remarques pour conclure. Je plaide en faveur d'une plus grande lisibilité des informations. En effet, nos auditions ont mis en lumière les effets négatifs d'une mauvaise compréhension, par une large partie des consommateurs français, de la différence entre les mentions « à consommer de préférence avant... » et « à consommer jusqu'au... ». Il serait également utile de faire figurer dans l'étiquetage le nombre de jours où la consommation est possible après ouverture, ainsi que, en termes simples, les informations nécessaires aux personnes diabétiques ou astreintes à respecter des régimes sans sel.

Enfin, à mes yeux, le renforcement des obligations en matière d'étiquetage doit s'accompagner de moyens de contrôle accrus accordés aux services de l'État, notamment la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) - faute de quoi ces obligations nouvelles, très importantes pour les consommateurs, seraient insuffisamment respectées.

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