Intervention de Jean Leonetti

Commission des affaires européennes — Réunion du 14 décembre 2011 : 1ère réunion
Audition de M. Jean Leonetti ministre chargé des affaires européennes

Jean Leonetti, ministre :

Je vous remercie de la pertinence de vos questions. La phrase d'Edgar Morin que vous avez citée, monsieur Vaugrenard, figure en bonne place au mur de mon bureau : je ne saurais l'oublier, pas plus que l'essentiel ne doit faire oublier l'urgence.

Notre triple A peut perdurer. Au reste, la menace qui pèse sur la France s'est élargie à l'ensemble de la zone euro. Ce n'est pas une consolation, mais une injonction à travailler ensemble. Personne ne peut s'en sortir seul. Je n'ai de cesse de contester l'objectivité et la transparence des agences de notation, mais ce sera du moins leur seul mérite que d'avoir mis cette évidence en lumière. Si, maintenant, son triple A est entamé, la France n'en fera pas un deuil prolongé, d'autant que l'altération serait globale et que des mécanismes de discipline et de solidarité propres à soutenir la croissance, l'emploi et la compétitivité ont été trouvés.

L'Europe des peuples, dites-vous ? Mais quand la maison brûle, il faut commencer par actionner la pompe à incendie, avant de songer à réaménager l'intérieur. Oui, l'Europe se construit dans les crises, et celles-ci lui donnent la force de projeter une nouvelle Union européenne dans un nouveau monde. Est-il normal que le budget européen soit fait d'une contribution des États qui en attendent, de ce fait, un retour ? Pour une Europe plus vigoureuse et plus démocratique, il faut des ressources propres à son budget, taxe sur les transactions financières ou taxe carbone. Il est frustrant pour les parlements nationaux d'être condamnés à voter un prélèvement sans en connaître l'affectation, et pour le Parlement européen de discuter du contenu du budget européen, mais non des recettes.

La question des ressources propres pose, indirectement, celle de la réciprocité. L'Europe s'impose des normes sociales et environnementales : elle est en droit d'exiger que les produits qui passent ses frontières y répondent. Comment sont-ils fabriqués, par des êtres de quel âge, quelle est leur toxicité, leur durabilité ? Voilà une frontière qui n'est pas un mur pour se protéger, mais un appel à la concurrence loyale, et un message de réciprocité : nous croyons à la valeur des normes que nous nous imposons à nous-mêmes.

Oui, la croissance est l'objectif premier. Mais les États n'ont plus comme en 2008 les moyens d'une politique de relance. Alors qu'ils doivent s'imposer la discipline, c'est au budget européen de prendre le relais, pour libérer l'innovation, pousser le brevet européen, qui doit donner à l'Europe les moyens de la compétitivité. Une politique industrielle forte doit être développée, autour de l'énergie verte, du numérique, pour offrir à l'Europe en ces domaines une place de leader dans la compétition mondiale. Les projets comme ITER, voté par le Parlement européen à une large majorité, GEMS - qui inclut Galileo - doivent être accélérés, via une réorientation du budget européen, au service d'une seule obsession : la croissance européenne, qui doit venir à l'appui des politiques budgétaires nationales, pour faire de notre continent une zone de développement équilibré et d'innovation.

Le retrait de la Grande-Bretagne, monsieur Bizet, aura-t-il des effets sur la PAC, dont on sait que les Britanniques ne sont pas les plus ardents défenseurs ? Non, car les Perspectives financières 2014-2020 demeurent, qui intègrent une stabilisation de la PAC.

La BCE n'est pas comparable à la Fed, même s'il est vrai que le traité de l'Union européenne prévoit sa « coopération loyale ». Je ne suis pas sûr que déclarer ce qu'elle est en pratique, dans une logique nominaliste, changerait la donne. Reste que l'on n'a pas trouvé la BCE en défaut. Si elle devenait prêteur de dernier recours, je ne suis pas sûr que cela calmerait les marchés : les disparités économiques ont plus de poids que l'action de la BCE. L'accord du 9 décembre, cependant, délivre un message positif.

J'ai dit à M. Almunia, madame Lienemann, nos inquiétudes au sujet des services économiques d'intérêt général et la question a été évoquée au Conseil Compétitivité, sur demande de la France et de cinq autres États membres. Notre objectif est, sans entraver la compétitivité en Europe, de ne pas entamer le service public à la française. Le critère des 10 000 habitants doit être supprimé. J'ai demandé pourquoi le montant de 30 millions d'euros passait brusquement à 15, sans argument. J'ai relayé les inquiétudes de l'AMF. Le commissaire m'a répondu qu'il essaierait de répondre, notamment sur les effets de seuil. Oui, l'interprétation de la subsidiarité est abusive et le flou demeure sur la question de l'« efficience » des services publics. M. Juppé a adressé une note pour appuyer, à haut niveau, les demandes de la France. Hélas, il s'agit d'une décision de la Commission seule... Comme quoi l'intergouvernemental n'a pas que du mauvais : il s'appuie sur une légitimité populaire, et la recherche du consensus prévaut...

Bâle III ne doit pas altérer les liquidités des collectivités territoriales, qui ont du mal à s'alimenter. C'est pourquoi le ratio ne sera pas contraignant dans un premier temps. Nous travaillons à d'autres assouplissements. Et je rappelle que le Gouvernement a débloqué une enveloppe de 5 milliards pour les besoins immédiats des collectivités.

Si je n'ai pas évoqué le Parlement européen, c'est que je rendais compte d'un sommet, qui n'est pas dans le domaine parlementaire. Cependant, pour moi, il faut réfléchir au rôle, non seulement du Parlement européen, mais des parlements nationaux, qui doivent être mieux associés.

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