Intervention de René Danesi

Commission des affaires européennes — Réunion du 17 mars 2016 à 8h30
Économie finances et fiscalité — Exemption du cristal de la directive « limitation de l'utilisation de substances dangereuses dans les équipements électriques et électroniques » : proposition de résolution européenne et avis politique de m. rené danesi

Photo de René DanesiRené Danesi, rapporteur :

Aujourd'hui, la production cristalline dans l'Union européenne représente 197 entreprises, quelque 3 000 emplois directs et 9 000 emplois indirects. Un tiers de ces emplois concernent les lustres en cristal, uniques pièces fabriquées dans ce matériau visées par la directive de 2011 sur l'emploi de substances dangereuses dans les équipements électriques ou électroniques.

Le sujet est simple au plan conceptuel, il l'est moins au plan juridique, car il existe trois textes distincts : la directive de 1969 relative au cristal, la directive-cadre de 2008 sur les déchets, enfin la directive de 2011 tendant à réduire les risques de pollution induits par certains équipements électriques ou électroniques. La directive du 15 décembre 1969 définit quatre catégories de cristal, selon la teneur en oxyde de plomb : ainsi, le « cristal supérieur » doit en contenir au moins 30 %. Aucune teneur maximale ne figure dans la directive. La présence d'oxyde de plomb est indispensable aux caractéristiques visuelles qui font la réputation du cristal. En outre, plus il y a de plomb, plus la température de fusion est basse et plus le refroidissement est lent. Ces deux propriétés permettent aux artisans et aux industriels d'obtenir avec le cristal des pièces plus grandes et plus travaillées qu'avec du verre. Environ 50 tonnes d'oxyde de plomb sont utilisées chaque année dans les lustres en cristal fabriqué sur le territoire de l'Union.

La directive du 19 novembre 2008 relative aux déchets a créé un comité scientifique qui a pour mission d'assister la Commission européenne dans l'élaboration d'un acte délégué portant sur les déchets. C'est ce comité qui examinera la demande de dérogation.

Le texte qui nous intéresse directement aujourd'hui est la directive dite RoHS, pour Restriction of use of certain Hazardous Substances in electrical and electronic equipment, du 8 juin 2011. Elle est relative à la limitation d'utilisation de certaines substances dangereuses dans les équipements électriques et électroniques et poursuit une finalité de santé publique. En effet, des substances comme le plomb - mais aussi le mercure, le cadmium, le chrome et certains dérivés du brome - peuvent provoquer des pollutions très dangereuses pour la santé lorsqu'elles sont dispersées dans la nature. Pour prévenir ces graves inconvénients, la concentration maximale est limitée en pourcentage du poids des produits, 0,1% pour le plomb. Dans le cristal, le taux atteint 30 %...

Et pourtant, il n'était pas initialement envisagé d'inclure dans le champ de la directive le cristal, parce qu'il n'entre jamais dans la composition des équipements électriques ou électroniques stricto sensu. Néanmoins, la grande sensibilité de l'opinion publique à la pollution par le plomb a fait prévaloir une conception élargie des équipements électriques. D'où l'inclusion des lustres en cristal dans le domaine couvert par la directive RoHS.

Il est très rare de trouver dans une déchetterie des lustres en cristal, d'autant que les pièces brisées peuvent être réparées. Ainsi, la quantité de cristal provenant de luminaires susceptible d'aboutir en décharge est négligeable. En outre, le plomb présent dans le cristal est chimiquement intégré dans la matrice en verre, il ne peut donc migrer dans le sol. D'où l'absence totale de dangerosité du cristal pour l'environnement, avec des taux de migration dans le sol trois à quatre fois inférieurs au maximum admis, qui est de 10 milligrammes par kilogramme de déchet. Concrètement, le taux maximal admis par le droit de l'Union correspond à dix grammes de plomb pour une tonne de déchets. Une tonne de cristal de lustres déposée - ce qui est très hypothétique ! - dans une déchetterie laisserait s'écouler dans le sol 2,50 à 3,50 grammes de plomb. Négligeable...

Certains produits couverts par cette directive bénéficient d'exemptions fondées notamment sur l'impossibilité d'utiliser une substance moins dangereuse. Ces exceptions figurent à l'annexe III de la directive RoHS. Elles sont en vigueur au maximum pour cinq ans, mais l'annexe peut être modifiée à tout instant par la Commission au moyen d'un acte délégué tirant les conséquences du progrès technique. A priori, cette faculté permet de supprimer une exemption, pour prendre en compte l'apparition d'un procédé alternatif moins polluant. Cependant, la Commission européenne doit revoir en 2016 l'annexe III, donc se prononcer à nouveau sur la teneur en plomb des lustres en cristal. Elle applique dans ce cadre la procédure dite « progrès technique », même pour confirmer une exemption existante.

La Commission européenne a lancé une consultation publique en 2015. Celle-ci s'est achevée le 16 octobre 2015. Ensuite, la Commission a saisi un cabinet indépendant chargé de conduire une expertise technique approfondie. Le rapport du cabinet doit être publié prochainement. Après intervention du comité d'experts institué par la directive du 5 avril 2006, la Commission européenne prendra une décision au cours du deuxième semestre 2016.

L'avis politique et la proposition de résolution européenne examinés aujourd'hui sont donc susceptibles d'intervenir au moment de la remise du rapport d'expertise technique, avant la consultation du comité d'experts.

Théoriquement, deux objectifs pourraient être poursuivis : la reconduction de l'exemption pour cinq nouvelles années ou l'adoption d'une exemption définitive motivée par l'absence de menace pour la santé publique. Cette seconde solution présenterait l'avantage de mettre fin à toute interrogation sur l'avenir. Il vaut pourtant mieux y renoncer, d'abord parce qu'elle suppose une révision de la directive, donc une procédure incomparablement plus lourde que l'adoption d'un acte délégué, avec des délais incompatibles avec le calendrier actuel, puisque l'exemption en faveur des lustres en cristal arrive à échéance le 20 juillet 2016 ; ensuite, parce que l'idée d'atténuer une restriction à l'usage du plomb aurait un aspect sacrilège pour certains États, ce qui introduit un authentique risque politique ; enfin, parce que la recherche permettra peut-être un jour d'éviter l'emploi du plomb pour obtenir un matériau comparable au cristal.

Seule solution, proroger l'exemption pour cinq ans. Le dossier technique établi dans le cadre de l'audit montre qu'il n'y aura pas de substitution industrielle possible dans les cinq ans à venir. Il faut pourtant se résoudre à ce délai, car la directive n'autorise pas la Commission européenne à se prononcer pour une durée plus longue. La question se posera à nouveau en 2021.

L'avis politique et la proposition de résolution européenne qui vous sont soumis relaient de légitimes préoccupations de la Fédération des Cristalleries et Verreries à la Main et Mixtes (FCVMN), dont j'ai auditionné le président et le secrétaire général.

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