Je m'étais vivement opposée, comme beaucoup d'entre nous, à la circulaire Guéant, qui limitait le nombre des étudiants non ressortissants de l'Union européenne souhaitant prolonger leur expérience professionnelle en France. Devant les protestations quasi unanimes, cette circulaire avait d'abord été modifiée dans un sens plus libéral par le précédent gouvernement ; le gouvernement actuel l'a abrogée.
Par sa proposition de directive COM (2013) 151 du 26 mars 2013, la Commission instaure un cadre juridique qui protègera les droits des étudiants étrangers désireux de travailler dans l'Union après l'obtention de leur diplôme.
L'attractivité de l'enseignement supérieur tient en partie aux modalités d'entrée et de séjour sur le territoire d'accueil. Dans l'Union, ces conditions sont contenues dans la directive de 2004 relative aux conditions d'admission des ressortissants de pays tiers à fin d'études, d'échanges d'élèves, de formation non rémunérée ou de volontariat. La mobilité de ces ressortissants favoriserait l'Europe en tant que centre mondial d'excellence pour les études et la formation professionnelle.
La France n'est pas en reste depuis 1998 et la loi dite « Réséda » (relative à l'entrée et au séjour des étrangers et du droit d'asile) : 70 000 visas annuels de long séjour sont accordés aujourd'hui pour études. Le parcours des demandeurs d'entrée reste toujours un peu plus long que celui d'autres grandes nations, pour des raisons essentiellement administratives, mais le projet de loi sur l'enseignement supérieur prévoit des visas pluriannuels pour les étudiants et les chercheurs.
Ce parcours comprend en général trois étapes et sa durée varie selon les pays d'accueil. La première étape, qui dure au minimum un mois, est l'admission dans un établissement d'enseignement supérieur. La deuxième étape, l'autorisation d'entrée sur le territoire, prend entre quelques jours et quelques semaines ; la troisième est le renouvellement annuel du droit de séjour, qui peut donner lieu à vérification des critères de sérieux et de réalité des études.
Dans certains pays, l'obtention de l'inscription dans une université entraîne la délivrance quasi immédiate, si le dossier est accepté, du visa et du titre de séjour pour la durée des études. La Commission souhaite harmoniser ces règles et tendre vers une simplification et une libéralisation favorables aux demandeurs.
La proposition s'inscrit dans le cadre général de l'article 79 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. Le Parlement et le Conseil désirent améliorer ces dispositions en tenant compte de la stratégie « Europe 2020 » : l'immigration en provenance des pays tiers représente un vivier de personnes hautement qualifiées. La facilitation des contacts ne peut que renforcer l'efficacité de la politique européenne de voisinage. De leur côté, les pays extérieurs à l'Union sont demandeurs d'un enseignement de qualité dont ils ne disposent pas encore chez eux.
L'Europe est confrontée à des défis économiques et démographiques majeurs. La population en âge de travailler va bientôt diminuer. L'Europe perd ses chercheurs et manque d'ingénieurs, alors qu'elle a besoin d'innover. Elle doit être promue en tant que centre mondial d'excellence pour l'éducation et les relations internationales. La démarche d'ouverture n'est donc pas seulement généreuse : elle tient compte de l'intérêt bien compris de toutes les parties.
Plusieurs dispositions sont déjà en vigueur. La directive 2004/114/CE énonce les règles communes pour l'entrée et le séjour des étudiants, mais laisse toute latitude aux États membres pour les appliquer aux ressortissants admis pour un échange, une formation non rémunérée ou du volontariat. La directive 2005/71/CE prévoit, quant à elle, une procédure d'admission spécifique pour les chercheurs. C'est un cadre très souple que la Commission souhaite rendre plus contraignant pour les États membres.
La nouvelle proposition définit les conditions d'entrée et de séjour, pour une durée supérieure à trois mois, des chercheurs, étudiants, élèves, stagiaires rémunérés ou non, volontaires et personnes au pair, ressortissants de pays tiers. Elle introduit des conditions d'admission pour deux catégories qui ne relèvent actuellement d'aucun cadre juridique contraignant de l'UE : les personnes au pair et les stagiaires rémunérés. Les modalités régissant l'admission des membres de la famille des chercheurs sont assouplies, ainsi que celles concernant leur accès au marché du travail et leur mobilité à l'intérieur de l'Union.
Un demandeur qui satisfait à toutes les conditions se verra accorder un visa de long séjour ou un titre de séjour. La proposition facilite la mobilité à l'intérieur de l'Union pour les étudiants et chercheurs relevant des programmes « Erasmus Mundus » ou « Marie Curie » : ceux-ci seront élargis et leur part dans le cadre financier pluriannuel 2014-2020 augmentera.
La proposition accroît le droit des étudiants à travailler à temps partiel et de rester sur le territoire, à l'issue de leurs études ou recherches, pour recenser les possibilités d'activité professionnelle.
Elle introduit une meilleure information et une plus grande transparence ; des garanties concernent les délais de prise des décisions, leur motivation écrite et les voies de recours. Enfin, les droits perçus devront être proportionnés de manière à ne pas être dissuasifs.
La France remplit largement les conditions posées par la Commission.
Son projet pose le principe général selon lequel un demandeur qui satisfait à toutes les conditions se voit automatiquement accorder un titre de séjour ou un visa de long séjour par l'État membre où il a présenté sa demande. Les conditions générales d'admission sont les mêmes que pour l'immigration légale : des documents valables, une assurance maladie et un montant minimal de ressources.
Des conditions spécifiques aux chercheurs exigent que l'organisme de recherche, agréé par l'État, ait signé une convention d'accueil. La plupart de nos universités et centres de recherches travaillent déjà en réseau et développent des relations suivies avec leurs correspondants étrangers, d'autant que le nombre de doctorants étrangers est souvent une condition du maintien de certaines filières.
Les personnes au pair devront prouver que la famille d'accueil prend en charge leurs frais de subsistance et de logement, à travers une convention définissant les droits et les obligations de chacun.
Le programme de formation, la durée, les conditions de suspension des droits de séjour et les conditions de travail des stagiaires rémunérés devront être précisées, et l'entité d'accueil pourra être tenue de déclarer que le ressortissant du pays tiers ne pourvoit pas un poste vacant : cela évitera que les stagiaires servent de main d'oeuvre bon marché.
Pour les chercheurs et pour les étudiants, le titre de séjour doit être d'une durée d'un an au moins. Pour toutes les autres catégories, l'autorisation est limitée à un an, par principe, avec de possibles exceptions.
Le projet de directive détermine les motifs obligatoires et facultatifs de refus, de retrait ou de non renouvellement d'une autorisation, par exemple des conditions non remplies ou des faux documents.
Les ressortissants des pays tiers jouiront de l'égalité de traitement posée par la directive « permis unique ».
Je souligne deux mesures très positives : les chercheurs pourront enseigner et les étudiants travailler pour une durée hebdomadaire portée de 12 à 20 heures. Ils auront en outre la possibilité de rester sur le territoire douze mois après la fin de leurs études ou recherches, afin de trouver un emploi ou créer une entreprise.
Les chercheurs et les membres de leur famille, les étudiants et les stagiaires pourront circuler entre les États membres.
Les États membres devront se prononcer en 60 jours pour toutes les catégories de demandeurs et 30 jours pour ceux qui relèvent des programmes de l'UE, « Erasmus Mundus » et « Marie Curie ». Ils ont le devoir de rendre disponible l'information sur les conditions d'entrée et de séjour. Le coût du traitement de la demande doit respecter une proportion qui ne mette pas en péril la réalisation des objectifs de la directive.
La principale source de la valeur ajoutée des économies développées au XXIème siècle viendra de la recherche et de la technologie. L'accueil d'étudiants et de chercheurs étrangers est donc indispensable au maintien de la position européenne dans la compétition internationale. L'Europe doit maintenir un égal niveau de reconnaissance et d'attractivité vis-à-vis des pays tiers, participer à la formation des élites étrangères, et ainsi veiller à la défense de ses intérêts. La formation des cadres étrangers est aussi un facteur clé de la politique d'aide au développement et de l'amélioration de l'équilibre international.
Notre pays remplit sa mission avec détermination. En 2012-2013, la France a accueilli 289 274 étudiants étrangers, dont 74,7 % à l'Université. Ils représentent 12 % des étudiants et 41 % des doctorants. Plus de la moitié sont francophones à l'arrivée et presque la moitié d'entre eux proviennent du Maghreb et de l'Afrique noire. Cette politique publique correspond à une dépense annuelle de 4 milliards d'euros.
Grâce à son histoire, son prestige, et encore à sa langue, du moins dans les filières littéraires, la France est le troisième pays d'accueil après les États-Unis et le Royaume-Uni.
Mais la question de la langue est de plus en plus aiguë dans les domaines scientifiques et techniques. L'émergence de pays aux demandes spécifiques, dans un environnement de plus en plus concurrentiel, remet en question le statut du français, langue de travail et d'enseignement, les nouvelles générations des pays francophones portant leur regard vers d'autres horizons. Notre débat du 24 avril 2013 a souligné l'enjeu. La France a intérêt à bien accueillir les meilleurs étudiants étrangers : les liens contractés à cette occasion sont les meilleurs garants d'une francophilie durable. Comme l'estime le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche, ce projet de directive va dans le bon sens.
Sans doute y a-t-il quelque chose de surréaliste à plaider pour l'attractivité de notre territoire au lendemain de la publication des données de l'étude PISA (programme international de suivi des acquis)...